Critique | Musique

Nos albums de la semaine: Graham Candy, Emily Loizeau…

Graham Candy © DR
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Il y a de la pop, du jazz, du rock dans notre sélection d’albums de la semaine. Avec Roy Nathanson, Emily Loizeau, Trust Punks et Graham Candy.

Graham Candy « Plan A »

POP. DISTRIBUÉ PAR PIAS. ***(*)

En 2013, le Néo-Zélandais Graham Candy, 22 ans, choisit Berlin pour faire carrière: histoire, sans doute, de faire vivre son patronyme sucré en dehors de l’indie anglo-américain. Associé au DJ berlinois Alle Farben puis à l’Autrichien Parov Stelar, Candy réalise deux tubes, respectivement de dance schlager et d’électropop candide. Où la voix suraiguë relève davantage du genre féminin que du porteur de cojones. Collaborations qui n’ont rien d’inoubliable, contrairement à Home, première chanson de Plan A, un coeur d’artichaut plongé dans des vinaigres de tristesse par le fameux timbre mâle-femelle précité. Entre les paradis perdus de Jimmy Scott et le larynx hélium de Pavlov’s Dog, quelque chose se passe en Nouvelle-Zélande immigrée. Ce trouble vocal d’ouverture accordé à quelques accords mineurs de piano se dissout ensuite dans des morceaux dont la version dansante est la moins intéressante (Glowing in the Dark). En fait, le disque de ce Mika des Antipodes -croisé avec un morceau de Berlin- est intéressant quand Graham laisse remonter les grumeaux à la surface: le tempo freak-reggae de My Wellington ou ce Paid a Nickel que pourrait chanter Eels un jour de très bonne humeur, l’apport récurrent du gospel faisant passer toute la suavité. Graham est talentueux, mais il serait avisé, la prochaine fois, de prendre un Steve Albini ou tout autre zélote dégraissé pour produire les chansons avec moins de pathos musical. Rayon mélo, la voix suffit.

Roy Nathanson « Nearness and You »

JAZZ. CLEAN FEED CF365CD (INSTANTJAZZ.COM) ***(*)

Co-fondateur des Jazz Passengers à la fin des années 90, Roy Nathanson (alto, ténor, baryton, voix) fut l’autre saxophoniste des Lounge Lizards. Nearness and You contient treize duos et un trio, tous captés live pendant six soirées consécutives au Stone à New York, en 2015. Se succèdent aux côtés du leader les pianistes Chico O’Farril, Anthony Coleman, Myra Melford, les trombonistes Lucy Hollier et son vieux complice Curtis Fowlkes, ainsi que le guitariste Marc Ribot. Mélangeant improvisations et compositions (Ida Lupino de Carla Bley, différentes variations sur The Nearness of You, deux titres d’Hollier), le disque est construit comme une suite dont le caractère et l’humeur, malgré l’humour sous-jacent, changent au gré des participants.

Emily Loizeau « Mona »

POP. DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL. ***(*)

LE 08/10 À L’AERONEF (LILLE) AVEC NICOLAS MICHAUX.

Avant de devenir un disque, Mona, le dernier Emily Loizeau, était un spectacle de théâtre musical. L’histoire d’un bébé né à 73 ans qui se noie en buvant trop d’eau et celle d’un marin futur papa qui part à la guerre et survit à un naufrage. Mis en sons par Renaud Letang, Mona parle en anglais et en français de folie, de transmission, de maternité avec poésie et délicatesse. Une sensibilité d’autant plus touchante qu’elle est autobiographique. La Française y fait écho à sa mère dont elle a dû trop tôt prendre soin (elle est décédée il y a quelques mois) et au parcours incroyable de son grand-père. Un disque plutôt magique aux relents « cocorosiens » qu’il faut apprivoiser pour qu’il dévoile tous ses secrets.

Trust Punks « Double Bind »

ROCK. DISTRIBUÉ PAR WHARF CAT/FAUX DISCX/SPUNK. ***(*)

C’est pas parce qu’on n’a rien dire qu’il faut fermer sa gueule, certes. Mais quitte à gueuler, autant avoir des choses à raconter. Les Néo-Zélandais de Trust Punks, qui ont désormais plus d’atomes crochus avec la scène post-punk britannique qu’avec l’indie pop au pays du Kiwi (The Clean, The Chills et compagnie), balancent avec Double Bind un deuxième album sombre et nerveux qui regarde le monde en face avec pessimisme et ironie. Paradise/angel-wire se termine sur un agent du gouvernement australien demandant aux réfugiés en détresse de rentrer chez eux. Good Luck With That tacle le concept de »complexe industriel carcéral ». Ça change des chagrins d’amour et des soucis ballots de plus ou moins grands adolescents…

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