L’édito : Scénarios du futur

© National
Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

On plaint les marabouts, les médiums et les Madame Irma. Avec tous les nuages gris qui s’amoncellent au-dessus de nos têtes en ce moment -épidémie, climat qui s’affole, tensions géo-politiques, crise énergétique…-, prédire l’avenir est sans doute plus risqué que d’investir toute sa fortune en bitcoins. Certains s’y emploient pourtant. Comme Ipsos, dont la dernière édition de l’étude Trend Obs avance quelques pistes pour le monde de demain. Signe que les outils théoriques habituels ne fonctionnent plus, ce n’est pas du côté des penseurs politiques du libéralisme -les John Locke, les Adam Smith et autres Milton Friedman- que l’institut de sondage a demandé à son panel -des faiseurs de tendance de différentes obédiences et de différentes nationalités- d’aller puiser leur inspiration pour un futur durable, mais bien dans la pop culture!

Logique quelque part. La formule standard du blockbuster recommandable -mélange de références subtiles à l’actualité et d’une bonne dose de fantaisie- accouche de scénarios qui ont un potentiel de réalisation pas moins improbable que les élucubrations de think tanks marqués idéologiquement -et de ce fait peut-être limités dans leur capacité à anticiper les comportements souvent imprévisibles dont nous, les humains, sommes capables… Qui a vu venir la crise des subprimes? Pas les marchés, pas les régulateurs mais bien Margin Call de J. C. Chandor ou The Big Short: Le Casse du siècle d’Adam McKay. Qui avait anticipé la pandémie? Pas les autorités, pas les services sanitaires mais bien Contagion de Steven Soderbergh ou Word War Z de Marc Forster.

© National

Concrètement, qu’aimeraient voir dans leur boule de cristal ces trend-setters -qui sont des observateurs privilégiés de l’humus social mais qui contribuent aussi par leurs activités d’influenceurs à faire advenir la vision de la société qu’ils cochent? “Le dénominateur commun lorsqu’on demande aux gens de nous parler du monde qu’ils souhaitent voir éclore est la restauration du lien humain”, explique en préambule Thibaut Nguyen, directeur Tendances et Prospective chez Ipsos sur le site de L’ADN, média en ligne spécialisé dans le développement durable. Autrement dit, si on veut sortir du marasme actuel et espérer sauver les meubles, il va falloir se défaire d’une série de mauvaises habitudes qui polluent les relations humaines et attisent un sentiment de défiance généralisé. On pense évidemment aux réseaux sociaux. Sans une solide cure de détox anti-individualisme, point de salut.

À côté d’Avatar, souvent cité pour son équilibre nature/tech et sa philosophie écolo-mystique -tiens, tiens, le film culte de James Cameron ressort justement sur les grands écrans-, les références pop les plus plébiscitées sont Wakanda, du nom du royaume fictif d’Afrique de l’Est au cœur du film Black Panther. Une invitation à un retour aux sources autour d’une communauté humaine de taille modeste vivant en osmose avec la nature qui permettrait de redonner du sens et de réhabiliter des valeurs essentielles comme le consensus, l’écoute et la gestion raisonnée des ressources. Monstres et Cie est aussi un exemple à suivre. Souvenons-nous, au début les peluches se font la guerre pour fabriquer des cris d’enfant, la source d’énergie de Monstropolis. Mais le filon s’épuise, les enfants ne s’effraient plus aussi facilement. Fabriquer des rires en mettant de côté ses différences va se révéler nettement plus efficace. Dans ce schéma, l’autre n’est plus un ennemi, il devient un partenaire. C’est le temps de la coopération. Enfin, l’indémodable Star Trek et sa Fédération des Planètes Unies, sorte de Nations Unies qui fonctionnent, a aussi les faveurs. Bon d’accord, c’est de la science-fiction. Mais après tout, Disney a bien façonné les esprits de plusieurs générations sur des questions éthiques (autour du genre ou de la race notamment), pourquoi ne pas imaginer que la fiction nous aide à présent à reprendre les rênes de notre destin? Ce ne sera de toute façon pas plus farfelu ou hasardeux, et certainement plus drôle, qu’un futur imaginé par Trump, Bolsonaro ou Jeff Bezos.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content