Critique | Musique

Nos albums de la semaine: Cassius, Sam Coomes, ScHoolboy Q…

Cassius © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Dix ans après son dernier album, Cassius revient avec une collection pop aux couleurs chatoyantes, dance décomplexée qui ne se prend jamais au sérieux. On vous parle également des albums de Sam Coomes, Pill, The Parrots, Mild High Club, Rae Sremmurd, Roosevelt et ScHoolboy Q.

Cassisu – « Ibifornia »

DISTRIBUÉ PAR WARNER. ***(*)

Ils ont à nouveau réussi leur coup! Cassius a beau ne pas sortir souvent d’album (trois depuis 1999, en…1999), à chaque fois, le duo français parvient à pondre la petite bombinette dance qui va relancer l’intérêt. Il suffit souvent de pas grand-chose: un gimmick qui tue, un groove qui dégouline. Mais la cible pop est immanquablement atteinte, le dance-floor foudroyé en plein coeur. Cette fois-ci, il s’agit du single Action, sur lequel viennent se greffer les voix de Chan Marshall (Cat Power) et Mike D (Beastie Boys). La première écoute accroche immanquablement l’oreille. Une deuxième, et vous voilà pris dans les filets du morceau, à la fois hypercatchy et ultrafrais. Cassius, c’est plus fort que toi…

Il faut dire qu’avant même leur premier tube maousse costaud (Cassius 1999), Philippe Zdar et Boom Bass (Philippe Cerboneschi et Hubert Blanc-Francard, dans le civil) pouvaient déjà revendiquer de solides faits d’armes. Comme par exemple la participation, en tant que producteurs, aux premiers albums de MC Solaar. Ou encore, dans le fait de Zdar, l’album Pan Soul, pierre angulaire de la « classic » French Touch (sorti sous le nom de Motorbass, en duo avec Etienne de Crécy). Dans la foulée, il y a encore eu La Funk Mob, premier véritable projet commun, alors en mode encore relativement downtempo, mais dont le nom seul disait déjà les obsessions maison pour les beats juteux.

Dix ans (!) après 15 Again (et la scie Toop Toop), Cassius revient donc aujourd’hui avec Ibifornia. Le titre tient lieu de déclaration d’intention. Contraction d’Ibiza et de California, le disque entend convoquer l’exubérance festive de la première et le cool solaire de la seconde.

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Le programme est suivi à la lettre. Feel Like Me est une ballade de front de mer, aux choeurs euphorisants, tandis que The Sound of Love débute comme un slow crapuleux avant d’activer la pompe dance. De son côté, The Missing a le refrain bubblegum, comme tout droit sorti d’une compilation Discover Bastos. Plus loin, Love Parade lorgne encore du côté de la disco, là où Go Up peut compter sur la caution du serial tubeur, Pharrell Williams. En fait, il ne manque plus que Nile Rodgers pour rééditer le coup à la Get Lucky. Par son parti pris « disco-dance-house organique », Ibifornia ne manque d’ailleurs pas de rappeler le dernier album de Daft Punk (Random Access Memories). Là où le binôme casqué passe cependant pour des geeks ultraperfectionnistes, la paire Cassius joue davantage la décontraction et le second degré rigolard.

Le morceau Ibifornia, par exemple, long de près de neuf minutes, est peuplé de perroquets et autres animaux de la jungle tropicale. « Ibifornia is a place where the sun is high, and the horses run free », annonce une voix trop grave pour être réellement prise au sérieux. Disque pop-dance décomplexé et chatoyant, Ibifornia s’en tient ainsi, malgré son casting international, à son ambition de départ: celle de ne pas trop en avoir. (L.H.)

Sam Coomes – « Bugger Me »

DISTRIBUÉ PAR DOMINO. ***(*)

Croisé aux côtés d’Elliott Smith, de Built To Spill ou encore des Go-Betweens, Sam Coomes est depuis 1993 la moitié de Quasi. Duo américain qu’il emmène avec son ex-femme, la batteuse Janet Weiss (Sleater-Kinney, Wild Flag, Stephen Malkmus and The Jicks). Le mec de Portland qui, à ses heures perdues, met en musique des films underground et des installations artistiques, signe avec Bugger Me un premier album solo aussi convaincant que déroutant. « Suicide meets The Beach Boys. Mais pas les Beach Boys sophistiqués de Pet Sounds, garantit-il. Définitivement plus ceux de Surfer Girl. » Accompagné de son orgue et de Conny, une boîte à rythmes non programmable du milieu des années 60, Coomes, 52 ans, réussit un disque de pop tordue qui a le charme étrange des Super Furry Animals et des Flaming Lips (Shined It On/Lobotomy Eggs). Un album de rock pratiquement sans guitare. Un trip de crooner drogué flottant dans l’espace ou perdu dans un Stanley Kubrick (Cruisin Thru/Just Like The Rest). Le fraîchement regretté Alan Vega se promène sur la plage. Brian Wilson s’enferme dans une cave… Bienvenue dans la quatrième dimension. « Si King Kong signifie pour vous Willis O’Brien plus que Dino De Laurentiis et Peter Jackson, vous avez probablement une idée d’où je vais », raconte Coomes dans la bio de son disque. Bugger Me et ses synthés bizarroïdes de science-fiction vous emmèneront loin. Partez avec vos lunettes de soleil à la conquête de l’espace… (J.B.)

