Quant Aline est produit par Stephen Street, c’est « La Vie électrique »

ROMAIN GUERRET (À GAUCHE) ET ARNAUD PILARD © PHILIPPE CORNET
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Rencontre avec des Marseillais qui n’en sont pas vraiment, faisant une chanson française qui ne l’est pas intégralement, sur un deuxième album produit par un Anglais célèbre, qui lui l’est tout à fait.

« Oui, moi c’est Morrissette et lui J’en-ai-marre. » Romain Guerret, chanteur et auteur-compositeur principal du quintet Aline, se présente en compagnie d’Arnaud Pilard, guitariste.

L' »accroche » du nouveau disque, La Vie électrique, est donc d’avoir « été produit par Stephen Street », fameux pour ses travaux discographiques avec The Smiths, Blur ou Babyshambles. Pour le groupe, au départ, Street n’est qu’un nom fantasmé sur une wish list. Mais l’homme réagit en 24 heures à un simple mail posté sur son site et un lien vers le premier album d’Aline.

« Le lendemain, on a reçu un truc genre: « C’est super, vraiment, j’adore les chansons, par contre, je ne travaille pas avec les Français (rires). » On a très vite eu son avocat en ligne qui nous a donné les conditions, notamment financières. Et puis, comme on lui avait dit qu’on était en négociation avec Pias, Street leur a carrément téléphoné en disant: « Signez ces types-là… ». Et puis, tout s’est goupillé. »

Pas chien, le producteur divise alors ses prétentions financières par deux et propose dix jours d’enregistrement à Bruxelles, aux bons vieux studios ICP. « Globalement, c’est jouable, ce n’est pas la somme folle qu’on imagine. Et finalement, cela s’est fait de manière fluide. »

A l’ICP, Aline est choyé en studio comme en cuisine. Les Frenchies disciplinés -ceci n’est pas un pléonasme- débarquent en ayant soigneusement bossé les morceaux. « Street a cette volonté de faire jouer le groupe comme il sonne naturellement: on a utilisé nos effets personnels, et même s’il prend des décisions -un break en plus ici, des congas là- il garde ce qui existe. C’est très rock, très live. Avec la volonté qu’il a aussi de comprendre le sens des textes. « 

Douce France

Découverte avec un premier album, Regarde le ciel, en 2013, la formule Aline tombe de suite dans l’oreille comme un rafraîchissement bienvenu, notamment via le single Je bois et puis je danse. Dans une époque où la France s’affirme en championne intransigeante de la morosité rabâchée, ces trentenaires-quadras pondent des chansons qui remontent agréablement le taux d’adrénaline naturel, sans pour autant cultiver l’idiotie béate. Un peu comme si Indochine, celui des années 80, avait un cerveau distinct de la braguette d’un adolescent priapique.

Le groupe est du Sud, de Marseille, même si Arnaud vit désormais à Aix. Romain: « On s’est retrouvés à Marseille mais aucun d’entre nous n’en est originaire: il y a un Alsacien, un Breton, deux Roannais et un Reimois. Chacun y est pour des raisons différentes. On y profite des loyers pas chers et puis ce n’était pas un choix de vie définitif. Je suis arrivé vers 25 ans à Marseille, ce qui veut dire que tous les éléments formateurs d’une vie, je ne les ai pas vécus là-bas, mais à Roanne, dans la Loire. Une ville de province industrielle, où il y a notamment le Jad-industrie (qu’il prononce « Jihad-Industrie », ndlr), ayant inspiré la chanson Chaque jour qui passe. »

Romain de la Loire grandit, classique fantasme ado, en rêvant des Etats-Unis et de l’Angleterre: « Dès l’âge de quatorze ans, je suis allé deux étés de suite en « bain linguistique » dans une famille anglaise. J’y ai découvert le Second Summer of Love, en 1989, et puis, avec retard, le punk. Je suis tombé totalement amoureux de la culture britannique: cela m’a imprégné tout de suite, en même temps, je regardais Michel Drucker avec mes parents, donc Michel Delpech, Joe Dassin, Yves Simon, que j’aimais aussi. Tu ne peux pas rayer ta propre culture pour un truc qui te fait fantasmer. »

Alors Aline, trait d’union entre Michel Fugain et Jam, pont d’honneur reliant feu les Carpentier à Cure? En langue française. « Avant La Femme et nous, il y avait déjà Daho et Taxi Girl, on n’a rien inventé, hein. En faisant de la pop, et non pas de la chanson française, on accompagne la vie. On n’est pas dans ce truc français de culture élitiste, précieuse, qui vient aussi des « grands philosophes et écrivains » de chez nous. Mais l’anglais n’est pas ma langue. On veut faire simple et efficace mais aussi donner du sens, qu’on trouve si on gratte un petit peu le vernis des chansons. »

Sur ce, Romain, balance ascendant poisson, avoue s’intéresser aux lectures d’astrologie, d’où le titre Tristesse sur la balance, qu’il voulait d’ailleurs proposer en duo à la Madame Soleil yéyé, Françoise Hardy. « Une très bonne astrologue, Hardy. On lui a écrit pour le lui proposer, elle nous a répondu, un peu sèchement: « Hors de question que je rechante, je suis passée à autre chose. Et d’abord, je ne suis pas que Capricorne, tu le saurais si tu avais lu intégralement mon thème! » (rires). C’était une réponse typique de l’aridité du Capricorne. »

Exit la femme à Dutronc et bienvenue dans cette France 2015 « où tout est très tendu, tout devient électrique et tout le monde attend que cela pète, sans que cela ne vienne. Comme avant un orage. Nous on essaie de souligner cela, avec ce truc de voir la société, sa colère, sa résignation, sa tristesse ou encore sa nostalgie pour un passé idéalisé. Tu mets cela en chansons qui font pleurer, qui font danser. On voudrait être comme un bon polo Lacoste ou un bon jeans: quelque chose qui reste. »

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