Critique | Musique

On a assisté au show de Beyoncé à Bruxelles : le sacre d’une reine du dance-floor

4,5 / 5
Sunday, May 14, 2023: Beyoncé brought her RENAISSANCE WORLD TOUR to Brussels, Belgium tonight, playing before a lively and participatory crowd of over 53,000 at KING BAUDOUIN STADIUM. Wardrobe: Valentino Shoes: Malone Souliers Jewelry: Tiffany & Co. Photographer: Mason Poole --- RIGHTS GRANTED FOR USE OF THIS PHOTO IN CONJUNCTION WITH COVERAGE OF THE RENAISSANCE WORLD TOUR. NO OTHER USE OF THIS PHOTO IS APPROVED.
4,5 / 5

Concert - Beyoncé

Date - 14-05-2023

Salle - Stade Roi Baudouin

Critique - L.H.

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Cheval glitter, jeep lunaire, tenues de robot: dimanche soir, Beyoncé a transformé le stade Roi Baudouin en un grand club à ciel ouvert, livrant un show aussi dance que dense.

On a beau être la plus grande superstar du moment, il ne faut jamais oublier l’essentiel. Dimanche, au Stade Roi Baudouin, alors que le concert vient de démarrer, Beyoncé souhaite d’abord une « bonne fête à toutes les mamans ». La sienne aura apprécié. Tina Knowles était d’ailleurs présente à Bruxelles. « Le meilleur public jusqu’ici ! », a-t-elle posté sur son compte Instagram. Même si la Belgique n’était que la 2e (des quarante) étapes du Renaissance Tour, première tournée solo de Beyoncé depuis 2016… Bref.

Dimanche, le Stade Roi Baudouin n’a en effet pas résisté longtemps : les 52 000 spectateurs présents ont célébré comme il se doit la dernière superproduction de l’Américaine. Un ultrashow de 2h30 quasi sans temps mort, comprenant e.a. : une boule à facettes en forme de cheval (baptisé Reneigh, comme l’équidé du jeu Animal Crossing), un hummer transformé en véhicule lunaire, des bras-robots (rappelant ceux de Stromae), etc. Un concert bourré de références et de citations multiples, préférant zapper certains incontournables (Halo, Déjà Vu) pour se concentrer sur le dernier joyau de la Couronne, Renaissance.

Confort queer

Sorti en juillet de l’an dernier, l’album a été décrit par l’intéressée elle-même comme un « safe place », un « endroit où rêver et s’échapper durant un moment effrayant pour le monde ». Il a surtout créé l’événement. C’est le tour de force de Beyoncé. Elle a beau ne pas être la plus « populaire » – ses disques se vendent moins que ceux de nombre de ses collègues superstars, et ses singles ne trustent pas spécialement l’airplay des radios. Mais à chaque nouvel album, elle réussit à revenir au centre des conversations. Elle est un peu comme ces super-héros, qui enfilent leur cape et sortent tout à coup de leur repaire secret pour sauver le monde.

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En l’occurrence, Mrs Carter a revêtu cette fois son costume de reine du club. Disque post-pandémie, Renaissance est en effet entièrement tourné vers le dance-floor. Pour le coup, Beyoncé n’est pas la seule à y avoir trouvé refuge – pensez Dua Lipa, Jessie Ware, etc. Mais en élève surdouée, la Texane a fait ses devoirs, en étudiant scrupuleusement la piste de danse. En particulier celle qui s’est nourrie des musiques noires – house, disco, hip hop, afrobeats… L’univers de Renaissance s’appuie notamment beaucoup sur la culture ballroom, née dans les milieux queer new-yorkais. A Bruxelles, ce sont d’ailleurs autant les mères qui ont été fêtées, que les « mothers » des « houses », qui concourent lors des bals exubérants…

Bienvenue au club

Sur le coup de 20h15, Beyoncé déboule en longue robe et gants argentés, pour enchaîner les ballades – Dangerously In Love, Flaws and All, 1 + 1, I Care. Le charisme et la voix sont bien là – faut voir la chanteuse toiser d’un regard la foule, sûre de son effet. Mais à ce moment-là, le concert se promène encore davantage sur Broadway que dans les clubs en sueur de Harlem. La séquence n’est évidemment qu’un prélude.

Dès la suivante, le club est ouvert. Beyoncé elle-même se transforme. Apportant sa pierre au courant afrofuturiste, elle mute en robot. Non sans ironie : alors qu’on l’a souvent décrite comme un « monstre de perfectionnisme », une vraie « machine » sans affect, c’est au moment-même où elle semble se relâcher complètement, qu’elle se présente sous la forme d’un cyborg…

Présentés sous la forme d’une grande fresque, les trente-trois morceaux du soir sont découpés en 6 actes, et 7 tableaux. L’écran géant qui s’étend sur toute la longueur de la scène, ressemble lui-même à un… tableau, un retable façon l’Agneau mystique. Depuis sa sortie, l’album Renaissance n’a pas vraiment bénéficié de clip en bonne et due forme. Etonnant de la part d’une artiste dont les derniers albums ont à chaque fois été accompagnés de visuels hyper travaillés.

Fun time

C’est donc sur scène que l’on découvre réellement pour la première fois à quoi ressemble la fête promise par Renaissance. Elle est spectaculaire, opulente, over-the-top (oui, Beyoncé chante bien à un moment dans une coquille, façon Venus de Boticelli). Nourrie au (rétro-)futurisme et à l’hédonisme dance, la boule à facettes de Renaissance brille de mille feux.

Musicalement aussi, le feu d’artifice est permanent. « Have you ever had fun like this ? », demande Beyoncé sur Cuff It, entouré d’une vingtaine de danseurs. De fait, rien n’est laissé ici au hasard, tout est millimétré, mais l’amusement est de haut vol. Mélangeant les époques et les styles, Beyoncé passe du disco lascif de Plastic Off The Sofa à la house classic de Break My Soul, citant aussi bien les Supremes que Madonna ou Donna Summer. Le tout parsemé de ses propres anciens tubes parfaitement imbriqués : sur Crazy In Love, la queen n’a même pas besoin de forcer pour créer l’hystérie.

L’ivresse en toute nuit

Sur ses deux disques précédents, le discours de Beyoncé avait pu prendre des contours plus politiques. En apparence, c’est moins le cas sur cette tournée-ci. Il faut attendre le dernier tableau pour voir poindre certains questionnements. « Ceux qui contrôlent les médias contrôlent les esprits », annonce un message. « I’m not a robot », assure un autre. Sur l’écran géant, un chronomètre a été enclenché. Même si on doute fort que le barnum de la tournée Renaissance ait contribué à ralentir l’urgence climatique…

En toute fin, Beyoncé grimpe sur son cheval-discoball. Telle Don Quichotte face aux moulins de l’Apocalypse annoncée ? Ou plutôt façon Bianca Jagger au Studio 54, en pleine euphorie disco ? A voir. Car, certes, Renaissance n’a pas de messages aussi frontalement féministes ou antiracistes que Lemonade (2016) ou Beyoncé (2013). Mais il permet sans doute autre chose. Une échappatoire – fastueuse, foisonnante, spectaculaire, certes. Mais aussi un sentiment de communion, voire de communauté.

© National

C’est encore plus le cas avec la transposition scénique de Renaissance. Riche et « éduquée », regardant autant vers l’avant que dans l’histoire de la musique, elle réussit à créer ce que provoque les meilleurs pistes de danse. A la fois une ivresse. Mais aussi du collectif, une certaine forme de solidarité. En ces temps-ci, c’est toujours ça de pris.      

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