Critique scènes : Podcast en vrai
Un spectacle sur l’enregistrement d’un podcast à propos d’un roman sur les réalités virtuelles : tel est l’enchâssement très méta de Rouge vif de Mehdi Bayad, présenté au TTO en one-shot. Une expérience singulière, pas loin de Pirandello.
Signe des temps : Rouge vif, présenté pour une unique soirée dans la petite salle du TTO, est l’adaptation non d’un livre ou d’un film, mais d’un podcast. Sans être du spectacle à proprement parler, c’est plutôt une « mise en chair » puisque le deux comédiens, Camille Pistone (sous les feux de l’actu avec la nouvelle série RTBF Fils de) et Achille Ridolfi, lisent leur texte sur un pupitre et interagissent donc moins que s’il s’agissait de « vrai théâtre ». Mais l’effet est pertinent, puisque le public assiste ainsi, dans les faits, à ce qui pourrait ressembler à l’enregistrement en live d’un podcast.
Puisque c’est bien de cela qu’il s’agit : dans une mise en abyme qui va jouer malicieusement de tous ses ressorts narratifs, Rouge vif est au départ un podcast – signé Mehdi Bayad et couvert de prix – sur… l’enregistrement d’un podcast, avec un animateur prétentieux, un invité venu parler de son livre et un ingé son qui restera hors champ et qui disparaît mystérieusement.
A travers ce dispositif, sur fond de suspense malin et inspiré par l’essai Le Spectateur émancipé de Jacques Rancière, Rouge vif brouille les pistes entre réalité et fiction, réfléchit sur les règles de la narration (le « fusil de Tchekhov », par exemple) et se joue de ses protagonistes à la manière du Six personnages en quête d’auteur de Pirandello. Et décoche en passant quelques flèches bien balancées autour de la pandémie de Covid et de l’urgence climatique.
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