Tamino, Playboi Carti, Jennie, Derya Yildirim et Hamilton Leithauser: on écoute quoi cette semaine?

Tamino sort son 3e album, écrit en grande partie à New York
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Dans les disques du moment, retour sur l’énigme Playboi Carti, l’échappée solo de Jennie, le nouveau Tamino, le son anatolien rénové de Derya Yildirim et le songwriting soigné d’Hamilton Leithauser.

1. Playboi Carti – Music

« Playboi Carti est la prochaine – ou la dernière – superstar du rap ? », se demandait récemment le New York Times. C’est dire l’ampleur qu’a prise ces dernières années le rappeur d’Atlanta. Une première mixtape (2017) et deux premiers albums ont permis de créer les frissons – Die Lit (2018) et Whole Lotta Red (2020). Dans un paysage rap plus éclaté que jamais, ils ont moins permis à leur auteur de tracer une ligne musicale bien définie que d’esquisser les contours d’un personnage sulfureux. Une sorte de mauvais génie, au comportement chaotique, voire toxique, ayant réussi à atteindre le mainstream avec une musique à la fois expérimentale et provocante. Ceux qui l’ont vu par exemple sur la scène des Ardentes en 2023, n’ont sans doute pas oublié la grand-messe satanique donnée par un Playboi Carti à moitié planqué dans une épaisse fumée, s’égosillant sur des gros riff de guitares metal.   

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Autant dire que son nouveau Music était attendu au tournant. Teasé depuis un moment, il a fini par atterrir sur les plateformes la semaine dernière. Ce troisième album en impose d’abord par ses dimensions. Avec quelque trente titres, étalés sur près de 77 minutes, Music est un solide pavé à digérer. D’autant qu’il ne reste jamais tranquille très longtemps. Playboi Carti sait recevoir. Dès l’entame, il balance Pop Out, vociférant, au bord de la crise d’asthme, sur un beat industriel saturé. Figure centrale d’un rage rap maximaliste, Carti enchaîne avec Crush, d’autant plus angoissant qu’il y glisse des chœurs gospel. Travis Scott y fait également une première apparition. Il est l’un des usual suspects convoqués pour Music – à l’instar de Future, Young Thug, Lil Uzi Vert ou même The Weeknd. L’Anglais Skepta rajoute une dose de parano sur Toxic, tandis que Radar célèbre le son de Lex Luger et d’Atlanta avec un film d’horreur. Plus surprenante est la présence de Kendrick Lamar. Il s’incruste notamment sur Backd00r, une ballade soul, qui invite également Jhené Aiko aux choeurs. Rare moment d’accalmie, il vient offrir une respiration bienvenue dans un disque évidemment bien trop long, difficile à cerner, parfois malaisant, mais qui n’abandonne rien de sa rage nihiliste, ni de ses ambitions.      

2. Tamino – Every Dawn’s a Mountain

Dès son premier single –la complainte Habibi, publiée en 2017–, Tamino sortait son morceau signature et posait les termes de son «pacte» musical. Celui d’une mélancolie portée par une voix profonde et habitée, ranimant certains fantômes rock, mais colorée également de certaines inflexions orientales. Né en 1996, d’une mère belge et d’un père égyptien, Tamino-Amir Moharam Fouad est en effet le petit-fils du grand chanteur Moharam Fouad, surnommé dans les années 1950 «la voix du Nil». On aurait pu croire le chanteur anversois au prénom d’opéra (La Flûte enchantée) éventuellement coincé entre des références pesantes (le rapprochement inévitable avec feu Jeff Buckley) et une assignation à des racines arabes (qu’il ne connaît que peu –son père a été longtemps absent, et il ne parle pas la langue). Tamino, au contraire, assume l’un et l’autre. Avec, il faut le dire, pas mal d’élégance. Et de réussite, visant toujours plus l’international.

Signé sur un label anglais, Tamino vit d’ailleurs aujourd’hui à New York. C’est là qu’il a écrit la plupart des titres de son nouveau Every Dawn’s a Mountain. Un troisième album dans lequel il affine encore une formule folk sépulcrale, qui parlera forcément à ceux qui ont écouté les disques de Damien Rice (le morceau-titre) ou Bon Iver (My Heroine). Tamino s’appuie désormais majoritairement sur l’oud, ce luth arabe présent sur quasi chacun des titres. Mais toujours sans exotisme ou métissage forcé.

