Sortie de route #18: Un Jardin Extraordinaire entièrement consacré au blaireau

Gonzo éthylique, Serge Coosemans chronique chaque lundi la nuit. Cultures noctambules, aventures imbibées, rencontres déglinguées, observations variées, win, lose et sortie de route assurées.

Une salle garage-punk, une autre techno-electro. Toutes deux blindées. C’est la Human Animal Party de ce vendredi 10 février 2012 à La Cambre, et dans la file devant l’entrée, une amie se fait vomir dessus. Soudain, un crevard vous offre une gerbe, c’est l’effet Cara Pils, dis-je, appuyé contre un conduit de chauffage depuis maintenant trois bonnes heures, à l’intérieur, au chaud, me cognant depuis le début de la soirée de la techno bourrepif et martiale à 150 BPM. Ici, pas de warm-up, direct le napalm! C’était prévisible, avec Teenage Menopause Records aux manettes: rotte ket attitude, la finesse au vestiaire, l’ambition de carnage total. Ce genre de barbarie n’est en principe pas pour me déplaire mais là, faut bien dire ce qui est: laminé par un abominable mal de gorge, comme une indigestion de purée de papier de verre, mes velléités festives se montrent plutôt tango down. J’assiste au concert de Catholic Spray, groupe que j’apprécie et pour lequel je me suis principalement bougé mais leur bouillie braillarde me laisse pour ainsi dire quasi indifférent et de retour dans l’autre salle, je me sens tout aussi peu concerné par la coulée continue de techno pour speedfreaks. Je dois bien être le seul dans le cas, car l’ambiance est plutôt bonne, très enthousiaste. Je ne m’ennuie pas, je suis content d’être là, détendu, amusé, c’est juste que je bascule du Côté Mou de la Slaptitude à cause de ma petite santé déficiente. Avaler de la bière me fait physiquement mal et je serais prêt à chahuter une conférence de Caroline Fourest en burqa en échange d’une tablette de Strepsils. Trop lessivé pour bouger, j’observe le cirque, le défilé de zomblards. Le petit milieu underground bruxellois, sa typologie si particulière, son effroyable prétention, ainsi que son manque total de savoir-vivre.

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Incarnations « vraie vie » de la tribu cannibale du film The Road, rednecks mal nourris buveurs de moonshine, t-shirts aux groupes probablement roumains et pilosités faciales taillées à l’outil de jardinage, côté mâles, cela se donne beaucoup de mal pour paraître à la fois proche de la clochardisation et approximativement analphabète. Côté femelles, étrangement, c’est tout le contraire: très propres, très jolies et très apprêtées, cela sent la bonne famille qui s’encanaille. À Bruxelles, comme partout ailleurs, dès que regroupé, le public underground est infâme et semble comme obligé de se comporter en parfait connard. Bousculer tout ce qui bouge. Entrer dans la salle des cannettes de bières en douce. Fumer et balancer la fumée en visant les yeux. Malgré les cinq centimètres d’espace vital impartis à chacun par la foule, pogoter et manquer de décapiter les autres avec les petits moulinets des bras. Aux gogues, pisser partout, sauf là où ça devrait, y compris sur les pompes du voisin. Au bar, marchander sur le prix des tickets-boissons, évidemment renverser sa bière sur la personne qui suit. Ne jamais s’excuser. Se la mettre tellement minable qu’à côté, Forrest Gump passe pour Albert Einstein. Parler en borborygmes, en langage post-SMS. Bref, c’est un Jardin Extraordinnaire entièrement consacré au blaireau, ce petit humain-animal à rouflaquettes larges comme des côtes d’agneau qui porte le hoodie sous une veste de motard, ne tient pas bien l’alcool et produit une bave abondante dès le deuxième ecsta. Une culture trash aux codes très conformistes. Des part-time punks, comme disait l’autre.

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Je me marre et je pourrais jeter des cacahouètes aux mecs et tirer des grimaces aux filles mais cette peuplade des cavernes ne m’est au fond pas totalement antipathique. Ces loquedus sont de braves bites fiers d’être insortables mais c’est comme les Ewoks, ils restent malgré tout des alliés potentiels. LE MAL ABSOLU, c’est le lendemain que je le rencontre. À la Maison du Peuple de Saint-Gilles, alors que je passe des disques. En pleine séquence acid-house, une jeune italienne très belle, classe, genre stagiaire UE, vient m’agiter son smartphone sous le nez. Whitney Houston est morte, dit-elle en me faisant lire la dépêche sur Twitter. Il faut que je lui rende hommage, que je passe I Wanna Dance With Somebody Who Loves Me. LÀ, MAINTENANT! La Céline Dion funky, le bouillon pour yuppies décapiteurs de call-girls. Je refuse, bien évidemment, et là, la graine de khmer pète une durite. Passer un disque de WHITNEY HOUSTON! Non mais plutôt te vomir dessus, darling. Te pisser sur les pompes et te souffler la fumée dans les yeux, aussi. Comme quoi le blaireau, ça se reproduit vite…

Serge Coosemans

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