Une autobio et un nouveau Libertines: Peter Doherty sur tous les fronts

Peter Doherty, sa 
petite moustache 
et ses Libertines.
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Un documentaire réalisé par sa compagne (Stranger in My Own Skin), une autobiographie fraîchement traduite en français (Un garçon charmant) et un nouveau Libertines (All Quiet on the Eastern Esplanade)… Peter Doherty est sur tous les fronts.

Comment vieillir dignement dans le rock? A fortiori quand on a d’emblée brûlé la chandelle par les deux bouts. Cette question, ils sont nombreux à se l’être posée. Et de toute évidence, la plupart n’ont jamais trouvé la réponse. Aujourd’hui âgé de 45 balais, installé à Étretat, un peu boursouflé et toujours accompagné de ses clébards, Peter Doherty ne s’en sort pas trop mal. Déjà, il est vivant. Ce sur quoi beaucoup n’auraient jamais parié il y a 20 ans. Doherty, c’est un poète punk et un singer-songwriter à fleur de peau. Du génie, des substances et des excès. Beaucoup d’excès.

En ce début de printemps, sobre depuis environ cinq ans, l’incorrigible fils de militaire fan de Rimbaud, Verlaine et Baudelaire est sous les feux de l’actualité. Et plutôt trois fois qu’une d’ailleurs. Stranger in My Own Skin, le documentaire de sa compagne Katia de Vidas, documente sa descente aux enfers et son combat contre l’addiction aux drogues dures. Mais son autobiographie Un garçon charmant (A Likely Lad, dont la version française paraît au Cherche Midi), écrite en collaboration avec Simon Spence (The Stone Roses: War and Peace, Happy Mondays: Excess All Areas) et récemment traduite en français, n’élude rien de ses débordements.

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Peter Doherty y raconte avec sincérité (bien qu’il avoue sa propension à raconter des craques), humour et lucidité le parcours secoué et cramé qui a jusqu’ici été le sien. Grandes ambitions, affres de la création, fêtes décadentes, autodestruction, cures de désintoxication et case prison… L’Anglais emmène les lecteurs partout avec lui. Il partage les grands moments, en ce compris ceux de solitude, et les pires situations. Au point qu’on a parfois l’impression de se retrouver dans un roman de Charles Bukowski en lisant ses histoires de junkie et en imaginant les lieux délabrés où elles se déroulaient. On croise Mick Jones, Johnny Borrell, Kate Moss, Amy Winehouse… On se demande si les souvenirs sont fiables. Si son binôme Carl Barât était vraiment à ce point suicidaire qu’il se jetait dans la Tamise sans savoir nager, en espérant que quelqu’un irait le chercher. Peter Doherty détaille aussi longuement son rapport aux bouquins et à la littérature. « Au début des Libertines, je parlais souvent des ouvrages et des auteurs qui m’avaient inspiré et les fans avaient pris l’habitude de jeter des livres sur la scène. Le plus souvent L’Attrape-cœurs de Salinger (…) On me jette toujours des bouquins pendant les concerts et cela continue d’élargir mon univers de lecteur. C’est ainsi que j’ai découvert la romancière brésilienne Clarice Lispector et Roberto Bolaño, autre écrivain sud-américain. » Il évoque le passage de l’artisanat à l’industrie. Son rapport aux fans. « J’avais en tête de casser les barrières. Ce qui impliquait de laisser l’accès à notre bus ou à la scène à un maximum de mômes. Ça aussi, ça faisait chier tout le monde. » Et il s’attarde systématiquement sur la création de ses chansons. Ce qu’il en pense et ce qu’elles racontent. Dans Un garçon charmant, Doherty s’épanche sur l’électricité dans l’air dès le premier jour. Quand il a accompagné Barât, un pote de sa sœur, à une audition et qu’il a décroché le rôle. « Il était fou de rage. Il ne m’a jamais pardonné.«  L’existence des Libertines est aussi fragile que la santé de leur champion. Leur premier album Up the Bracket aurait sans doute été le dernier sans l’intervention d’Alan McGee, le fondateur de Creation Records, découvreur et manager d’Oasis. C’est lui qui les a poussés à enregistrer son successeur. Quitte à ce que ce soit avec des gardes du corps pour les empêcher de se foutre sur la gueule. Fallait bien ça après les nombreuses engueulades, les addictions, les trahisons et les premiers séjours derrière les barreaux…

Suite à l’inévitable séparation, Peter et Carl ont chacun vaqué à leurs occupations. Les chaotiques Babyshambles pour l’un, les rapidement dispensables Dirty Pretty Things pour l’autre. Du moins jusqu’à ce que les Libertines se reforment en 2010 pour les festivals de Leeds et de Reading avec à la clé un gros paquet de livres sterling. Puis qu’ils livrent cinq ans plus tard, Anthems for Doomed Youth, un troisième LP dénué de tout intérêt.

Les Libertines dégainent aujourd’hui un quatrième album qui comme son prédécesseur n’arrive pas à la cheville de The Fantasy Life of Poetry and Crime (2022), disque fomenté par Peter Doherty avec Frédéric Lo, à qui l’on devait déjà le formidable Crèvecœur de Daniel Darc. Son titre, All Quiet on the Eastern Esplanade, fait référence à l’adresse de l’hôtel/studio (The Albion Rooms) que les Libertines ont ouvert à Margate (ils sont aussi sponsors de l’équipe de foot locale) situé au 31 Eastern Esplanade de la petite ville côtière. Mais aussi au roman du pacifiste allemand Erich Maria Remarque À l’ouest, rien de nouveau (All Quiet on the Western Front) et au fanzine que Doherty avait consacré, ado, à son club de foot fétiche, Queens Park ­Rangers, baptisé All Quiet on the Western Avenue.

Le passable Be Young et ses grossières effluves de Jamaïque. Le mièvre Man with the Melody chanté par le bassiste John Hassall. Night of the Hunter et son plan Lac des cygnes. Ou encore Shiver, qui sonne presque comme un morceau de Travis… All Quiet on the Eastern Esplanade est loin de raviver la flamme. Il entretient une lueur et reste surtout un bon prétexte pour retrouver les Libertines sur scène.

The Libertines, All Quiet on the Eastern Esplanade. Distribué par Universal. 
En concert le 21/07 au Festival de Dour.

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