Nuits de noces

Rock, chanson, électro… Du 7 au 16 mai, Les Nuits Botanique dérouleront l’une de leurs plus belles affiches de ces dernières années. Vidéo de présentation et focus sur quelques artistes…

Rock, chanson, électro… Du 7 au 16 mai, Les Nuits Botanique dérouleront l’une de leurs plus belles affiches de ces dernières années. Vidéo de présentation et focus sur quelques artistes…

Gaëtan Roussel

A bien y réfléchir, c’est peut-être l’artiste qui correspond le mieux au festival bruxellois. Sur son dernier album, Gaëtan Roussel a mixé tout ce que les Nuits Bota proposent chaque printemps: du rock et de la chanson, de l’anglais et du français, des guitares et des gimmicks électroniques, des mélodies et du groove, ou encore des expériences et une ouverture grand public. Ouf! Le disque en question s’appelle Ginger, et c’est une vraie réussite. Un exercice d’équilibriste dont la lisibilité pourrait faire oublier le risque pris, tour de passe-passe absolument casse-cou: en l’occurrence, faire de la pop en français dans le texte… Roussel a déjà eu son lot de succès. Avec son groupe Louise Attaque d’abord -2,5 millions du premier album éponyme, sorti en 97. Avec Tarmac ensuite, qui, sans avoir réédité le carton de Louise Attaque, a ajouté de l’épaisseur et du relief au parcours du Parisien. Deux groupes pour une plume dont les services ont été utilisés ces dernières années par Vanessa Paradis (Il y a), Rachid Taha (Bonjour) et surtout Alain Bashung. C’est en bossant sur Bleu Pétrole que Roussel découvre qu’il y a une vie en dehors du collectif.  » Ma culture musicale, elle est de groupe. En travaillant sur Bleu Pétrole, c’est la première fois que je me retrouvais en dehors de cette structure. Du coup, d’une certaine manière, cela a agi comme un sas de décompression avant d’arriver à un disque solo.  »

Solo mais pas solitaire, comme il aime à le répéter. L’homme s’est en effet entouré de pas mal de monde. Gordon Gano des Violent Femmes est venu chanter, tout comme Renee Scroggins de ESG, le mythique groupe post-punk new-yorkais. A la production sont venus donner un coup de main des gens comme Julien Delfaud (Phoenix, Etienne de Crécy…) ou Tim Goldsworthy du label DFA.  » Dès le début, Je savais que je ne voulais pas faire le disque dans mon coin. Un solo, cela peut se faire à plusieurs, sans pour autant remonter un groupe. Même si la dynamique de création s’en rapproche: je lance la balle, les autres me la renvoient… C’est comme ça que j’aime faire de la musique. Avec des allers-retours, qui créent des petits espaces, qui ouvrent des portes…  »

Dans Inside/Outside, Gaëtan Roussel chante: « Que pourrait-il nous arriver si on cherchait à toujours tout retenir, si on restait là sans bouger?  » Du coup, il s’est complètement laissé aller. Le plus épatant dans Ginger, c’est ainsi sa manière de repousser les lignes, de redessiner le périmètre de jeu de Gaëtan Roussel, le tout avec un naturel confondant.  » Ma première envie était de me décaler, confirme-t-il. Ne pas faire un album qui ressemble à ceux que je peux vivre en groupe. Je voulais me perdre un peu pour ce disque. Je me suis dit que c’est en étant déboussolé que j’arriverais peut-être à en être content, et à y mettre un peu de ce que j’aime dans les disques de Talking Heads, Big Audio Dynamite… Des gens qui allaient à gauche, à droite, tout en restant cohérents.  » Le but n’est pas de lâcher le français – » il n’en a jamais été question  » – mais d’arriver parfois à le faire  » oublier « :  » J’avais envie qu’on puisse écouter les chansons sans forcément trop faire attention à ce que je raconte « . D’où l’arrivée de l’anglais ici et là, et la profusion de gimmicks vocaux qui accrochent l’oreille sur quasi chacun des titres. L’idée n’est pas non plus de briser la mélodie, mais de ne pas la laisser seule aux commandes, qu’il reste encore de l’espace pour une matière plus épaisse et groovy. Raconte-t-on d’autres choses en adaptant le format?  » Peut-être bien, oui. On s’oblige à écrire des phrases plus courtes. Souvent sous forme de questions d’ailleurs.  » Roussel n’a pourtant pas l’air de s’en être beaucoup posé pour concocter Ginger, disque qui semble couler de source, plein d’assurance sans tomber dans l’arrogance, qui fait dans la fluidité sans verser dans la facilité.  » Le nombre de fois pourtant où j’ai eu peur, où je me suis liquéfié! On a tous envie d’être détendu, décomplexé. Ce n’est pas nouveau. Mais dans les faits, cela n’empêche pas les doutes et les hésitations. Au bout du compte, le plus compliqué a été que le tout reste cohérent, qu’on n’ait pas l’impression que cela penche d’un côté. Ou alors que ce soit volontaire  » (rires). Il continue:  » Les morceaux devaient fonctionner par frottement, plus que par couleurs identiques. Après, ce genre de mélange devient presque banal. J’ai été voir Vampire Weekend récemment: pour le coup, eux sont complètement là-dedans. Et c’est super. Les étiquettes deviennent de plus en plus floues. Pour le bien de la musique, à mon avis.  » On confirme.

