Portrait: Rasta Martine, 61 ans et festivalière assidue

Rencontre des générations au festival Irie Vibes. Phong, autre passionné de reggae sound system de 27 ans: "Je l'ai vue danser toute la nuit au Dub Camp festival. Elle est "ruff and tuff" comme on dit d'un Sound System solide", dit-il de Martine. © Miek Decleir pour Irie Vibes
Nurten Aka
Nurten Aka Journaliste scènes

Martine Francx a le coeur reggae roots et sound system. À 61 ans, elle circule toujours dans les festivals du genre. Espagne, Italie, France, Belgique: son été est donc blindé. Portrait « one love » d’une festivalière assidue.

Tandis que son fils était au festival de Dour, Martine Francx dansait au Dub Camp, un festival de quatre jours dédié au sound system, près de Nantes. On la retrouve deux jours après la fin des festivités, chez elle, dans un patelin flamand à 30 minutes d’Anvers. Tandis que le fiston « récupère » dans sa chambre, Martine nous accueille lumineuse. Aucune trace des lendemains de veille! « Dès que je vais aux festivals, explique-t-elle, je reçois comme une piqûre d’énergie. Au retour, je ne suis pas fatiguée. Peut-être parce ce que je ne bois pas d’alcool. Je fume, je carbure au gingembre, j’ai une nourriture saine et, en semaine, je dors très tôt. Il faut dire qu’à Dour, il y a les « after » et sûrement plus de drogues et d’alcool que dans les festivals reggae. »

Son agenda d’été est impressionnant. Chaque week-end, elle danse le reggae, que ce soit dans des petits festivals ou des mastodontes. Après l’Espagne, l’Italie et la France, elle posera sa tente aux quatre coins de la Flandre: Irie Vibes Roots Festival, Sfinks, Reggae Geel, Humble Festival, Dubyard Festival.

Festivalière assidue, elle commence dès le mois de décembre à acheter ses tickets avec un regard de choix singulier. « J’ai mes incontournables comme Zion Station en Italie. C’est un festival de sound system au bord d’un lac avec une seule scène. Les moins de 18 ans doivent être accompagnés de leurs parents. J’apprécie car il y a de plus en plus de jeunes -pas tous- qui prennent trop de drogues. De plus, ce festival se termine le quatrième jour à 23h pour permettent aux gens de se reposer et de rentrer chez eux « safe ». Un festival, c’est aussi une organisation. Ici, les festivaliers comme les organisateurs sont des « conscious people », des gens avec une conscience pour le monde et la musique. C’est ce qui motive mon choix. Depuis deux ans, je retourne aussi à Couleur Café, entre autres pour sa Dub Station. Ce qui m’importe? Que l’organisateur (et le festival) ait un vrai coeur à la musique. »

Portrait: Rasta Martine, 61 ans et festivalière assidue
© Miek Decleir pour Irie Vibes

À la recherche des « vibes »

Cela fait plus de 35 ans que Martine Francx circule dans les festivals de reggae et sound system.

Tout a commencé par… Bob Marley. « À 14 ans, j’allais aux concerts de Led Zeppelin, Deep Purple, Alice Cooper. À 16 ans, j’ai écouté Bob Marley et tout a changé. Plus tard, je suis partie avec le père de mes enfants vivre à Birmingham. C’est là que le reggae a touché mon coeur avec des soirées sound system dans des squats. J’avais 23 ans. J’ai toujours recherché ces « vibes » que j’ai finalement retrouvées dans les festivals. »

Devenue mère célibataire avec trois enfants qu’elle n’hésitait pas à emmener avec elle, cette festivalière atypique a grandi à Willebroek, en province d’Anvers. Fille unique de commerçants flamands, Martine a très tôt eu un style ethnique. Récemment, celle qui travaille dans un CPAS s’est fait des… dreadlocks. Autant de regards posés sur elle. Famille, société, enfants. « Avec ma famille conservatrice-bourgeoise, cela n’a pas « matché ». J’avais un style hippie, mes parents étaient dans le prêt-à-porter. Je suis partie à 18 ans comme on le faisait à l’époque, en me mariant. Mes enfants? L’un me trouvait cool, l’autre moins. C’est sûr, la société porte facilement un regard de travers sur quelques dreadlocks. Je les dissimulais sous mes cheveux car je ne voulais pas que l’on m’étiquette. De plus, j’avais promis à un de mes enfants d’attendre la fin de sa scolarité. Je faisais aussi beaucoup de coloration. Là, avec mes dreadlocks et mes cheveux gris, je me sens moi-même. Ma jeunesse est finie, je ne suis pas en train de courir après. Dans les festivals, je croise aussi pas mal des gens de mon âge et plus. J’ai rencontré une Suissesse de 78 ans qui fait les festivals reggae et dort à l’hôtel. C’est génial! Moi? Tant que je peux, j’irai au camping. J’aime son atmosphère « good vibes of unity and love ». »

« Si je suis rasta? »

Autre passion de cette festivalière: le sound system. Né dans les ghettos jamaïcains des années 40, le sound system est une sorte de discothèque mobile, une pyramide stylée de haut-parleurs avec une forte amplification. Un DJ choisit savamment ses disques. Lui ou un autre joue avec la puissance du son, les basses, les effets d’échos et de réverbérations. Un MC prend le micro, branché ou non rastafarisme. « Les gens disent que les artistes ne font que passer des vinyles. C’est faux. En concert, les artistes chantent des morceaux qu’ils connaissent. Ici, ils improvisent. Ils sont « on the spot » et délivrent leur message sur la pression du monde, celle que subissent les gens, ou encore des paroles positives ou plus spirituelles. Tout cela me touche. Si je suis rasta? J’ai été en Éthiopie et en Jamaïque. Chacun y a son rastafarisme. Certains puisent dans la Bible. D’autres disent: « Do good and good will follow you« . Je crois plutôt en ceux-là, qui puisent plutôt dans le spirituel. »

Le festival Reggae Geel commence le week-end prochain en province d’Anvers. On quitte Martine sur ses recommandations musicales: « Rockers Live Show, Keety Roots, Pablo Gad, Kumar, The Congos, Buju Banton (tête d’affiche, « hype » depuis sa sortie de prison, NDLR), Ion Youth Soundsystem, Spellbreakers, Oku Anuara… »

Les festivals ont leurs vétérans. 61 ans. Une femme. Loin des conventions. Respect.

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