Plus belge la vie : nos séries ont la cote

Albatros
Nicolas Bogaerts Journaliste

Le monde des séries belges n’est plus si petit. En une décennie, il a conquis les écrans dans et hors des frontières. Surtout, il a fait sauter -enfin- le cordon linguistique entre Nord et Sud.

Disponible depuis le 19 août sur Apple TV+, l’irlandaise Bad Sisters crée sa petite sensation sur la plateforme de la grande pomme, où son humour sombrement grinçant fait mouche. Et c’est un peu de son succès qui rejaillit chez nous. Car en réalité, il s’agit d’une adaptation de la série belge néerlandophone Clan, signée Kaat Beels et Nathalie Basteyns, produite par VTM en 2012 et diffusée sur Arte l’an dernier. Cette comédie noire, acide et cathartique, racontait comment cinq sœurs venaient à se débarrasser du mari abusif de l’une d’entre elles, et affrontaient les situations affolantes dégoulinant de ce meurtre perpétré en toute sororité. Bad Sisters sanctionne donc une certaine reconnaissance de la qualité des productions venues de Belgique, fruit d’un long processus. Depuis une décennie en effet, quelque chose de bien se trame dans le royaume. Et ces succès tendent même à faire sauter le verrou linguistique et communautaire qui régit traditionnellement les relations médiatiques entre le Sud et le Nord du pays. Ainsi en atteste la diffusion cette année, en francophonie, des séries Grond sur BeTv, Beau Rivage sur Arte ou encore Albatros sur Auvio (depuis le 24 août).

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Ancrage

Flash-back. En 2013 naît le fonds séries RTBF-FWB, fruit d’un partenariat entre la chaîne télé publique et la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le but: soutenir le développement et la production de fictions télés avec un ancrage substantiel dans la réalité de la société belge (francophone). Très vite, en 2016, la première phase a accouché des séries La Trêve (de Matthieu Donck, Stéphane Bergmans et Benjamin d’Aoust) et Ennemi Public (d’Antoine Bours, Fred Castadot, Gilles de Voghel, Matthieu Frances et Christopher Yates), dont les succès critique et d’audience ont permis l’exportation à l’étranger. Malgré quelques relatifs ratés (Baraki, Fils de), la RTBF, quasiment en situation de monopole sur la production en Belgique francophone, a maintenu le processus, pied au plancher, et peut se targuer de produire des séries qui ont le doigt sur le pouls de la société. Le plus bel exemple en est Pandore de Savina Dellicour, Vania Leturcq et Anne Coesens, diffusé l’an dernier. Culture du viol, sexisme institutionnel, sensationnalisme médiatique, haute bourgeoisie toxique et voyouterie de parti ne sont pas juste abordés ou illustrés. Leurs articulations et les liens sournois qui les mettent en branle apparaissent à mesure que le scénario appuie là où ça fait mal. Du côté des productions numériques, La Théorie du Y a réussi à imposer le thème des sexualités nouvelles et de la fluidité des genres dans un registre intelligent et sensible. Son écriture visuelle résolument nouvelle, signée Caroline Taillet et Martin Landmeters, se déploie désormais en multicanal (Auvio, Facebook, YouTube) afin de toucher le public le plus large possible.

La Théorie du Y

Exportation

Avec Zone Blanche (de Mathieu Missoffe) en 2017, la RTBF a joué la carte de la coproduction avec la maison France Télévisions. Mais c’est encore sur Netflix que s’ouvre instantanément le sésame international. La plateforme a en effet diffusé à l’étranger La Trêve, avant de lancer, dans le cadre de sa stratégie de globalisation des productions «locales», les deux saisons de Into the Night (avec Laurent Capelluto) ainsi que la toute récente Endless Night, coproduction franco-belge dans laquelle on retrouve l’actrice Stéphanie Crayencour. En France toujours, la série flamande estivale Two Summers de Paul Baeten Gronda et Tom Leenaerts est diffusée par Canal+. Ce thriller qui raconte l’escapade estivale d’un groupe d’amis de longue date ébranlée par la révélation d’un viol collectif commis en son sein 30 ans plus tôt, attend toujours son lancement chez nous sur la plateforme Netflix. Ainsi, le futur des séries belges s’inscrit de plus en plus nécessairement dans une perspective extra-nationale. En témoigne la présence à Séries Mania ce printemps, et en grande pompe, de la prochaine série griffée par le trio de La Trêve: Des gens bien. Une comédie loufoque à l’écriture très originale, gavée de surprises et de tronches, qui s’annonce pour le milieu de l’automne. On y reviendra.

Des gens bien

Made in Vlaanderen

Si l’exportation des productions made in Belgium à l’étranger est une bonne nouvelle, la meilleure circulation des séries flamandes en francophonie l’est tout autant -si ce n’est plus. Grâce à Arte, la série Beau Séjour (de Nathalie Basteyns et Kaat Beels, en 2017) a promené son spleen fantastique jusque dans nos foyers. Cette année, sa «suite», Beau Rivage, a prolongé, dans un paysage et avec des personnages différents, son concept du fantôme qui, invisible aux vivants, doit mener l’enquête non seulement sur les circonstances de sa mort, mais sur ce qui, dans sa vie, lui a valu ce peu enviable purgatoire. Succès critique au rendez-vous. Heureusement, il n’est pas besoin de systématiquement passer outre-Quiévrain pour avoir accès aux séries flamandes. Ainsi, BeTV a pris l’initiative de diffuser en 2021 la réjouissante Terre (Grond, de Bilall Fallah et Adil El Arbi, coresponsables également de Ms Marvel sur Disney). Version euphorisante et en flamand du “trek ta plan” bruxellois, cette comédie maroxelloise sans frontières raconte avec gourmandise les aléas d’un business familial de funérailles entre Belgique et Maroc repris par un couple de potes facétieux et potaches. Et livre au passage quelques images follement réalistes du joyeux désordre de la capitale. De Flandre nous vient tout récemment Albatros de Wannes Destoop et Dominique Van Malder, jolie fable faussement décalée sur un groupe de personnes obèses tentant de retrouver un peu d’estime lors d’un stage en pleine nature. La série démine le body shaming et explore les fondements intime du mal-être corporel. De bien jolies couleurs en provenance d’un petit pays qui, plus que jamais, déborde de séries.

Terre

Albatros. Une série créée par Wannes Destoop et Dominique Van Malder. Avec Dominique Van Malder, Ruth Beeckmans, Benny Claessens. Disponible sur RTBF Auvio le 24 août.

7

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content