Cibelle

« Je suis passionnée par tout ce qui se rapporte à la psychologie, les neurosciences… Mon homme travaille dans un institut de santé mentale et chaque soir, quand il rentre, je lui saute dessus pour qu’il me raconte sa journée! » Y aurait-il dans l’anecdote l’explication du petit grain de folie de Cibelle? A voir. D’abord, Cibelle n’est pas tout à fait dingue. Juste un peu excentrique. Quand on la rencontre, la jeune Brésilienne (Sao Paulo, 1978), ancienne mannequin et ex-actrice, porte un tas de breloques aussi multicolores que ses mèches.  » J’essaie de faire correspondre au mieux l’intérieur et l’extérieur. J’y travaille en tous cas « , sourit celle que les Inrocks ont surnommé assez justement la Björk tropicale.

Précision tout de même, puisqu’apparemment la confusion continue de régner: toute Brésilienne qu’elle soit, Cibelle ne fait PAS de bossa nova. A la faveur de ses collaborations avec Devendra Banhart ou Vetiver, sa page Wikipédia la rapprocherait plus volontiers de la scène  » freak folk « . Pas faux. Enfin, folk peut-être. Freak, certainement. Son récent 3e album en est une nouvelle joyeuse preuve. Sur Las Venus Resort Palace Hotel, elle ne se prend pas pour Napoléon mais pour Sonya Khallecallon, croisement entre Sophie Calle et Frida Khalo, chanteuse vedette d’un cabaret post-apocalypse. « C’est un scénario de fin du monde. La Terre a été désertée. Il n’y reste qu’un seul endroit encore animé: le Las Venus Resort Palace Hotel. Il est 4h du mat’, il y a sûrement quelques mecs bourrés, des amoureux dans un coin, peut-être un transexuel ou l’autre. Cela vit, il se passe des trucs. Ils pourraient tous très bien aller boire des coups sur Mars, mais l’endroit s’est « normalisé », on vient d’y installer un nouveau Starbucks… Ils préfèrent se rendre à cet hôtel un peu déglingué mais qui bouillonne. C’est un peu le lieu de rendez-vous de tous les galactic dudes… »

