Santa Belgica: le spectacle qui rend hommage aux Snuls
(Un peu plus de) 33 ans après leur création, les Snuls sont partout! Livre, docu, disque, et même un concert-hommage, dans le cadre du festival Francofaune. L’occasion de tester si l’humour trash des Monty Python belges passe toujours…
Fred Jannin insiste: “Écrivez-le bien en gros caractères, en capitales bold”: le spectacle Santa Belgica qui sera présenté ces 3 (La Louvière), 4 (Bruxelles) et 11 octobre (Liège), “n’est PAS un concert des Snuls!” Non, ce sera encore mieux que ça. Ou pire. C’est selon. Dans tous les cas, on peut faire confiance à son instigateur: FrancoFaune.
À la base, le festival est dédié à la scène émergente francophone (lire encadré). Mais ceux qui le pratiquent depuis un moment connaissent aussi le joyeux esprit décalé qui anime ses programmateurs. Ils n’auront donc pas été surpris de voir que, cette année, l’une des créations maison est consacrée aux Snuls, la bande de zigotos déjantés qui a dynamité l’humour noir-jaune-rouge au début des années 90. Le prétexte d’une telle mise à l’honneur? Les 33 ans, pardi! Pardon? Fred Jannin: “En fait, tout a commencé en 2019. On allait fêter les 30 ans des Snuls, je trouvais qu’il fallait faire quelque chose pour l’occasion.”
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De report en contre-temps (le Covid), ce n’est qu’aujourd’hui que la plupart des idées jetées en l’air atterrissent finalement. Lancés en 1989, les Snuls célèbrent donc leurs 33 ans, l’année de leur 34e anniversaire (vous suivez?) avec: un livre (aux éditions CFC), un vinyle (chez Freaksville), la création d’un véritable Soulagicon (installé dans la salle des guichets de la ville de Bruxelles), un docu (De toute façon dans 20 minutes vous aurez tout oublié!, en salle dès le 11/10). Et puis, donc, un concert-hommage…
Sampler (et sans reproches)
Fred Jannin raconte la naissance du projet. “Au départ, je reçois un mail de Florent Le Duc (codirecteur de FrancoFaune, NDLR) qui me demande si je ne veux pas refaire un concert des Bowling Balls (son premier groupe, au début des années 80, NDLR). Pourquoi pas? Mais comme la plupart des morceaux sont en anglais, je me suis dit que ce serait peut-être mieux d’imaginer quelque chose autour des Snuls…” De fait, les sketches des zozos se sont souvent transformés en chansons. “Il y avait pas mal de musiciens dans la bande. Moi-même, j’avais fait My Name Is Bond, trois ans avant, avec Jean-Pierre Hautier. Chris Debusscher et NicoFransolet avaient joué dans Allez Allez. Et puis, c’était aussi les débuts du sampling: c’était trop tentant d’imaginer des musiques de danse avec des phrases belgo-belges.”
C’est d’ailleurs l’un des paris du spectacle Santa Belgica proposé à FrancoFaune: comment jouer en live des morceaux qui tiennent souvent du collage surréaliste? “Il a fallu trouver des parades”, explique Manah Depauw, chargée de la direction artistique du projet. L’actrice-metteuse en scène-podcasteuse-prof a bien hésité avant de se lancer. Parce que “venant du théâtre, je ne voyais pas trop comment m’attaquer à la mise en scène d’un concert”.
Quelle époque
Elle trouvera notamment des solutions dans la bouillonnante scène cabaret queer -“Les nuits Bas Nylon, le Cabaret Mademoiselle, la troupe du Grand Bordel national, etc”. Le lien avec les Snuls? “Notamment leur capacité à travailler avec une économie de moyens, et à assumer des choses qui jouent parfois sur le crado et le cheap.” Outre des invités et des proches des Snuls, on retrouvera donc sur scène, Chantaaaal, Chéri·e Chapstick, et John-John Mossoux. “Ils ont tout de suite eu plein d’idées.” Des suggestions d’autant plus bienvenues que le temps pour monter le projet était limité. “Mais ce sont des artistes qui sont habitués à travailler dans une certaine urgence.”
Cela étant dit, ce n’était même pas le plus grand défi pour la troupe. Mais bien “comment fait-on pour retranscrire sur scène l’irrévérence des Snuls, tout en ayant conscience que l’époque a changé…” Et que certaines “blagues” passent moins bien? Fred Jannin: “Pour l’occasion, je me suis replongé dans les émissions. Avec plaisir. Et parfois consternation…”
De là à renier l’humour transgressif, il y a un pas. “On était des sales gamins, convaincus que le programme allait être supprimé après trois semaines… Donc oui, il y a plein de trucs inadmissibles, outranciers.” Mais? “Depuis 30 ans, mon alibi principal est de dire que l’on se foutait de tout et de tout le monde: des riches, des pauvres, des Wallons, des Flamands, de nous, etc.” Avec l’idée de mettre en évidence tout ce que la condition humaine peut avoir de vain et d’absurde. “Pendant quatre ans, on a essayé de partager l’idée que tout ça n’a pas de sens. Ce qui est assez jubilatoire.”
Joyau du folklore
Cela n’a pas empêché les débats. “Je ne suis pas certain que Lesbisch Kommando sera repris par exemple…” Manah De Pauw: “Je comprends très bien le second degré de l’entreprise. Mais tout le monde n’a pas le talent de Serge ou Fred pour le faire passer correctement. Et puis, même si c’était le cas, j’aurais quand même eu du mal à “adapter” certains morceaux en 2023. Aujourd’hui, un titre comme Païvidao aura du mal à ne pas sonner raciste, homophobe, ultrasexiste. Mais quand je dis ça, j’ai parfois l’impression de passer pour une féministe taliban.” (rires)
Et la metteuse de scène de préciser: “Dès le départ, on a décidé de traiter les Snuls moins comme un élément de pop culture que comme un joyau du folklore belge, à l’instar des Gilles de Binche ou des Blancs-Moussis. Quelque part, on traduit une tradition, dans laquelle on prend ce qu’on veut. On est là pour se marrer. Et, en l’occurrence, l’univers des Snuls est suffisamment riche pour que ça ne pose pas de problème…”
Francofaune à fond la forme
Pour sa 10e (!) édition, le festival reste fidèle à ses principes -cultiver la biodiversité de la scène francophone- et son esprit -enthousiaste, généreux et joyeusement décalé. Du 3 au 18 octobre, il a ainsi prévu une cinquantaine de concerts, dans une vingtaine de lieux (essentiellement bruxellois, mais pas seulement). Avec notamment des lives d’Émilie Simon, Colt, Badi, Maïa Barouh et Adé; des cartes blanches (Témé Tan, Françoiz Breut), des créations (Santa Belgica), sans oublier les Secrètes Sessions et autres Fleurs du Slam.
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