Critique | Musique

Primal Scream – Screamadelica *****

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Vingt ans après sa sortie, Screamadelica ne témoigne pas seulement d’une époque passablement agitée. Il reste un grand disque drogué, d’une liberté réjouissante. Cri de joies.

PRIMAL SCREAM, « SCREAMADELICA », DISTRIBUÉ PAR SONY. *****

Angleterre, début des années 90. Le pays sort sonné d’une décennie entière de thatcherisme. Une bonne gifle néolibérale qui aura relancé la machine économique britannique au prix fort, laissant pas mal de monde sur le bord de la route. Au sommet des charts british, une chanson pose alors la question: « Just what is it that you want to do? » La réponse fuse: « We wanna be free to do what we wanna do. And we wanna get loaded. And we wanna have a good time. That’s what we’re gonna do. We’re gonna have a good time. We’re gonna have a party! »

Le morceau est intitulé Loaded. Il est l’oeuvre de Primal Scream. Groupe rock jusque-là anodin, il opère alors sa révolution dance -confirmée par la sortie de l’album Screamadelica quelques mois plus tard. Il devient rapidement l’un des disques phares de l’époque, photo parfaite de la scène musicale anglaise. Gavée à l’acid house (et à l’XTC), celle-ci a retrouvé un sens de la fête et un nouveau goût pour le psychédélisme. Les raves sauvages affolent les autorités, qui les voient se multiplier un peu partout, improvisées dans des champs ou des hangars désaffectés. « Le pays dansait pendant des heures, nuit et jour. Et quelqu’un devait faire la musique », explique le journaliste James Brown. Primal Scream s’acquittera de la tâche avec un panache insoupçonné…

Disque bicéphale

Vingt ans plus tard, l’album en question possède cette double qualité, d’à la fois témoigner de son temps, et de rester un disque unique, toujours aussi captivant à écouter. Peut-être parce qu’il n’a rien perdu de son étrangeté. Et surtout de sa liberté. Screamadelica n’est ni un disque dance, ni un disque rock: il est les 2 à la fois. Movin’On Up, par exemple, lance la fête avec un rock stonien des plus carrés. Les choeurs gospel extatiques laissent cependant deviner l’épiphanie qui va suivre. Dès Slip Inside This House, l’option dance est lancée. Beat insistant, gimmick acid, et sitars psychédéliques: pour sa relecture d’un titre de 13th Floor Elevators, le Primal Scream se transforme en une pieuvre dansante. Le tournant house est serré, mais habilement manoeuvré, Don’t Fight It, Feel It, racé et piqué d’un piano italo, tapant un peu plus sur le clou. La suite passe notamment par Higher Than The Sun et Inner Flight, dont les seuls titres indiquent le côté planant et passablement drogué de l’entreprise.

Loaded est évidemment inclus. Le morceau qui aura mis le feu aux poudres est en fait le remix d’un ancien titre du groupe, confié au DJ Andrew Weatherall. Convaincu, Primal Scream laissera le bonhomme prendre en mains une bonne partie de la réalisation de l’album. A cet égard, rarement un groupe se sera à ce point abandonné, transformé radicalement. C’est aussi ce culot que rappelle Screamadelica.

L’ÉDITION ANNIVERSAIRE PROPOSE UNE VERSION DELUXE REMASTÉRISÉE, ACCOMPAGNÉE DU DIXIE NARCO EP. UN PEU CHICHE. SURTOUT PAR RAPPORT À L’ÉDITION COLLECTOR, NETTEMENT PLUS ONÉREUSE, MAIS QUI PROPOSE PAS MOINS DE 4 CD, DONT UN LIVE ET UN AUTRE CONSACRÉ À DES REMIX, PLUS LES LP, UN DOCUMENTAIRE, LE T-SHIRT VINTAGE…

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