Ils viennent donc écouter Cibelle minauder des mélodies fifties mutantes, reprendre Mango Tree (Ursula Andress dans James Bond contre Dr No) ou It’s Not Easy Being Green (la chanson de Kermit du Muppet show). Lightworks aussi, morceau multisamplé par les rappeurs (J Dilla notamment), et oeuvre de l’inventeur fou Raymond Scott. Précurseur de l’électronique, Scott est aussi considéré comme un des papes du courant exotica, cette fantaisie pseudo exotique,  » polyniaiseries  » toujours un poil kitsch. Ce qui convient parfaitement à Cibelle: « J’avais envie de créer une ode à tout ce qui est vu comme laid ou kitsch en effet. Le fait est que tout aujourd’hui doit être cool. C’est terrible. Du coup, j’ai parfois l’impression que toutes les musiques autour de moi s’embourgeoisent, elles manquent de jus. C’est pour cela que j’adore écouter des trucs comme du surf rock thaï, du disco indien, ou du hip hop turc… Décalés peut-être mais qui ont quelque chose de très pur. Je vois bien à Londres où je vis, c’est la même chose. Avant, un quartier comme Brick Lane était très vivant, aujourd’hui il est en pleine gentryfication. Et ça m’ennuie.  » Ce qui ne risque pas trop d’arriver à ceux qui iront boire un coup au Las Venus Palace Resort Hotel…

Arnaud Fleurent-Didier

En début d’année, Arnaud Fleurent-Didier -35 ans, dont 15 de carrière discographique- affolait enfin une certaine presse hexagonale avec La Reproduction, son nouvel album, le premier signé sur une major (Sony). Un grand disque générationnel, ample, ambitieux, chanté dans la langue de Voltaire, et sur lequel il convoque aussi bien les fantômes d’une chanson française racée (Gainsbourg, Vassiliu) que quelques imposantes figures tutélaires portées sur les copieuses orchestrations (Barry, Morricone, Legrand). Y travaillant, le temps d’une poignée de classiques instantanés (France Culture, notamment), des questions d’héritage et de filiation, avec l’humour acide et la faconde désenchantée qui sont les siens. Rencontre.

A l’écoute de La Reproduction, enregistré seul, minutieusement, à la maison, on imagine parfois difficilement ce que peut donner ta musique sur scène…

Je viens du pop-rock et j’essaie vraiment de retrouver cette dynamique-là en concert. J’ai donc constitué un groupe, hyper sexy, avec 2 filles magnifiques dedans (sourire). Comme on ne peut pas reproduire les arrangements du disque tels quels, j’ai en quelque sorte refait un autre disque, d’autres versions, d’autres arrangements, qu’on joue en s’accompagnant de plein de claviers parce que j’aime beaucoup ça. Il y a donc un vrai travail de recréation. En un sens, le concert aussi pourrait s’appeler La Reproduction. On tourne autour des grands thèmes du disque, on étire les morceaux, il y a des projections. L’idée n’est pas de trahir les chansons de base mais d’offrir une nouvelle manière de les appréhender. C’est quelque chose de très excitant.

Avec tes références musicales assez rétro, tu te situes comment sur la scène française d’aujourd’hui?

A partir du moment où s’est concrétisée l’envie de travailler le thème de la reproduction sur le disque, je suis aussi parti sur cette idée de reproduire le son que j’ai dans les gènes, dans les veines, c’est-à-dire les sons de basse, les envolées de cordes, les choeurs, des choses comme ça. Et donc, oui, si un de mes disques évoque la musique des seventies, la décennie où je suis né, c’est bien celui-là. C’est assumé. Mais après je pense qu’on a tous plus ou moins les mêmes influences sur la scène française. Par exemple Bénabar, il doit adorer… je sais pas moi… Lucio Battisti (rires). Bizarrement, d’une manière générale, les Français dont je me sens le plus proche ce sont ceux qui chantent en anglais, comme Phoenix. Dans la chanson française, depuis La Fossette (le premier album de Dominique A en 1993, ndlr), je n’ai pas vraiment eu de choc significatif.

Ton disque a beaucoup enthousiasmé les critiques mais, d’un autre côté, tu as conscience que tu agaces aussi, parfois profondément?

Oui, c’est très tranché. Et ca m’ennuie. On me reproche d’être bobo: eh bien, oui, sans doute, je suis bobo. On trouve que ce que je fais est trop parisien: je vis à Paris, je vais au Quick Place Clichy. Qu’est-ce que ça veut dire?

