Critique scènes: À nos actes manqués
Pierre Sartenaer et Guy Dermul reforment leur duo de clowns philosophes et traitent dans We Gotta Get Out of this Place d’actes manqués et de l’absence dans toute sa poésie et son absurdité aussi.
Bienvenue au cirque ! Celui de la vie, de ses beautés et de ses absurdités. We Gotta Get Out of This Place, c’est un peu tout ça à la fois : un panorama de ce que nous réserve nos rencontres, les disparitions et apparitions d’êtres chers ou non. Les thèmes brassés par Pierre Sartenaer et Guy Dermul sont multiples, mais ressort de leur duo une atmosphère tendre et cocasse. Prolongeant leurs duos de clowns éprouvé dans It’s My Life and I Do What I Want (biographie d’un artiste raté créée aux Tanneurs en 2015), les deux compères reprennent en intitulé une chanson du groupe britannique The Animals pour philosopher, disserter, discuter et disputer une partition variée, à l’image d’une revue de cabaret faite d’entrées et de sorties de scènes, de monologues et de dialogues, tournant autour d’actes manqués, d’absences.
Sartenaer est le clown blanc qui s’étale avec érudition et malice sur le doute qu’émet le Coran sur l’effective présence de Jésus sur la croix. Est-on sûr que ce soit lui ? On imagine que cette question, sous ses airs de dissertation sémantique puisse soulever à sa suite l’effroi dans la chrétienté. Dermul est plutôt l’auguste, le clown physique. Tout d’abord, dans l’exécution à l’avenant de « véritables » numéros acrobatiques. Mais aussi par sa présence, sa démarche dans une scénographie joliment foutraque signée Marie Szernovicz. Par des mobiles qui s’animent par surprise, cette dernière parfait l’ambiance un rien nostalgique de l’ensemble.
Les références de la paire sont évidentes : Bouvard et Pécuchet de Flaubert, Vladimir et Estragon dans En attendant Godot ou encore les Monty Python. Autant d’inspirations pour nous faire sourire dans ce spectacle disparate dans sa forme mais cohérent dans son exécution. Difficile de vous décrire toutes les pièces du patchwork qui s’annonce comme « un spectacle sur rien » au détour d’une anecdote d’enfance de Pierre Sartenaer. Et malgré une légère sensation de flottement en milieu de représentation, on reste ému par le comédien francophone au verbe impeccable dans un passage sur un père décédé qui n’a jamais été aussi présent. On rit encore de ce (presque) saut de tremplin de son ami flamand. La complicité est ici magnifique. Le pouvoir des mots et des images prend la forme ici d’un amusant manège tournant au son du mélancolique How Can We Hang On to a Dream de Tim Hardin.
We Gotta Get Out of This Place, de Pierre Sartenaer et Guy Dermul. Jusqu’au 19/02 à l’Atelier 210 à Etterbeek (en coproduction avec le Théâtre Les Tanneurs. www.atelier210.be
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