On pense aux univers de Franquin et de Jérôme Bosch avec The Eternal Cylinder. Un jeu qui insuffle une diversité bienvenue dans le paysage normé du gaming.
Malgré l’infinie malléabilité de leurs outils de création, les jeux vidéo se suivent et se ressemblent trop souvent. Ce constat ne se limite pas au photoréalisme de blockbusters comme Far Cry 6 ou Battlefield 2042. Touchant également la pixel fatigue indé (Celeste, Olija, Everhood…), cette redondance esthétique ne concerne pas The Eternal Cylinder. Ce jeu de plateforme, d’exploration et de survie quitte ainsi les rives du déjà-vu pour explorer un monde onirique constamment menacé par l’inexorable avancée d’un cylindre titanesque. Un trip hallucinogène qui ressuscite les créatures de Will Wright (Spore), mais aussi les visions fantasmatiques de Franquin et des Monty Python.
« Cette histoire ne parle pas de l’Unité (…) qui écrase tout ce qu’elle touche pour le rendre lisse et homogène. C’est l’histoire des Multiples, bénis par leur différence et leur fascinante étrangeté. » Fuyant sans cesse un rouleau compresseur incandescent et monumental, le joueur suivra un scénario dans des paysages fous qui résonnent avec une nature ludique divergente. D’aucuns y verront une critique déguisée du conformisme créatif d’une large frange de l’industrie gaming.
Bipèdes surmontés d’une trompe aspirante, les Trebhums (que le joueur incarne) évoluent dans un monde semi-ouvert que Jérôme Bosch ou Dali auraient pu peindre. À l’image de ces fruits gonflés d’hélium dressant les branches d’un saule pleureur vers le ciel. Plus loin, une mâchoire géante tournée vers le sol se déplace sur des petites pattes. À l’instar encore d’un capot de voiture des années 20 surmonté d’une paire de bras bodybuildés, le grotesque et l’horreur se côtoient dans des tableaux cryptiques et jubilatoires. Mieux, la voix off de Jonas Kyratzes (The Talos Principle) commente en permanence ce fascinant récit aux mille couches existentielles.
La métaphysique du tube
Cultivant également le merveilleux de No Man’s Sky, Paper Beast et JETT: The Far Shore, les développeurs chiliens d’Ace Team amplifient ici la beauté étrange de leurs précédents Zeno Clash I et II. Ils imaginent une biodiversité féconde qui dessert un gameplay voué à la survie des Trebhums. Menacé en permanence par une faune chimérique (en plus du cylindre), le gamer avale des dizaines de végétaux et petits animaux (gare au poison) pour éviter de mourir de faim. Certains nutriments génèrent des mutations folles qui leur permettent tantôt d’éclairer une grotte grâce à une peau luminescente, tantôt de planer en se gonflant d’hélium ou encore de s’agripper sur des parois avec des pattes ventousées. Cette pléthore d’évolutions guide une série de petites énigmes freinant la progression. Parfois absconses, ces dernières se doublent aussi de courses-poursuites de plus en plus corsées face au maudit cylindre. Se rouler en boule, accélérer et optimiser sa trajectoire jusqu’à la prochaine tour protectrice y est vital pour éviter de se faire broyer. Une parabole existentielle que The Eternal Cylinder prend un malin plaisir à raconter, parmi beaucoup d’autres.
The Eternal Cylinder
Survival. Édité par Good Shepard et développé par Ace Team, âge: 12+, disponible sur PC, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One et Xbox Series. ****
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