Notre dernière interview avec Brian Wilson: «Je veux qu’on se souvienne de moi comme d’un bon gars qui a fait de la musique fantastique»

Brian Wilson est décédé ce 11 juin, à 82 ans. © Getty Images
FocusVif.be Rédaction en ligne

Brian Wilson est décédé ce 11 juin, à l’âge de 82 ans. Voici une interview du légendaire Beach Boy, réalisée en 2008 à l’occasion de la sortie de son album That Lucky Old Sun.

En prenant un peu de recul, la formule semble incroyablement simple: avec les Beach Boys, Brian Wilson a combiné son amour pour le pionnier du rock ‘n’ roll Chuck Berry et pour le groupe vocal The Four Freshmen, représentatif du style Barbershop. Avec pour résultat des classiques pop comme Surfin’ USA, I Get Around, God Only Knows et Good Vibrations, tous imprégnés d’harmonies serrées et d’arrangements presque symphoniques. Mais la vie du Beach Boy n’a pas toujours été fun. Brian Wilson a été manipulé et conditionné pendant des années -d’abord par son père Murry, puis par le «thérapeute» et escroc Eugene Landy, qui lui a également prescrit des médicaments inappropriés-, développant ainsi un trouble schizo-affectif qui l’a transformé en schizophrène paranoïde, maniaco-dépressif et légèrement psychotique.

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Grâce à un régime strict d’antidépresseurs, Brian Wilson, alors âgé de 66 ans, est parvenu à continuer à produire des albums, comme le tout nouveau That Lucky Old Sun. Mais il reste un homme distrait, qui entend encore des voix dans sa tête.

Votre nouvel album sort cette semaine. Est-ce que cela vous rend encore nerveux?

Brian Wilson: Absolument ! Je suis un être humain, après tout. Même si certains ne sont pas d’accord avec ça (rires).

De quoi parle exactement That Lucky Old Sun pour vous?

Brian Wilson: C’est une autobiographie musicale. Très introspective aussi.

La chanson-titre a été reprise par de nombreux musiciens, de Louis Armstrong à Ray Charles en passant par Frank Sinatra et Johnny Cash. Quelle est votre version préférée?

Brian Wilson: La mienne, bien sûr (rires). Non, celle de Louis Armstrong est remarquable. C’est d’ailleurs son interprétation qui m’a inspiré pour ce disque. J’ai acquis les droits pour pouvoir faire ma propre version.

Ce nouvel album sort chez Capitol Records, le label qui a publié les disques des Beach Boys dans les années 1960. Ils ont fait beaucoup de publicité autour de votre retour. Il paraît que cela vous a un peu dérangé.

Brian Wilson: Non, j’étais très heureux de retravailler avec Capitol après 46 ans. Mais la conférence de presse qu’ils ont organisée m’a mis mal à l’aise. Trop de monde! Et des caméras! À un moment donné, je n’arrivais même plus à respirer, c’était tellement bondé.

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Que vous rappelle l’immeuble iconique de Capitol ?

Brian Wilson: Surfin’ Safari. Et Surfin’ USA, bien sûr.

Votre nouvel album a été décrit comme «une lettre d’amour musicale à la Californie». Vous êtes d’accord avec cette formule?

Brian Wilson : Jolie formule! Parce que c’est exactement ça: un hommage, une déclaration d’amour à la Californie et –surtout– à Los Angeles. Je voulais que ce disque évoque des images lumineuses de la vie sur la côte Ouest.

Il paraît que vous n’avez jamais habité à plus de 30 kilomètres de votre ville natale. Qu’est-ce qui vous lie autant à Los Angeles?

Brian Wilson: Les restaurants!

Et…?

Brian Wilson: Comment ça, «et»?

Il n’y a pas d’autres raisons que les restaurants?

Brian Wilson: Euh… La plage, peut-être. La musique. Les studios d’enregistrement. Les voitures. Et les filles. Ooh yeah, I like California girls. J’ai même écrit une chanson là-dessus, si je ne me trompe pas. Ou bien c’était les Beatles?

Est-ce vrai que vous avez enregistré des morceaux de SMiLE dans une piscine vide?

Brian Wilson: C’est une histoire vraie, oui. Demandez à mon manager. L’acoustique était fantastique! Heureusement que la piscine était vide, sinon, on se serait fait électrocuter avec toute cette eau.

Avez-vous aussi enregistré dans des endroits insolites pour ce nouvel album?

Brian Wilson: Pas que je me souvienne. Mais vous pouvez aussi demander ça à mon manager.

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Vous avez à nouveau collaboré avec Van Dyke Parks sur cet album. Comment s’est réparti le travail?

Brian Wilson: Il a écrit les textes des spoken words sur l’album. Et pour Live and Let Die. Non, attendez, ça c’est une chanson de John Lennon. Live and Not Live, je voulais dire.

Vous voulez dire Live Let Live?

Brian Wilson: C’est bien ce que j’ai dit!

Et donc, comment s’est passée votre collaboration?

Brian Wilson: Je lui disais ce qu’il devait écrire, et il écrivait. Il devait capturer en mots le battement de cœur de L.A. Et il l’a bien fait: je n’ai rien eu à changer. C’est quelqu’un de brillant.

Une phrase dans le morceau Goin’ Home m’a marqué: «At 25 I turned out the light / ‘Cause I couldn’t handle the glare in my tired eyes.»

