Zamdane: « Je dis souvent que le rap est une blague qui est allée un peu trop loin »

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

En chantant le blues de l’exil, Zamdane est devenu l’un des nouveaux rappeurs les plus en vue de la scène française. Entretien avant son concert, le 20 septembre à l’Ancienne Belgique.

La première fois que l’on tombe sur Zamdane, c’est sur la scène du festival de Dour, à l’été 2022. Quelques mois plus tôt, le rappeur a sorti Couleur de ma peine. Et pour sa première grosse date en Belgique, il ne s’épargne pas. Au point même de déborder de l’horaire, emporté par son enthousiasme. Deux ans et un nouvel album plus tard (Solsad, publié en février dernier), il se rappelle bien l’épisode. « Ils ont fini par couper mon micro, ces bâtards! », se marre-t-il.

Pas rancunier, on le retrouve dans les loges du même festival. Cette fois, il a réussi à respecter le timing prévu. Le professionnalisme qui rentre? Certes. Mais sans pour autant laisser tomber une certaine spontanéité. Heureusement. Cela fait partie des choses qui le distinguent du tout-venant du rap français. Ce n’est pas que Zamdane manque de plan ou d’ambition. Mais jusqu’ici, pour les accomplir, il ne donne pas forcément l’impression de vouloir tout écraser avec un plan marketé à 5 ans. « Si je fais du rap aujourd’hui, c’est un peu un concours de circonstances. Je dis souvent à mes potes que c’est une blague qui est allée un peu trop loin. »

Spleen méditerranéen

La musique et le rap n’étaient en effet pas forcément le plan de départ. Né en 1997, au Maroc, Ayoub Zaidane de son vrai nom grandit dans un quartier populaire de Marrakech. « Je n’ai eu accès à Internet que très tard. Je devais avoir 15, 16 ans quand on a installé un modem 3G à la maison. Donc quand on voulait écouter de la musique, on allait au cybercafé. J’ouvrais YouTube et je tombais sur tous les gros tubes américains: Bruno Mars, Katy Perry, Justin Bieber, etc. » En rue, il croise tout de même parfois ceux qui incarneront par la suite la nouvelle vague du rap marocain -« ElGrandeToto, 7liwa, Shayfeen, etc. Ils venaient tourner des clips. Mais moi, je restais dans mon coin, à écrire des poèmes, des trucs comme ça. »

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À 18 ans, il décide de partir étudier en France. Il s’installe à Marseille. C’est là qu’il tombe réellement amoureux du rap et commence à rimer. En quelques années, il devient l’une des nouvelles têtes les plus en vue de la scène française, enchaînant donc deux albums, des freestyles (la série Affamé), une session Colors, etc. Lors de la dernière cérémonie des Flammes, en avril dernier, il a également été récompensé pour son engagement en faveur de SOS Méditerranée. En 2022, il organisait en effet un premier concert de soutien qui ramènera quelque 14 000 euros: l’équivalent d’une journée de sauvetage en mer pour l’Ocean Viking, le bateau de l’ONG. Zamdane répétera l’opération l’année suivante. Quelques semaines après un grave accident de la route, il débarquera sur scène en chaise roulante. Avec ses invités -Rim’K, Hatik, Némir, etc.-, il récoltera cette fois 110 000 euros.

Chant d’exil

La cause n’a pas été choisie au hasard. Sur l’album Couleur de ma peine, on trouve par exemple le titre Flouka, la « chaloupe » en arabe. Celle dans laquelle les candidats à l’immigration embarquent, prenant la mer au péril de leur vie, espérant atteindre l’Europe. Zamdane affirme avoir perdu plusieurs amis, noyés lors de tentatives qui ont mal tourné.
À cet égard, le rap de Zamdane décrit moins le chaos de la vie dans les banlieues que le blues de l’exilé. À l’instar de Tif -autre étoile montante issue du Maghreb, né en Algérie, arrivé en France sur le tard-, sa musique décrit souvent le doute et l’errance. Où la lumière éclatante du soleil de la Méditerranée éclaire d’abord un certain spleen. Sur son album Solsad, à côté de ses collègues rappeurs Josman, So La Lune ou Kekra, il a invité sur un morceau la chanteuse Pomme.

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En commun avec la « reine des drames », outre leur amour pour les B.O. des dessins animés de Miyazaki: un même goût pour la musique mélancolique. « Il faut voir ce qu’on entend par là. Je ne pense pas faire une musique uniquement mélancolique. J’essaie d’abord de faire une musique fédératrice, qui permet de ressentir des choses. Au fond, c’est ce que tout le monde cherche. En tout cas, c’est cette musique qui m’a donné une volonté de vaincre, et d’aller mieux. »

Syndrôme de l’imposteur

Les chansons de Zamdane touchent de plus en plus de monde. Au printemps prochain, par exemple, il a prévu de clôturer sa tournée à Paris, au Zenith -son tout premier. De quoi lever ses dernières appréhensions et soulager définitivement son syndrome de l’imposteur? « Je ne vais pas mentir, ce n’est toujours pas évident. C’est quand même un métier où tu passes 20 % de ton temps à t’émerveiller, et 80 % à te poser des questions. »

À côté de lui, son manager sourit. « En studio, je peux refaire 40 fois la prise avant de trouver celle qui me convient, qui correspond le mieux à l’intention… Créativement, par exemple, j’aime faire une musique simple. Mais parfois, je me demande si je ne devrais quand même pas essayer de faire un peu plus de recherche. Sauf qu’à chaque fois, je finis par me dire que la recherche c’est pour les scientifiques, pas pour les musiciens (sourire)… Donc oui, c’est compliqué de ne pas douter. » Plus tard, il ajoute encore: « Ce qui est important, c’est d’être sûr de son individualité. Ça, je pense l’être. Je suis moi et pas un autre. Je ne ressemble pas vraiment à tel ou tel rappeur. Mais même avec cette certitude, ça reste dur d’être tout le temps solide et serein. »

Le vie devant soi

Zamdane est donc ce rappeur sensible, jouant la carte de la sincérité pour parler de son itinéraire cabossé. Et porter ses combats. En octobre prochain, à Marseille, il rassemblera à nouveau des collègues -de Soprano à Adèle Castillon- pour un concert de soutien à SOS Méditerranée. Une manière de faire honneur à la Flamme, qui lui a été décernée au printemps. « Pour être honnête, au début, j’avais du mal avec l’idée. En général, je ne pense pas que le rap doit être forcément engagé par exemple. Pas plus que n’importe quel autre métier. Je crois juste que chaque être humain doit s’améliorer autant que possible. Donc, depuis qu’on a commencé à être davantage dans la lumière, avec mon équipe, on se dit que c’est pas mal d’associer nos moments de réussite à certaines causes. Mais cela ne fait pas de moi un héros. Personne n’est parfait. Aujourd’hui, je m’épanouis dans mon art. Mais j’ai un passé assez « agressif ». Donc j’essaie juste de me rattraper. D’équilibrer les choses. »

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