Qui viendra jouer à l’OM, nouvel écrin musical en bord de Meuse?

Une nouvelle salle qui accueiliera “de dEUS à Luidji en passant par Lorenzo et Christine & The Queens”. © National
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

À Seraing, aménagé dans l’ancienne salle des fêtes de Cockerill, l’OM vient étoffer avec sa jauge de 1 700 places l’offre des infrastructures musicales en Région wallonne. Et modifier le profil des tournées?

Planté le long de la Meuse, arrondi, épuré et vitré, le bâtiment moderniste de style paquebot en impose avec ses quatre étages, son granit et ses grands escaliers intérieurs. L’édifice date de la Seconde Guerre mondiale. Les travaux auraient commencé avant et ont été terminés après. Il paraît même que son architecte, Georges Dedoyard, à qui l’on doit aussi les Bains et Thermes de la Sauvenière, y aurait planqué sa voiture, emmurée au sous-sol, avant de la récupérer à la fin du conflit… Légende ou pas, à Seraing, l’ancienne salle des fêtes de Cockerill est gravée dans la mémoire collective. Elle a accueilli des remises de diplômes et de médailles, des banquets pour les ouvriers et des séances de cinéma. Elle a même servi de dancing les dimanches après-midi. Racheté en 2010 par la ville qui voulait le reconvertir en pôle culturel après plusieurs décennies sans occupation, l’immeuble où Stromae a tourné le clip de sa chanson Quand c’est? s’appelle désormais l’OM (à prononcer comme sur la Canebière), référence à l’entreprise sidérurgique et charbonnière d’Ougrée-Marihaye, ancêtre de Cockerill, et est prêt à accueillir ses premiers concerts: Selah Sue, Vitalic, Booka Shade, Dub Inc… Balafré par un incendie, des dégradations et des pillages, il a été rénové par l’Atelier Chora, un bureau d’architectes liégeois.

Ce mercredi 4 octobre, sur le coup de 21 heures, Oootoko, un collectif de 19 musiciens européens créé par le violoniste liégeois Damien Chierici, devait essuyer les plâtres en attendant l’Opening Party des 2manyDJs le 7 octobre… “Ça faisait longtemps qu’on cherchait à s’installer dans une salle de cette capacité, explique Fabrice Lamproye, programmateur et directeur de l’ASBL Festiv@Liège. Avec le Reflektor, on a une jauge de 550-600 personnes à disposition. Mais pour des artistes qui drainent un public plus large, entre 1 500 et 2 000 spectateurs debout, trouver un point de chute était compliqué pour nous. En formule assise, il y a le Forum. Et on pouvait toujours à l’occasion occuper la caserne Fonck mais ça posait des problèmes de calendrier avec le théâtre. On avait déjà envisagé diverses possibilités quand est arrivée cette opportunité avec la Ville de Seraing. Dans le projet de reconversion du site, les autorités avaient imaginé la restauration de cette salle des fêtes. Elles cherchaient un opérateur et ont lancé un appel public.

En 2021, la concession de 20 ans a été confiée à l’ASBL Wagon-Torpille, qui réunit Festiv@Liège et la SCRL Hors Kadre (ex-Le Cadran). Si la Ville et la Province ont financé pour un peu plus de 5,5 millions d’euros les travaux de rénovation, menés dans le respect du passé de ce bâtiment d’exception, qui lancent la redynamisation du quartier, les locataires ont investi pour équiper les lieux d’un système de sonorisation de pointe et d’un éclairage de haute qualité. Outre sa clé de voûte, la salle Trasenster d’une capacité de 1 700 personnes avec son balcon, “l’OM est doté d’un restaurant géré par la brasserie Racines (une adresse bien connue des Liégeois, NDLR) équipé pour des petits concerts de 100-150 personnes. Et le bar de la salle principale permet d’accueillir 300 spectateurs debout.” Le tout avec 900 places de parking, gratuites, à proximité.

Un peu de tout

La programmation de l’OM sera liée davantage à sa capacité généreuse qu’à un style musical. Festiv@Liège vise 150 concerts par an même s’il sait que trouver son rythme de croisière prendra un peu de temps… “Ça ira de dEUS à Luidji en passant par Lorenzo et Christine & The Queens. C’est vrai que l’endroit est intéressant pour le rap francophone, qui joue souvent dans des salles trop petites ou des trop grandes reconfigurées. Mais on va aussi y faire du rock, du métal et beaucoup de musique électronique.

Les salles de concerts en Wallonie ne courent pas les rues. Il y a des centres culturels, des lieux pluridisciplinaires, des cafés, des endroits plus roots et alternatifs. Mais quand il est question de salles à proprement parler, elles sont toutes (le Belvédère à Namur, le KulturA à Liège, la Ferme du Biéreau à Louvain-La-Neuve, L’Entrepôt à Arlon, le Salon à Silly…) de taille relativement modeste. “L’idée n’est pas de remplacer quelque chose d’existant mais de venir en complément. On ne va pas révolutionner le paysage mais on va augmenter l’offre culturelle en Wallonie. Pour ce genre de capacité dans la région, il fallait jusqu’ici se diriger vers Cologne, Maastricht, Luxembourg, Anvers ou Bruxelles… Je ne sais pas où auraient joué les artistes qui viendront chez nous. Peut-être à De Roma à Anvers ou éventuellement au Rockerill à Charleroi pour l’électro… À mon avis, on accueillera souvent une date doublée après un concert dans la capitale, qui est souvent une priorité pour les tourneurs. Mais on aura peut-être parfois des exclusivités quand il y aura embouteillage du côté de l’Ancienne Belgique.

A fortiori si on parle d’artistes francophones. “On s’est souvent plaints que les artistes internationaux zappent la Wallonie. Une salle avec ce profil manquait sur le territoire, commente David Dehard, coordinateur de Court-Circuit, fédération de lieux de musiques actuelles, d’organisations de concerts et de festivals soutenant l’émergence artistique en Wallonie et à Bruxelles. La capitale est saturée en termes de concerts et les tourneurs ont de moins en moins peur de la périphérie.” L’OM attirera des Hollandais, des Allemands, des Flamands… Court-Circuit a sorti l’an dernier une étude développée avec des géographes sur les bassins de mobilité des publics. “La conclusion est qu’il est pertinent d’ouvrir un lieu de ce genre à Seraing.

Les ventes pour l’instant ont l’air de le confirmer. dEUS a rajouté une deuxième date (la première affiche complet) et Vitalic a rempli en une matinée. “L’OM sera aussi intéressant pour les artistes wallons en développement. Aucun lieu permanent ne permettait jusqu’ici d’accueillir des projets d’un calibre supérieur. Ils ne pouvaient souvent trouver d’aboutissement ailleurs qu’en festival. L’OM a tout pour devenir une belle vitrine.

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