Brian Wilson: Cette phrase vient en fait de Scott (Bennett), un gars de mon groupe. Elle parle de sa vie.

Mais vous aussi, vous aviez 25 ans quand vous avez sombré.

Brian Wilson: C’est vrai. Scott a écrit ce texte pour mon album, donc il pensait probablement aussi à moi. J’ai tenté de surmonter ma chute avec de la drogue, mais… ça ne s’est pas bien terminé! Tous ces trips ont saccagé ma vie, et surtout mon esprit. Promettez-moi une chose, young man: ne touchez jamais à la drogue. Elle détruit tout ce que vous aimez!

Vous allez mieux qu’il y a quinze ans, mais une ombre semble toujours vous poursuivre.

Brian Wilson (sur l’air de Yesterday) : Suddenly, there’s a shadow hanging over me, I’m not half the man I used to be… Les années 1960: man, those were exciting times. La créativité flottait dans l’air. Mais ce n’était pas facile de garder la tête froide, avec toutes les drogues qu’on vous tendait. Parfois, je me dis: Était-ce si difficile, Brian, de simplement dire non?

«Je pense que Love You est le meilleur album des Beach Boys, et SMiLE ma meilleure œuvre solo.»

N’est-ce pas ironique que quelqu’un qui a envoyé autant de good vibrations dans le monde ait dû lutter contre autant de bad vibrations.

Brian Wilson: Bad vibrations are bad, man! Je suis content d’avoir pu donner aux gens des good vibrations. Ça me rend heureux, moi aussi.

Qu’est-ce qui vous rend encore heureux aujourd’hui?

Brian Wilson: Jouer du piano. J’en joue tous les jours. Je joue mes chansons, mais aussi celles de Phil Spector et des Beatles. The Long and Winding Road, Let It Be, ce genre de choses. Vous savez ce que je trouve aussi très beau? Midnight’s Another Day. Elle est sur mon nouvel album. Écoutez-la, it’s a beautiful tune.

Vos chansons naissent-elles toutes au piano?

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Brian Wilson: Toutes. Je m’assieds au piano jusqu’à ce que mon cerveau produise une mélodie. Tout vient du cerveau de Brian.

L’an dernier, on a fêté les 40 ans de Pet Sounds, considéré comme le chef-d’œuvre absolu des Beach Boys. Vous êtes d’accord?

Brian Wilson: C’est un bon disque, oui. Mais je pense que Love You est le meilleur album des Beach Boys, et SMiLE ma meilleure œuvre solo.

On a beaucoup écrit sur les interactions entre les Beatles et les Beach Boys dans les années 1960. Leur Rubber Soul vous aurait inspiré Pet Sounds, qui à son tour aurait été le modèle à battre pour les Beatles avec Sgt. Pepper’s. Était-ce une influence concrète?

Brian Wilson: Oh, très concrète. Paul McCartney m’a un jour appelé pour me dire combien il aimait Pet Sounds. Un immense compliment, car Paul est un grand monsieur. Il a dit: «Et maintenant, on va vous bottez les fesses!» Alors j’ai dit: Allez-y, essayez!

Et que vous est-il venu à l’esprit en découvrant Sgt. Pepper’s?

Brian Wilson : Pas mal… mais Pet Sounds est meilleur (rires).

Que faites-vous quand vous n’enregistrez pas et que vous n’êtes pas en tournée?

Brian Wilson: Je joue du piano. Je fais du fitness. Je vais à la plage. Je vais au cinéma avec mes petits-enfants. Et je marche. Je marche beaucoup, environ sept kilomètres par jour. C’est bon pour les jambes et pour la tête. Presque chaque jour, je rentre à la maison avec une nouvelle chanson dans la tête.

Vous êtes sourd de l’oreille droite. Commet arrivez-vous à écrire et arranger des harmonies serrées aussi complexes avec une écoute quasi monophonique?

Brian Wilson : Vous voulez que que je vous dise, young man? Je ne sais même pas à quoi ressemble le son en stéréo. Vraiment. Quand je fais de la musique, je ne sais pas comment vous allez l’entendre. C’est peut-être ça, mon grand secret. Il faudrait plus de sourds! Ou de demi-sourds (rires).

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Il y a trois ans, vous avez récolté des fonds pour les victimes de l’ouragan Katrina. Ceux qui faisaient un don de plus de 100 dollars recevaient un appel personnel de votre part. Combien de personnes avez-vous appelées?

Brian Wilson : Cinq cents! J’étais presque sourd de l’autre oreille aussi (rires). Et ce qu’ils m’ont demandé! Des questions bizarres aussi, vraiment bizarres.

Vous travaillez déjà à un nouvel album?

Brian Wilson: Oui, un concept album. Je ne sais pas encore quel genre de disque ce sera, j’ai juste un titre. Paradise Island: A Rock Fantasy (on entend un murmure en arrière-plan). Je crois que je dois raccrocher.

Une dernière question: comment aimeriez-vous qu’on se souvienne de vous?

Brian Wilson: Comme d’un bon gars qui a fait de la musique fantastique. Túú-úút

Je crois que vous n’avez pas vraiment raccroché.

Brian Wilson: Désolé, c’était juste une blague. Ça fait toujours flipper les gens (rires) Bye bye now, and take care!

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