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Surtout, alors qu’il pouvait parfois encore diluer son propos, il tient cette fois sa ligne, s’épanouissant dans un certain clair-obscur cru et dépouillé –le troublant Willow. Cela n’empêche pas certains passages plus enlevés. Après son duo avec Angèle (Sunflower) sur son album précédent (Sahar), Tamino collabore cette fois avec Mitski, tête d’affiche indie américaine, dont il a fait la première partie. Intitulé Sanctuary, le morceau quasi country s’inscrit dans la lignée des ballades héroïques US, mêlant grands sentiments et grands espaces. Pas de quoi flouter l’atmosphère générale d’un album, qui est probablement son plus cohérent. Et son meilleur? ● L.H.

Distribué par Communion. Le 13 mai à l’OM, à Liège, et le 31/10 à Forest National.
La cote de Focus : 4/5

3. Jennie – Ruby

Sept ans après un premier single solo, Jennie sort son propre album. Echappée du phénomène K-pop Blackpink, elle était forcément attendue au tournant. Sur Ruby, elle réussit à tirer son épingle du jeu, insufflant assez de panache dans ses sucreries R&B pop aussi référencées (with the IE (Way Up) samplant Jenifer Lopez) et prévisibles, qu’addictives. L’affaire est évidemment importante, et les moyens conséquents. Pour être certaine de ne pas louper sa cible –qui a dépassé depuis longtemps les seuls amateurs de K-pop–, Jennie s’est entourée d’une liste d’invités quatre étoiles. De Dua Lipa (sur Handlebars) ou la nouvelle it-girl du rap US Doechii (ExtraL), en passant par Dominic Fike (Love Hangover) ou Childish Gambino et Kali Uchis (Damn Right). Avec Ruby, la superstar sud-coréenne ne se fait cependant jamais bouffer par ses ambitions, le cœur ouvert sous le blockbuster. ● L.H.

Distribué par Sony
La cote de Focus : 3/5

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4. Derya Yildirim & Grup Simsek – Yarin Yoksa

Née à Hambourg de parents turcs, Derya Yildirim fait partie avec Altin Gün, Lalalar et Gaye Su Akyol de cette jeune génération qui a modernisé et remis au goût du jour la musique anatolienne. Toujours flanquée de son Grup Simsek, elle pousse le bouchon encore un peu plus loin aujourd’hui avec la sortie de son quatrième album.

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Fini les Disques Bongo Joe, label suisse à tête chercheuse toujours en quête d’exotisme. Yildirim a rejoint l’écurie Big Crown, maison de disques toujours prête à élargir les frontières du groove, et enregistré Yarin Yoksa avec son patron, l’hyperactif producteur Leon Michels (Menahan Street Band, Sharon Jones, Charles Bradley). Yarin Yoksa («S’il n’y a pas de lendemain»), qui aborde la douleur personnelle, la résistance collective et l’espoir de changement, a tout pour vous faire chavirer et agrandir son cercle d’initiés. ● J.B.

Distribué par Big Crown/Konkurrent. Le 8 mai à De Roma, à Anvers, le 9 mai au Reflektor, à Jazz à Liège
La cote de Focus : 4/5

5. Hamilton Leithauser – This Side of the Island

Au début du siècle, alors que les Strokes et The National (Aaron Dessner a pour la petite histoire produit trois titres de This Side of the Island) raflaient la mise et réinscrivaient New York en lettres capitales sur la carte du rock, trois membres de Jonathan Fire Eater, groupe remarquable à la carrière fulgurante et trésor encore aujourd’hui caché de la musique à guitares, se réincarnaient en The Walkmen emmenés par un chanteur fiévreux répondant au doux nom d’Hamilton Leithauser.

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Quand, en 2013, ils ont à leur tour mis la clé sous le paillasson (ils se sont depuis reformés pour une tournée triomphale en 2023), le grand échalas né en 1978 à Washington DC s’est lancé dans une relativement discrète carrière en solitaire. Plus mordant que ses prédécesseurs, This Side of the Island est un tout bon album de singer-songwriter qui muscle son habillage. Un disque taillé pour les fans de Dylan et de Bright Eyes. ● J.B.

Distribué par Glassnote.
La cote de Focus : 4/5

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