Black Lips

Ca sent déjà la bière, la sueur et le rock’n’roll dans les verts couloirs du Botanique. Lancez le Vigipirate belge. Ces bandits de Black Lips et de King Khan s’apprêtent à prendre l’Orangerie en otage. Ce n’est pas 2 mais 3 concerts que les  » flower  » punks de Géorgie et le timbré de service canadien proposent sur la même soirée pendant les Nuits. Sans doute la plus dépravée d’ailleurs. Car dans le lot, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Quand les Lèvres noires se font chasser d’Inde par les flics pour s’être désapé au Sir Mutha Venkata Subbarao Concert Hall (ça c’est un nom de salle), leur pote et sa manager au permis de conduire périmé se font arrêter et poursuivre en justice pour possession de drogues. Piqûre de rappel. King Khan traîne sa carcasse dans le milieu depuis 15 ans et rend hommage avec son pote BBQ au punk, au blues et à un tas d’ancêtres indiens. Rejetons des 13th Floor Elevators, des Sonics et de tous ces garage bands sixties, les Lips, eux, sont sans doute l’un des seuls groupes dans lesquels on se verrait bien jouer. Juste parce qu’on serait content d’entendre tous les jours ces putains de chansons qui filent une niaque d’enfer et un sourire franchement niais. Bref. Après leur set respectif, pour s’assurer de nous laisser sur les genoux, les trouble-fête mettront le souk ensemble, sur scène, avec leur supergroupe All Mighty Defenders et un album enregistré en une semaine à Berlin. Allez, venez. Promis ça fait pas mal.

Roy Harper

De l’album Stormcock de Roy Harper sorti en 1971, Johnny Marr a dit qu’il était  » intense, beau et intelligent « . Ces compliments du guitariste des Smiths, Joanna Newsom -tête d’affiche au Cirque Royal de la soirée avec Harper- les a personnellement intégrés dans l’enregistrement de son propre Ys. Elle reconnaît avoir été influencée par la qualité intrinsèque de Stormcock, la sophistication hypnotique de ses 4 morceaux qui pointent jusqu’à 13 minutes et les arrangements orchestraux signés par David Bedford. Ce coup de coeur amène en septembre 2007 la prodige californienne à inviter Harper en première partie de son concert au Royal Albert Hall: il y joue l’intégralité de Stormcock. Scellant ainsi une forme de transmission folk, même si ce mot paraît ici réducteur. Né en 1941 près de Manchester, le guitariste-chanteur ne va cesser d’expérimenter la 6 cordes, établissant dès son premier album, Sophisticated Beggar, sorti en 1967, un style audacieux, à la fois cinglant et narratif, techniquement très maîtrisé. Jimmy Page devient fan, lui rendant hommage sur Led Zeppelin III (Hat’s Off To (Roy) Harper) et jouant à de multiples reprises sur ses disques. Harper a placé plusieurs de ses albums dans le Top 20 anglais et séduit d’autres stars, comme Kate Bush avec laquelle il duettise en 1980. Cinq ans auparavant, il était vocaliste d’Have A Cigar, chanson violemment anti-business incluse sur le Wish You Were Here du Floyd. Position intégralement conforme à un non-conformisme viscéral…

Rusko

Le Bota y va aussi de sa soirée dubstep. Il aurait tort de se priver: le genre aux infrabasses menaçantes ne cesse de cartonner. La grande foule devrait donc se presser, le programme du soir ne manquant pas d’allure. Du lourd même avec en tête d’affiche Rusko, l’un des pontes en la matière. Il sera précédé du camarade Bunzero, de DJ Hatcha (pionnier, il a mixé la compil’ de référence Dubstep Allstars Vol: 1), et enfin Wiley, l’une des principales figures du grime, duquel le dubstep tire une partie de ses racines.

Speech Debelle

Après pas mal de galères, la Londonienne Speech Debelle, alias Corynne Elliot, sortait l’an dernier son premier album, Speech Therapy. Un disque de hip hop acoustique, sorte de croisement touchant entre Tracy Chapman et Monie Love, qui remportera le prestigieux Mercury Prize. Un prix qui aurait dû faire décoller la carrière de la jeune femme. Las, les ventes sont restées limitées, tandis que les échos de ses premières prestations scéniques se sont révélés très mitigés. L’heure de la revanche?

Laurent Hoebrechts, Philippe Cornet, Nicolas Clément & Julien Broquet

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