Pluvieux mais joyeux: le monde s’était donné rendez-vous ce week-end au Micro Festival
Touaregs nigériens, krautrockeurs japonais, recycleurs congolais et virtuose de la cornemuse iranienne… Pluvieux mais joyeux, le Micro Festival s’est fait plus voyageur que jamais.
Samedi, à Liège, le Micro Festival était d’humeur bourlingueuse. On aurait presque pu se croire à Couleur Café ou à Esperanzah! Mais qui auraient alors poussé à fond le curseur dans la découverte et les marges. Dans les festivals d’été, il y a ceux qui s’obstinent, qui s’entêtent, qui misent toujours sur les mêmes chevaux et sonnent chaque année pareil (souvent mal d’ailleurs). Puis, il y a ceux qui se réinventent sans cesse, qui brisent les codes et qui évitent soigneusement toute habitude. Samedi, les 2 500 Microfestivaliers ont headbangé sur les rockeurs psyché kraut japonais de Minami Deutsch. Sué sur le dancefloor avec les Turcs de Lalalar. Et bougé bougé avec une bande de recycleurs congolais (le Fulu Miziki Kolektiv), un gang éco-friendly et afrofuturiste qui fabrique ses instruments avec des objets récupérés dans les ruelles et poubelles de Kinshasa. Ses membres se cachent sous des costumes rapiécés et des masques d’animaux imaginaires qui donnent à ses membres l’allure de super-héros. En bottes et K-Way, les aventuriers du Micro ont également pris la direction d’Agadez avec les frangins touaregs d’Etran de l’Aïr. Aussi à l’aise pour animer des mariages et des baptêmes (ce qu’ils font chez eux, au Niger) que pour secouer des festivaliers trempés et déjà un peu entamés.
Saeid Shanbehzadeh, lui, est un champion du neyanbân, la cornemuse iranienne. Épaulé par son fils, Naghib, aux percussions, qui l’accompagne en concert depuis l’âge de 12 ans, Saeid incarne un héritage venu d’Afrique par des esclaves dans le sud de l’Iran, trois générations avant lui. Saied a été envoyé au front à onze ans chanter pour encourager les soldats (il en est revenu traumatisé). Il devait faire carrière dans l’athlétisme jusqu’à ce qu’un accident de la route lui fracture les hanches et brise tous ses espoirs. Il a aussi été condamné en 2005 à deux années de prison pour avoir profané l’islam à travers ses performances scéniques, ses écrits et ses interviews critiquant le régime. Le virtuose a emmené l’Oasis dans une transe inattendue avec sa musique traditionnelle. Coup de cœur.
Météo capricieuse et after improbable
Au Micro, cette année, on a vu aussi un prof de théâtre, un juriste, un éducateur social, un réparateur de vélos et un brasseur de kéfir qui emmenaient le jazz ailleurs (Ciao Kennedy). On s’est dit que la normalité était toute relative, que le Wild Classical Music Ensemble et les Choolers déchirent toujours autant. Les uns avec le rock, les autres avec le rap. Les deux avec l’énergie incroyable, sans filtre, d’artistes souffrant de déficience mentale.
On a fait une after improbable dans une cave vraiment bas de plafond. Et une autre un peu pathétique sous le crachin devant un night-shop. Ce week-end, du côté de l’Espace 251 Nord, le Micro n’a pas été épargné par la météo. Il a bruiné souvent. Méchamment plu par moments. Mais avec ses deux scènes couvertes, il y avait clairement moyen de passer entre les gouttes.
Malgré l’annulation de Deadletter pour «des raisons personnelles» -ils ont pu jouer à Genk le lendemain, pas de bol, seront le 16 septembre aux Leffingeleuren et le 22 octobre à l’Ancienne Belgique-, la soirée de vendredi avait été un peu plus conventionnelle et nettement plus britannique, portée par des groupes qui étaient en juillet à l’affiche de Dour. Le rock à trombone de KEG, les années 80 d’Heartworms et le punk aussi basique que furieux des Lambrini Girls. Mais le Micro a encore une fois réussi à plaire et à surprendre pendant trois jours. En allemand avec les Berlinois de Gewalt, leur post-punk noir et tendu, dansant et industriel ou encore Das Kinn, co-gérant du label de Francfort MMODEMM et membre du duo performatif Les Trucs. Avec les impressionnants et métissés free jazzmen bruxellois de Don Kapot qui sortiront bientôt un nouvel album. Le post rock musclé et jusqu’au-boutiste des énigmatiques londoniens de Butch Cassidy. La répétition, les polyrythmies, les influences africaines et le saxophone fou de Horse Lords venu de Baltimore. Puis le concert bourrin, efficace et expéditif de Fat Dog avec sa musique «qui fait repousser les cheveux». Celle de Mort Garson fait bien grandir les plantes…
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