Stikstof revient avec un nouvel album à Dour, toujours avec Bruxelles comme toile de fond
Dès mercredi prochain, le festival de Dour pourra enfin resservir son menu cinq services. Au programme du festin rock-rap-électro, plus de 250 noms. Dont celui des rappeurs bruxellois de Stikstof, qui viendront présenter leur nouvel album, Moeras.
Gorik van Heusden, alias Zwangere Guy, est affirmatif: «Dour, c’est la base!» L’un des deux rappeurs de Stikstof développe: «Ce sont les premiers en Belgique qui ont capté que le hip-hop n’était pas juste une question d’argent, le truc qu’il faut avoir pour vendre des tickets. Couleur Café et eux ont cette philosophie depuis toujours. Quand j’avais 15 ans, je voyais une affiche qui respectait cette culture, avec des noms comme Mobb Deep, Xzibit ou, côté français, Sinik, IAM, Booba, etc.» Le camarade Jazz – Jasper De Ridder pour l’état civil – confirme: «Avant d’y jouer, on y est allés plusieurs fois en tant que spectateurs. Généralement, la programmation rap était regroupée sur le dimanche. On s’y rendait en train, les wagons étaient remplis de hip-hop heads, veste en cuir, baskets Air Max. Quand on arrivait sur le terrain, on croisait tous les rockeurs, tous des Flamands (sic), enfin des Flamands qui parlent français (rires). Ils étaient là depuis trois jours, dans la boue, à boire leurs bières. Et nous, on débarquait tout frais. Ils nous regardaient en mode: « Ouh la, c’est l’heure de partir, ils vont tout voler, ils vont tout casser ».» Hilare, Zwangere Guy insiste: «Franchement, si tu n’as pas joué à Dour, tu n’as pas réussi ta life.»
On s’est dit qu’on ferait ce qu’on voulait. C’est-à-dire sortir l’album assez vite, pour qu’on puisse le jouer en festival et tout retourner sur scène.
En l’occurrence, Stikstof – constitué de Jazz, Zwangere Guy, mais aussi Astrofisiks et DJ Vega en live – y a été programmé dès 2016. Il sera de retour ce 17 juillet. Un groupe flamand, rappant qui plus est en néerlandais, sur l’une des scènes principales d’un des plus gros festivals wallons? Absoluut! Eux diront qu’ils sont d’abord un groupe bruxellois. De fait, Stikstof est solidement enraciné dans les rues de la capitale. S’il en fallait encore une preuve, il suffit de jeter une oreille, ou même simplement un œil, à leur nouvel album, Moeras, et à sa pochette: un vieux cliché du Palais de justice de Bruxelles, dont la coupole part en fumée. Zwangere Guy, particulièrement dissipé: «C’est notre copain Gino qui fume un gros spliff, juste derrière le bâtiment, ah ah ah.» Mais encore? «C’est une photo qui date de la Seconde Guerre mondiale, quand les nazis ont brûlé les archives secrètes, avant l’arrivée des Alliés», précise Astrofisiks. Jazz prolonge: «Le Palais de justice reste un lieu symbolique de Bruxelles. Tu l’aperçois d’à peu près partout, et quand tu es place Poelaert, tu as une vue sur toute la ville. Il est iconique. De le voir brûler, cela donne une image très forte.» Avec un sous-texte éventuellement politique pour un cinquième album qui l’est nettement moins que les autres? «Oui, ce n’est pas faux, reconnaît Zwangere Guy. Mais on ne va pas non plus chier sur l’Etat à chaque album. En vrai, on s’en fout des politiciens!»
Costa Rica
Ces dernières années, le succès de Stikstof est devenu spectaculaire. Dans la foulée du carton de Zwangere Guy en solo (en mars dernier, le «Zetgee» a encore rempli cinq fois l’Ancienne Belgique), le crew a su imposer son rap brut de décoffrage. Il est désormais programmé à Dour, mais aussi à Couleur Café, Rock Werchter, Pukkelpop, etc. Pas mal pour une musique qui reste «de niche», selon les propres dires de Zwangere Guy… Il faut avouer que, l’air de rien, les gars sont des gros bosseurs. Moeras – «marais» en français, celui sur lequel a été fondée Bruxelles – arrive ainsi huit mois à peine après Familie Boven Alles. Zwangere Guy: «En fait, l’album était achevé à 80% en août de l’année dernière. Donc on s’est dit qu’on n’allait pas écouter le label et qu’on ferait ce qu’on voulait. C’est-à-dire le sortir assez vite, pour qu’on puisse le jouer en festival et tout retourner sur scène.»
Pour partie, l’album a été conçu lors d’une première session aux studios Daft, du côté de Malmedy, et pour une autre à… Santa Teresa, au Costa Rica. «Gorik y a passé deux mois, raconte Jazz. Au départ, il devait revenir pour terminer le disque. Puis il s’est dit: « Après tout, il y a aussi des studios ici! » C’est comme ça qu’il nous a proposé de le rejoindre. Et, quand ce genre d’idée arrive sur la table, Astro et moi, on est plutôt du genre à se dire que c’est une très bonne idée.» Accompagné d’un pote cuistot, les deux retrouvent donc Zwangere Guy au El Studio (tenu par un… Belge) et rajoutent encore une paire de morceaux, pondus au bord de la piscine. «C’était ambiance vacances mais avec une to-do list. Ce qui change quand même pas mal de choses. On savait qu’en rentrant, tout devrait être terminé, du moins si l’on voulait respecter notre timing.»
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Par rapport à Familie Boven Alles, produit quasiment en autarcie, Moeras ouvre davantage le jeu, notamment en multipliant les invités – de Smahlo à la jeune Gantoise Demi Lou. Le propos, lui, continue de creuser le même genre d’ambiances, peut-être avec un peu plus de mélancolie. Mais toujours avec Bruxelles comme toile de fond. Du moins un certain Bruxelles, multilingue et détaillé quartier par quartier dans le morceau-titre Moeras, de Schaerbeek à Anneessens, de Bockstael à Peterbos. Jazz: «C’est sûr qu’on n’est pas souvent à Flagey.» Au-delà, c’est le hip-hop que célèbre Stikstof. Et, par-dessus tout, les liens d’amitié, visiblement indéfectibles, qu’il a su créer. Une nouvelle famille qui, plus que jamais, compte boven alles…
Moeras, par Stikstof, distribué par Top Notch. ***(*)
Le 17/07 au Dour Festival.
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