La surprise de Tyler The Creator, les aventures sonores de DJ Haram, le retour de la caravane africaine de Damon Albarn, ou un nouvel album du légendaire Jonathan Richman : on fait le point sur les sorties essentielles du moment.
1. Tyler The Creator – Don’ t Tap The Glass
A chaque été, sa petite surprise de dernière minute. Il fut un temps où la saison servait de trêve discographique, laissant le terrain libre à l’actualité des festivals. Désormais, pas un mois de juillet sans sa sortie-événement. Cette fois, c’est donc au tour de Tyler The Creator de dégainer un nouvel album au débotté.
Annoncé deux jours à peine avant sa sortie, le 21 juillet dernier, Don’t Tap The Glass arrive neuf mois seulement après l’excellent Chromakopia, énième réussite d’une discographie à peu près irréprochable. Pour ce 9e album, Tyler The Creator change à nouveau d’alias, et devient Big Poe. Pour autant, Don’t Tap The Glass ne s’inscrit dans aucun grand concept, comme ont pu le faire ses prédécesseurs, insiste le rappeur californien. A l’instar du GNX, qui marquait le retour de Kendrick Lamar à un rap plus brut et direct, Don’t Tap The Glass ne chipote pas. Dix titres, 28 minutes de musique, emballé c’est pesé. Just for the fun of it. Mais avec tout de même une idée principale en tête : faire remuer les fesses.
Personne ne restera assis dans cette salle, insiste Tyler, qui réactive ses traits les plus goofys. Vibes disco-house sur Ring Ring Ring, fièvre funk sur Sugar On My Tongue, vocoder à la Zapp et cool G-Funk sur Sucka Free, breakbeat concassé sur I’ll Take Care of You. Pour l’occasion, Tyler cite même Busta Rhymes, tandis que pour les visuels de l’album, il apparaît torse nu, chaîne en or, casquette et pantalon rouges – référence directe au clip de I’m Bad, de LL Cool J, millésimé 1987. Aussi spontané et régressif soit-il, Don’t Tap The Glass ne tombe cependant jamais dans la récréation nostalgique ou la simple évasion dance. Même quand il veut faire simple, Tyler The Creator ne peut s’empêcher d’y mettre sa patte, à la fois cultivée et décalée… ● L.H.
Distribué par Sony
La cote de Focus : 3,5/5
2. Africa Express – “Africa Express Presents… Bahidorá”
Alors que les frères Gallagher rabibochés triomphent avec la reformation d’Oasis, que Supergrass fête sur les routes les 30 ans d’I Should Coco et que Suede s’apprête à sortir un nouvel album, ce n’est pas avec Blur, autre fleuron de la Britpop, ni d’ailleurs avec The Good, The Bad and The Queen ou Gorillaz, mais avec la caravane Africa Express que Damon Albarn se manifeste cet été.
Six ans après les aventures sud-africaines de l’album Egoli, le collectif s’en est allé enregistrer Bahidorá à Mexico City. Au menu: 21 services et un grand mélange des genres où se côtoient de la cumbia, de la salsa, du hip hop, du reggaeton ou encore du kuduro. Fatoumata Diawara, Imarhan, Joan as Police Woman, Nick Zinner, le Mexican Institute of Sound, Bonobo, Baba Sissoko ou encore Django Django. Un double disque qui part un peu dans tous les sens mais n’en possède pas moins ses morceaux de bravoure. ● J.B.
Distribué par BMG
La cote de Focus : 3,5/5
3. DJ Haram – Beside Myself
Cela fait maintenant une dizaine d’années que DJ Haram a fait son trou, ou plutôt creusé sa propre galerie dans la scène électronique underground. Née dans le New Jersey, basée aujourd’hui à Philadelphie, Zubeyda Muzeyyen de son vrai nom a notamment sorti une série d’EP, avant de publier aujourd’hui son premier véritable album sur le prestigieux label Hyperdub.
Intitulé Beside Myself, il résume bien sa démarche musicale, mélangeant jersey club (ce genre électronique à haut BPM et basses imposantes, mixant house et hip hop) et éléments musicaux issus du Moyen-Orient, dont sont issus ses parents. Un titre comme Loneliness Epidemic, par exemple, est une chevauchée house, vrillant sous les derboukas. C’est aussi l’un des morceaux les plus directs d’un disque qui ne cache pas son angoisse face au monde actuel.
Souvent sombre et parano, la musique de DJ Haram fascine autant qu’elle trouble, avec ses beats paranos et ses ambiances claustro. Accompagnée pour l’occasion d’autres aventuriers sonores, comme le duo de rappeurs Armand Hammer ou l’intransigeante Moor Mother, DJ Haram dessine des paysages électroniques brutalistes, piochant aussi bien dans l’avant-garde que dans le noise rock – un titre comme Lifelike aurait très bien pu se retrouver sur le dernier album de Kim « Sonic Youth » Gordon. Radical donc, mais passionnant. ● L.H.
Distribué par Hyperdub
La cote de Focus : 4/5
4. Jonathan Richman – Only Frozen Sky Anyway
C’est l’une des personnalités les plus discrètes, singulières, fondamentales, attachantes et toujours vivantes de l’histoire du rock. Fan inconditionnel du Velvet Underground né le 16 mai 1951, à Boston, dans le Massachusetts, Jonathan Richman a posé avec le seul, unique, inégalable et poisseux album des Modern Lovers (en partie produit par John Cale) les fondations du punk et enregistré avec Roadrunner l’un de ses hymnes ultimes (une des premières chansons d’ailleurs massacrées avec fougue par les Sex Pistols). Extrêmement rare en interview qu’il accorde au compte-gouttes et par écrit, à la main s’il-vous-plaît, Richman n’avait aux dernières nouvelles pas de GSM ou d’ordinateur mais a continué de sortir des disques à la coule et en sourdine au fil des ans.
Cet été, le troubadour des temps modernes a ainsi dégainé avec Only Frozen Sky Anyway son 18e album studio. Il y retrouve Jerry Harrison (Modern Lover avant de rejoindre les Talking Heads), y joue avec l’espagnol (Se Va Pa’volver) et s’y attaque au Night Fever des Bee Gees. Le disque touchant et désarmant d’une légende. Pour les fans de Juan Wauters, de Jeffrey Lewis, d’Herman Dune et les amoureux de l’antifolk…● J.B.
Distribué par Blue Arrow Records.
La cote de Focus : 3,5/5