Le coup de coeur The New Eves, les remixes de Madonna, mais aussi le nouveau disque d’un ex-REM et le rap so British de Jim Legxacy : petit point sur nos albums du moment
1. The New Eves – The New Eve Is Rising
En octobre 2023, elles avaient clairement détonné dans la programmation de Left Of The Dial, festival défricheur branché post punk organisé chaque année dans les clubs les plus suintants de Rotterdam. Les New Eves n’avaient interprété qu’une poignée de chansons mais s’étaient distinguées avec un univers intense, habité, hanté et une formule, une instrumentation, qui sortait des sentiers battus.
Originaires du Sussex, les New Eves sont l’un des groupes les plus excitants du moment et viennent de dégainer avec The New Eve Is Rising un premier album carrément étourdissant. (…) Violet Farrer et Kate Mager qui ont étudié la littérature ensemble à l’université mais se sont rencontrées en se rendant aux mêmes concerts, la Suédoise Nina Winder-Lind et Ella Oona Russell, se sont fabriqué un univers singulier et possédé. Arty et transcendé.
Elles-mêmes qualifient leur musique de hagstone rock. Egalement appelée pierre de sorcière ou pierre percée, une hagstone est un caillou naturel, généralement un galet, doté d’un trou creusé par l’érosion de l’eau. Elle est régulièrement associée à des traditions et croyances populaires. Eloignerait les mauvais esprits, soignerait les morsures de serpent et faciliterait la conception. Elle aurait aussi selon la légende la capacité de repérer le mensonge, de révéler des créatures invisibles et des mondes cachés.
Guitare, basse, batterie. Violon, violoncelle, flute… Il y a quelque chose de mystique, de sorcier dans ces chansons à tomber par terre et à dormir debout. The New Eve Is Rising a été écrit chez elles à Brighton et lors d’une résidence artistique à la Cornish Bank, une salle de concerts doublée d’un espace communautaire située à Falmouth dans le Cornouailles. Il a ensuite été enregistré aux Rockfields Studios (pays de Galles) et à la Cotham Paris Church de Bristol.
The New Eves emprunte à la mythologie, au folklore et à la poésie néo-romantique pour mieux cerner et présenter sa définition de la féminité. Astrolabe a été écrit sur un accordéon jouet. Et Cowsong, titre folk, punk et choral, a été influencé par la pratique suédoise du kulning. Une manière de projeter sa voix pour communiquer avec les animaux et s’informer entre bergères. Un must. ● J.B.
Distribué par Transgressive Records . En concert le 8/11 à Sonic City (Courtrai).
La cote de Focus : 4,5/5
2. Jim Legxacy – black british music
Jeune rappeur issu de Lewisham (sud-est de Londres), Jim Legxacy a déjà sorti trois EP, une mixtape et mis la main sur le hit Sprinter de Dave et Central Cee. Il publie aujourd’hui une nouvelle mixtape, black british music, sur le prestigieux label XL (celui de Radiohead, Burial, FKA Twigs, etc). Résumé dans le titre, le programme complète celui entamé dans son projet de 2023, Homeless N*gga Pop Music.
S’ils sonnent terriblement britanniques, les morceaux de ce fils d’immigrés nigérians se présentent en effet sans « domicile » fixe, ni genre défini. Sous la bannière pop, ils peuvent passer d’une ballade bedroom pop fondante – dexters phone call, avec sa collègue dexter in the newsagent – à une sortie afro (SOS) ; rappeler le Kanye West de 2005 (father, stick) ou évoquer un groupe indie-rock sur ’06 wayne rooney. Avec pour fil rouge, une forme de vulnérabilité terriblement attachante.● L.H.
Distribué par XL Recordings.
La cote de Focus : 4/5
3. Luke Haines and Peter Buck – Going Down To The River… To Blow My Mind
Ce n’est pas la première fois que le guitariste de REM Peter Buck s’acoquine avec le leader de The Auteurs, petit joyau de la couronne indie britannique (écoute un peu After Murder Park pour voir). Going Down To The River… To Blow My Mind est même déjà le troisième album collaboratif du tandem et le dernier volet de ce qu’il a intitulé sa trilogie psychiatrique. Les deux hommes se sont rencontrés lorsque l’Américain a acheté en ligne un portrait de Lou Reed peint par l’Anglais. Ils ont à ce point sympathisé autour de la musique et de l’histoire qu’ils se sont mis à enregistrer des disques.
Après Beat Poetry For Survivalists (2020) qui célébrait leur amour pour la Beat Generation et All The Kids Are Super Bummed Out (2022) qui enchainait les provocations méchantes et hilarantes, Luke Haines et Peter Buck se sont retrouvés à Portland pour enregistrer des chansons qui draguent Syd Barrett et tacklent Roger Waters (The Pink Floyd Research Group), adressent un clin d’oeil à John Phillips des Mamas and The Papas (Papa John) et mettent en lumière l’une des voix cassées les plus désarmantes de la mythologie rock. Un disque offensif, électrique et caustique de vétérans. ● J.B.
Distribué par Cherry Red Records.
La cote de Focus : 4/5
4. Madonna – Veronica Electronica
Six ans après son dernier album original (Madame X), et un Celebration Tour en forme de greatest hits, la queen of pop se repenche sur Ray of Light, son bestseller de 1998. Non pas pour une réédition, mais bien un disque de remixes. Intitulé Veronica Electronica, il devait initialement accompagner le virage électronique de Ray Of Light. Au final, le succès commercial de l’album produit par William Orbit va tellement occuper la Madonne que le disque va être rangé dans un tiroir. Et susciter rapidement le genre de culte, que génèrent habituellement les oeuvres « maudites » .
Veronica Electronica déboule d’ailleurs à un moment où Ray of Light bénéficie d’une sorte de revival, cité comme influence par de plus en plus de monde – FKA Twigs en tête. De fait, il y a quelque chose de fascinant à replonger dans l’une des périodes les plus créatives de la star – celle qui lui donnera pour de bon ses galons d’autrice pop à part. Certes, Veronica Electronica n’offre pas de grandes révélations – il pourrait même décevoir les fans, qui, hormis la démo inédite Gone Gone Gone, auront probablement déjà mis la mains sur les sept autres remixes, dispos par ailleurs. S’il ne jette donc pas spécialement de nouvelle lumière (…) sur Ray of Light, le laboratoire de Veronica Electronica n’en consolide pas moins le statut de l’un des disques-clés de la queen of pop.
Distribué par Warner.
La cote de Focus : 3/5