Pill – « Convenience »

DISTRIBUÉ PAR MEXICAN SUMMER. ***(*)

LE 14/10 À L’ORANGERIE AVEC PARQUET COURTS.

Avec Wall, c’est l’un des groupes de rock new-yorkais les plus excitants du moment. Et à chaque fois, les mecs de Parquet Courts sont dans les parages. Austin Brown a produit le premier EP des uns. Andrew Savage a sorti sur son label le premier EP des autres. Les autres ou Pill, donc. Quatuor qui a plus à voir avec les Liars, la scène expérimentale et noise qu’avec les Strokes, Interpol et Vampire Weekend. Disque radical de no wave post punk parsemé de solos de saxophone et d’instruments qui crissent, Convenience a la noirceur, l’anxiété et les tourments de son époque. Avec tempérament et virulence mais non sans humour, Pill chante son corps et son combat, son homosexualité et sa décision de donner la vie, sur des ambiances tendues, libres et saccadées à la James Chance/Lydia Lunch. Take a pill… (J.B.)

The Parrots – « Los Ninos Sin Miedo »

DISTRIBUÉ PAR PIAS. ***(*)

Dans la famille Black Lips ibériques, on avait déjà depuis quelques années les Barcelonais de Mujeres. Voilà maintenant que débarquent les Madrilènes de The Parrots. Premier album plus souvent chanté en anglais qu’en espagnol des trois jeunes garagistes, Los Ninos Sin Miedo flirte avec les Strange Boys et Shannon and The Clams, suinte leur amour des 13th Floor Elevator, de Jonathan Richman et des compilations sixties, psychédéliques ou pas. Son cracra, voix éraillée, mélodies à gueuler sous la douche en se levant avec une gueule de bois… Bien plus convaincant que le disque des Hinds (produit par le chanteur de nos Perroquets), Los Ninos Sin Miedo sent la bière et la Tequila. Santé. (J.B.)

Mild High Club – « Skiptracing »

DISTRIBUÉ PAR STONES THROW. ***(*)

Chicagoan installé à Los Angeles, Alexander Brettin promène ses talents, sa grosse tignasse et sa belle moustache depuis quelques années sur les disques d’Ariel Pink (Pom Pom), de Silk Rhodes et de Salvia Plath. Skiptracing, le deuxième album de son Mild High Club, baigne dans la vague soft pop lo-fi, le rock détendu du slip d’un Mac DeMarco ou d’un Connan Mockasin. Flûtiste de vocation, jazzman de formation, Brettin convie à des voyages à dos de coccinelle et d’escargot dans des paysages psychédéliques de dessins animés. Skiptracing est un disque au groove brumeux, à la coule mais pas paresseux, signé par un type qui revendique les influences de Steely Dan, Cassavetes et Supertramp. Take it easy bro… (J.B.)

Rae Sremmurd – « SremmLife 2 »

DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL. ***

Avec No Flex Zone (et No Type), sortis en 2014, le duo de frangins Rae Sremmurd livrait deux tubes de teenage trap aussi simples qu’irrésistibles. Aperçus plus tard au festival des Ardentes, les gamins (à peine 20 ans pour le plus âgé des deux frères Brown) avaient même montré une belle énergie scénique, tranchant en cela avec nombre de leurs collègues. De là à parier sur une carrière… Avec leur second album, tout juste paru, les deux rappeurs de Tupelo (Mississippi) démontrent pourtant qu’ils ne sont pas que des one (two) hit wonders. Un peu moins foufou, plus diversifié, SremmLife 2 prend le temps de se poser, sans pour autant négliger la mission fun des débuts. (L.H.)

Roosevelt – « Roosevelt »

DISTRIBUÉ PAR GRECO-ROMAN/CITY SLANG. ***

Derrière le pseudo de Roosevelt se cache le producteur allemand Marius Lauber (Cologne, 1990). Il sort ici son tout premier album, qui confirme la proposition dessinée par ses premiers singles. Soit un mélange d’électronique chaleureuse et d’instananéité pop (Heart). Un mix rêveur qui lorgne également souvent du côté de la sentimentalité house balearic (Colours) ou de la synth-pop eighties. L’exercice de style n’est évidemment jamais très loin. En soignant les mélodies et en ne donnant jamais l’impression de forcer le trait, Roosevelt réussit pourtant à tenir en haleine. Sans renouveler la boule à facettes, mais en la faisant joliment miroiter. (L.H.)

ScHoolboy Q – « Blank Face LP »

DISTRIBUÉ PAR TDE. ****

Camarade de « chambrée » de Kendrick Lamar (au sein de Black Hippy), ScHoolboy Q a lui aussi grandi à Los Angeles, du côté de South Central. La dope, la guerre des gangs… Toute cette réalité du ghetto est présente chez l’un comme chez l’autre. La manière de la traiter est cependant différente. Là où le premier entend prendre de la hauteur, ScHoolboy Q reste collé au bitume. Oxymoron, son premier album « officiel », ne disait pas autre chose. Avec sa liste d’invités conséquente (de Vince Staples à Kanye West), le nouveau Blank Face enfonce le clou, disque de hip hop sombre, aux productions aussi malignes que vicieuses (Big Body), n’oubliant jamais de rester groovy (Kno Ya Wrong). (L.H.)

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