Critique | Musique

On était au concert de The Weeknd, à Bruxelles : du début qui tournait à vide au grand basculement

3,5 / 5
© Getty
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Concert - The Weeknd

Date - 11/07/2023

Salle - Stade Roi Baudouin

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Mardi soir, The Weeknd était au stade Roi Baudouin, pour le premier de ses deux concerts belges. L’occasion de célébrer (une dernière fois?) son alter ego pop avec une impressionnante série de hits

Si vous voulez connaître le pouvoir d’une chanson pop en 2023, ce qu’elle est capable d’enclencher en deux notes, alors il fallait être hier au concert de The Weeknd. Le chanteur canadien est dans la dernière ligne droite de son set, quand il balance Blinding Lights. L’effet est instantané. La mélodie reprise en chœur par le public tout entier. Tube interplanétaire, scie entendue un peu partout, jusqu’au dégoût, Blinding Lights est devenu un hymne de stade. Et, de fait, au Roi Baudouin, il n’a jamais sonné aussi triomphal… The Weeknd superstar.

Avait-il tout planifié dès le début ? Qui aurait pu croire que celui qui a commencé à publier ses premiers morceaux de manière anonyme sur Youtube allait devenir l’une des figures pop XXL de son époque ? Qui pouvait imaginer que l’auteur discret d’une trilogie de mixtapes obscures, ruminant un r’n’b torve et maussade, muterait en hitmaker irrésistible ? Le fait est là : dix ans après la sortie de son premier album « officiel » – Kiss Land -, et après avoir collaboré aussi bien avec Daft Punk que Daniel Lopatin, Drake ou Madonna, The Weeknd est venu récolter les fruits d’une maestria pop désormais incontestée.  

Tubeur en série

Et comme Abel Tesfaye, de son vrai nom, a laissé entendre qu’il pourrait bientôt définitivement ranger son personnage de The Weeknd, il a mis les formes. Au Stade Roi Baudouin, les musiciens sont dispersés aux quatre coins d’une skyline métallique spectaculaire, mélange entre le décor de Metropolis et Manhattan. Du milieu de la scène, part une longue « jetée », qui traverse toute la largueur du terrain, pour aboutir sur une gigantesque figure de cyborg féminine – celle que l’on retrouve notamment dans le clip de Echoes of Silence. Enfin, tout au bout, une lune géante surplombe un dernier podium. Sur le coup de 21h, une quinzaine de pythies, voilées et entièrement vêtues de blanc, défilent sur l’avancée. Elles reviendront régulièrement pendant les deux heures de concert. Mais pour figurer un élément plus visuel que réellement chorégraphique du spectacle.

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The Weeknd déboule dans la foulée. Egalement en blanc, il porte un masque de fer. L’attribut rappelle celui de MF Doom. Mais aussi celui du mystérieux prisonnier de la Bastille. D’ailleurs qui connaît vraiment The Weeknd ? Il y a évidemment le personnage de lover un peu chelou, noyant son vague à l’âme et ses humeurs bilieuses, sous un vernis pop eighties cocaïné. Une sorte de Patrick Bateman qui serait passé de serial killer à tubeur en série. En cela, il est l’antithèse de son modèle avoué : Michael Jackson. Ou alors plutôt sa version post-moderne. Il ne faut pas trois morceaux pour que The Weeknd lâche son premier mouvement de hanche « jacksonien ». Au milieu du show, il se lancera également dans une relecture de Dirty Diana. Et quand il interprète Out Of Time, difficile de ne pas y voir un hommage à la période Off The Wall du King of pop.

L’homme au masque de fer

The Weeknd n’est toutefois pas qu’un copycat surdoué. La palette est large – disco, pop, new wave, soul, r&b, rock, etc. Et le menu copieux : plus de 35 morceaux enquillés en deux heures. Dont ses plus gros succès : Save Your Tears, Can’t Feel My Face, Starboy, I Feel It Coming, etc. Mais aussi l’une ou l’autre incartade vers des morceaux pre-fame, comme House of Balloons, samplant Siouxsie & The Banshees. De quoi encore un peu plus brouiller les pistes ? Après 50 minutes, Abel Tesfaye a enlevé son masque. Mais on ne sait toujours pas bien sur quel pied danser : grand manipulateur pop, est-il venu livrer ses émotions ou trafiquer les nôtres ? Est-il ce mélodiste cynique et vicieux ou ce chanteur généreux et tout sourire, qui ne ménage pas ses falsetto ?

Durant la première heure, l’abattage est, certes, impressionnant. Mais il paraît aussi parfois tourner un peu à vide. Au fond, ce n’est que quand le jour tombe, que la scénographie prend toute sa dimension. Mieux : à partir du moment où les nuages sombres commencent à s’accumuler au-dessus du stade, le concert bascule vraiment. Pendant Save Your Tears, alors que l’orage a fini par éclater, des projecteurs découpent le ciel, dressant un rideau autour du cyborg géant, tandis que les montres-loupiotes distribuées au public s’allument toutes de rouge. Juste derrière, Less Than Zero permet à The Weeknd de faire chanter une histoire d’amour toxique à tout un stade. Fascinant.         

Un peu plus tard, alors que le concert vient à peine de se terminer, la police bloque l’avenue Houba de Strooper pour laisser passer un cortège de grosses cylindrées. Dans l’une des premières, on aperçoit la star, seule sur la banquette arrière, penchée sur son téléphone. The Weeknd has left the building. Ou Abel Tesfaye, allez savoir. Dans tous les cas, il nous a encore une fois bien eu…   

The Weeknd sera encore ce mercredi soir en concert, au Stade Roi Baudouin. Infos : www.livenation.be

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