Nuits Secrètes J1: Initials B.B.

© Noah Dodson
FocusVif.be Rédaction en ligne

Ce vendredi, le festival nordique a dû composer avec la pluie et un début de soirée en demi-teinte pour au final scotcher son audience grâce à deux énormes prestations en B, celles de Baxter (Dury) et Battles.

Aucune hésitation au moment de se renseigner pour trouver le point presse, bienvenue chez les Ch’tis. L’accent des agents secrets, bénévoles des Nuits, ne ment pas. Aulnoye-Aymeries est un petit village champêtre en bord de Sambre. Le festival est installé en son coeur et le Jardin, scène secondaire et payante, a des airs de village Francofou.

C’est là que se produisent The Minutes. Le trio assène son rock garage sympathique mais dispensable à un public clairsemé et mou du genou. Le chanteur a beau haranguer la foule et grimacer, l’ambiance ne décolle pas. Journée de m… pour ces Irlandais qui se sont fait confisquer leurs guitares dans des conditions obscures et sont donc obligés de jouer avec des instruments prêtés! L’orage qui éclate n’arrange rien. Sous la pluie, Zita Swoon enchaine. Le collectif emmené par l’ex-dEUS Stef Kamil Carlens, sapé en Aladdin à la veste en cuir, tend des ponts élégants entre l’Europe et l’Afrique à l’instar de Amadou et Mariam. Mais le live du groupe belgo-burkinabé reste à parfaire.

Direction la Grande Scène, gratuite et beaucoup plus grande, où est attendu le rappeur Orelsan, souvent encensé pour sa plume acerbe et désabusée sur la génération Y. A notre arrivée, il joue Mauvaise Idée, hymne dubstep pseudo-moraliste issue de l’album Le Chant des Sirènes. Le titre du morceau résume bien le concert. Une succession de fautes de goût. Aurélien Cotentin a un bon flow et sait se moquer de lui (une mise en scène habile de la censure de Sale Pute) mais pour le reste… Malgré le parterre essentiellement familial, les blagues sont beauf et vulgaires. Ses textes sont noyés dans des sons putassiers. Et quand il massacre I’ll Take Care of U de Gill Scott Heron, c’en est trop.

La pluie s’arrête. Dans le Jardin, il y a de quoi oublier la déception. Baxter Dury, célèbre « fils de », offre une prestation dansante (le sosie de Popeye bourré derrière nous ne peut pas dire le contraire) et délicieusement foldingue, cris de singe et rires diaboliques sabotant le slow The Sun à l’appui. Le crooner anglais, cheveux grisonnants et faux airs de banquier, ouvre sur Fransesca’s Party. La suite est un sans faute qui illustre à merveille la joie et la mélancolie irradiant de son album Happy Soup, du gesticulant Claire au discoïde The Trelling en passant par le synthétique Afternoon. Le cockney nonchalant joue avec le public jusqu’à lui proposer un verre de Cognac pour un Picnic On the Edge. Le concert prend toute sa saveur avec les choeurs vaporeux de la charmante Madeleine Hart.

Il faut aussi saluer les musiciens dont les arrangements pop élégants rappellent parfois Metronomy. Et plus particulièrement le guitariste qui, malgré une corde petée, distord et électrise avec brio le final mi-déclamé, mi-chanté de Cocaine Man. Le sale gosse flegmatique du songwriting british et sa joyeuse bande peuvent partir vers la Pologne en paix…

La Scène du Jardin est définitivement l’endroit où zoner en cette soirée du vendredi. Les New-Yorkais déchaînés de Battles offrent le clou du spectacle. Après Dour, les trois musiciens, responsables de Mirrored et Gloss Drop, confirment leur talent scénique et bien plus encore… Lâchés par leur chanteur, ils démontrent que la musique instrumentale et expérimentale peut chambouler les foules. Dès les premières notes, la folie s’insinue. Anguleuse et cérébrale à l’image de leur math-rock barré. Et quand résonne l’addictif Atlas aux choeurs hallucinatoires, l’hystérie est collective. Le slam violent d’un cochon masqué en témoigne. Pour permettre au public de récupérer, le trio propose quelques morceaux plus accessibles. Des duos virtuels sont ainsi rendus possibles grâce aux deux écrans géants. Mention spéciale au tubesque Ice Cream avec l’argentin Matias Aguayo qui vire au reggae supersonique. Impossible de rester en place. Grâce aux ingénieuses transitions entre les morceaux, l’audience gesticule sans temps mort, hypnotisée par le son dominateur de la batterie martyrisée par le fantastique et trempé de sueur John Stanier qui s’offre là un bien beau cadeau d’anniversaire. Il n’a jamais été aussi agréable de se faire tabasser. On en redemande.

Kevin Plasman (stg)

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