On a vu Shay à Forest National: récit d’un concert historique
Après son passage à Forest National samedi, c’est clair : il est temps de donner à Shay tous les lauriers qu’elle mérite. Ceux d’une pop star, qui, en live, surclasse ses camarades rappeurs avec un blockbuster imparable.
Dans une interview récente, Shay revenait sur la honte qu’avait représentée pour elle son tout premier concert. C’était en 2011, à Bercy, aux côtés de Booba. « Je me suis mise à rapper et les gens se sont calmés, d’un coup. Ils me regardaient en mode « c’est qui elle » ? ». Treize ans plus tard, plus besoin de présenter Shay. En outre, pour être certaine de ne plus revivre le même trauma, elle s’est donné les moyens d’occuper la scène. Mieux : se l’accaparer.
On en avait déjà eu un aperçu lors de son passage aux Ardentes. Non contente d’être devenue la rappeuse numero uno – statut confirmé par la sortie de Pourvu qu’il pleuve en début d’année -, Shay entendait bien marquer aussi les esprits en live. Samedi soir, à Forest National, pour son tout premier concert dans une salle belge, la Bruxelloise a fait encore mieux que ça. Elle a livré un show, littéralement, iconique. Et même, pour tout dire – puisque pour une fois les superlatifs ne sont pas vains – historique.
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Sur le coup de 21h, Shay apparaît sur la passerelle qui traverse la scène de Forest. Après l’Acte 1 (L’Olympia, en mars dernier, rempli en 30 minutes chrono) et 2 (les festivals), elle ouvre le troisième volet de sa tournée avec PMW. Derrière elle, le film à grand spectacle démarre avec des images d’une Shay mutante, les yeux démoniaques : la bête de scène qu’elle est devenue.
Une star offensive, dominatrice mais pas forcément distante. « Vas-y, je descends ! », annonce-t-elle, avant de quitter son piédestal. Et de citer les quartiers de Bruxelles où elle a grandi – Ixelles, Schaerbeek, Molenbeek. « Je suis trop contente de commencer l’acte 3 ici ». Aussi réglé et millimétré que s’annonce le show, il n’est en effet pas tout à fait un concert comme les autres. Shay joue à la « maison ». Et alors qu’on a parfois pu avoir l’impression d’un malentendu entre la rappeuse et son public belge, celui-ci est aussi présent que bruyant, prêt à déclarer sa flamme à l’enfant du pays. Comme quoi, parfois, cela fait du bien de se parler…
Shay montre la voie
Quand Shay rejoint la scène, une dizaine de (pole) danseuses l’y attendent. Le décor façon Blade Runner a laissé place à une forêt tropicale et aux enceintes d’une grand sound-system : une première séquence dancehall peut commencer. Avec des titres comme Sans cœur, Jolie Go ou l’imparable Même pas bonne. L’ego-trip est la règle. Mais il est moins utilisé pour faire le vide autour d’elle que pour montrer la voie. Et « donner de la force à la nouvelle génération », annonce l’intéressée. Avant d’inviter sur scène la jeune sensation du moment, Theodora, pour chanter son tube Kongolese sous BBL. Solitaire, Shay a souvent été critiquée pour ne pas emmener avec elle d’autres artistes dans un monde rap toujours très masculin. Désormais, la boss est prête à partager la lumière.
A Forest, il n’y a d’ailleurs quasi que des femmes sur scène – à l’exception du guitariste, solo compris, sur Santé Fé, et le saxo afro sur Poison Ivy. Même quand Shay ramène quelqu’un dans le public pour lui faire un numéro de strip club, c’est une fille qu’elle fait monter. Le féminisme de la jolie garce est connu. Hypersexué, il reprend le contrôle du corps féminin. Et affirme un désir vorace et prédateur, au moins égal à celui des hommes. Dans la foulée de 1000 à l’heure, les danseuses prennent ainsi possession des barres de pole dance – dont un solo bluffant de Stessy Emelie. Aux deux tiers du concert, apparaît également une « twerk tower inferno ». Un podium sur lequel Shay se transforme en chef de gang de filles, le rap teigneux (comme sur Da), multipliant les poses conquérantes.
Drache nationale
L’air de rien, Shay enchaîne ainsi les tableaux, sans que l’on s’ennuie un seul instant. L’entertainment est maximal, les chorés millimétrées, et la production au cordeau. Sans pour autant paraître mécanique. Shay n’attendra pas par exemple le petit souci technique – un boitier micro qui se détache -, pour casser l’éventuelle image de star hautaine, s’adressant régulièrement au public, jouant avec lui. Elle profite également d’un changement de tenue pour évoquer dans une vidéo son fameux grand-père : Tabu Ley Rochereau, légende de la rumba congolaise et de la musique africaine en général. « Aujourd’hui, je marche sur ses traces, portée par son héritage », écrit la petite-fille, avant de diffuser un extrait du classique Pitié.
Quand elle réapparaît après l’interlude, Shay porte une tenue rouge et un grand boléro. Le chapeau en question lui donnant presque des airs de Beyoncé période Formation. Sur scène, la Belge est d’ailleurs une pop star à part entière, explosant tous les carcans francophones du live rap. Dans la dernière ligne droite du concert, elle enchaîne encore Thibaut Courtois et Ich Liebe Dich, visiblement émue, les yeux au bord des larmes. Comme un ultime hommage à ses terres natales, Shay termine son show seule, triomphant – littéralement – sous la pluie, avec Commando. Une drache nationale pour la nouvelle queen de Belgique.
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