La rentrée littéraire a sonné: présentation et zoom sur 50 romans
La rentrée littéraire a sonné. 459 romans se disputent cette année l’attention des lecteurs. Un enjeu à la fois culturel et économique. Présentation et zoom sur 50 romans émoustillants.
Pour les amateurs de livres, chaque année, c’est un peu Noël en septembre. Dès la mi-août, les romans de la rentrée littéraire -cette « exception culturelle » francophone- déferlent dans les librairies. Jubilatoire et… cruel. Les auteurs et autrices qui n’auront pas réussi à accrocher le regard des libraires, des critiques, du bouche-à-oreille ou -petite nouveauté- des booktokeurs et booktubeurs en vue, termineront en effet inexorablement au purgatoire, également appelé pilon.
Les autres, quelques dizaines tout au plus, pourront caresser l’espoir de figurer sur les listes des finalistes des prix d’automne. Pas de secret de fabrication prêt à l’emploi pour décrocher la lune mais une alchimie mystérieuse et complexe où le talent pur joue un rôle -encore heureux-, mais aussi des facteurs nettement plus aléatoires comme la chance, le charisme de l’homme ou de la femme de plume ou encore l’art de capter l’air du temps.
Pour la cuvée 2024, les éditeurs ont joué la prudence, même si avec 459 références rien qu’en fiction (chiffre stable par rapport à 2023), le lecteur le plus zélé a largement de quoi regarnir sa bibliothèque. L’enjeu de la rentrée littéraire pour le secteur n’est pas seulement honorifique, il est avant tout économique: 15 à 20 % des ventes de fiction grand format se jouent durant ces deux mois.
On comprend donc la fébrilité des acteurs de la chaîne du livre. D’autant que le marché de l’édition (tous compartiments confondus) n’est pas au mieux de sa forme. En 2023, selon l’institut de sondage GfK, le volume de titres écoulés (romans mais aussi BD, beaux-arts ou livres pratiques) a fondu un peu partout en Europe: -4 % en France, -5 % en Grande-Bretagne et… -6 % en Belgique francophone. Si des hausses de prix ont généralement permis de limiter la casse au niveau comptable, cette tendance baissière se confirme hélas en 2024. Seule raison de se réjouir: la littérature générale tire son épingle du jeu: +3 % en volume et +9 % en valeur l’an passé chez nous, soit 28 % du chiffre d’affaires global (contre 29 % pour la BD, qui « paie » surtout le reflux du manga).
Et à part ça, comment elle se présente cette cuvée 2024? Riche, excitante et variée. Comme vous pourrez le découvrir dans notre sélection de 50 (dont 10 polars) romans de cette rentrée littéraire, il y en a une fois encore pour tous les goûts. Des champions (Maylis de Kerangal, Alice Zeniter -toutes deux en très grande forme-, Gaël Faye, Kamel Daoud, Philippe Jaenada, ou bien sûr la métronome Amélie Nothomb), des petits nouveaux (et parmi eux peut-être la nouvelle Neige Sinno), des Belges (Quentin Jardon, Daphné Tamage…), des Français évidemment et des Anglo-Saxons qui hissent les grandes voiles romanesques (Richard Flanagan, Colm Tóibín…). Les crises et convulsions de l’époque infusent une bonne partie de la production, soit directement, au plus près du présent et des colères du moment (autour des minorités, du climat ou des animaux), soit par des détours historiques (les années 30 et 40 en miroir de nos errements notamment), soit encore par des détours par le futur comme chez Stephen Markley et son dystopique Le Déluge.
Qu’elle fouette l’imagination ou qu’elle creuse les galeries de l’autofiction, qu’elle répare ou qu’elle édifie, la littérature est plus que jamais vivante. Quand les réseaux sociaux nous enferment, elle repousse au contraire les murs de notre moi étriqué. Cet été, au fil de mes lectures, j’ai été un ado mélancolique en panne d’avenir, une femme qui s’interroge sur le grain de sable qui a fait dérailler son couple, un senior en goguette avec son fils condamné par la maladie de Charcot.
Autant de bonnes raisons de prendre le temps de lire chaque jour quelques pages, et plus si affinités. Comme ce cambrioleur pris en flagrant délit parce qu’il était complètement absorbé par un bouquin sur la mythologie grecque trouvé dans la maison qu’il visitait. Ou comme… Nabilla, qui partage ses dix chouchous littéraires sur TikTok (Non mais allô quoi!). Restez d’ailleurs connectés, Le Vif lancera le 19 septembre prochain une vaste campagne de promotion de la lecture en partenariat avec les librairies francophones indépendantes.
D’ici là, rappelons-nous ce proverbe, que je me ferais bien tatouer sur les jointures des doigts comme Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur: « Un homme/une femme qui lit en vaut deux. » ●
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