Norah Jones revient avec Visions (interview exclusive)

© Joelle Grace Taylor
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sur Visions, son nouvel album, Norah Jones collabore avec le producteur Leon Michels pour donner une vibration plus soul à sa musique et gagner en spontanéité. Sans renier ses fondamentaux pop adulte.

Norah Jones ne reste jamais longtemps sans rien faire. Entre l’album Pick Me Up Off The Floor (2020) et son nouvel album Visions, elle a par exemple trouvé le temps de lancer un podcast.Vous l’avez écouté? À chaque émission, je discute avec un invité différent. Mais c’est surtout un prétexte pour jouer ensemble.” Sont déjà passés devant son micro Mavis Staples, Dave Grohl, Questlove, The National. Ou, encore, dans l’un des derniers épisodes, Laufey. À 24 ans, la chanteuse islandaise est un peu le ticket jazz du moment, avec son songwriting rassurant, capable de toucher jusqu’à la Gen Z, via ses millions d’abonnés sur TikTok. Lors de la dernière cérémonie des Grammys, elle est même repartie avec le trophée du “best traditional pop vocal album”. Une hype qui va grandissant, et qui en rappelle forcément une autre: Norah Jones a-t-elle vu dans la trajectoire ascendante de Laufey comme un miroir de la sienne? Toutes proportions gardées évidemment.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

En 2002, Jones réalisait un carton planétaire avec Come Away with Me. Un premier album dont les chansons cocoon, au jazz velouté, ont pu agir comme un baume rassurant, quelques mois après le 11 septembre. Vingt-sept millions d’exemplaires vendus dans le monde, huit Grammys: un vrai raz-de-marée qui deviendra aussi un fardeau pour la jeune femme, alors âgée de 23 ans, emportée dans le tourbillon. Par la suite, elle consacrera pas mal d’énergie, sinon à renier ce premier succès, en tout cas à le tenir à distance.

Chez Leon

Sept disques plus tard, au moment de sortir Visions, il reste toujours un peu l’éléphant dans la pièce. Mais entre-temps, Norah Jones a fait la paix avec son best-seller (qui a même eu droit à sa réédition pour ses 20 ans). L’Américaine a prouvé qu’elle pouvait lui survivre, bâtissant une vraie carrière. Et qu’au lieu de la cloisonner, il pouvait au contraire lui servir de laisser-passer, pour assouvir ses différentes envies. Que ce soit dans sa discographie perso, en multipliant les collaborations -du vétéran Willie Nelson au producteur Danger Mouse en passant par Billie Joe Armstrong (Green Day), ou en se fondant dans des side-projets country comme Puss N Boots ou les Little Willies.

D’une certaine manière, son nouveau Visions en est une nouvelle preuve. Il emmène Jones sur un terrain plus directement soul/r’n’b. L’album est cette fois le fruit d’un “partenariat” avec Leon Michels. Fondateur du label Truth & Soul Records, le New-Yorkais a notamment travaillé avec Lee Fields, Sharon Jones ou joué avec Charles Bradley. Mais aussi avec le Wu Tang Clan, les Black Keys ou Lana del Rey. “Mais ce que j’ai surtout écouté, c’est son projet de soul un peu cinématographique, El Michels Affair.

En 2016, Michels posait déjà son saxophone sur le titre Don’t Be Denied (l’album Day Breaks). Il y a trois ans, Norah Jones le rappelle pour lui demander de produire son premier album de Noël, I Dream of Christmas. “Je pensais qu’il pourrait m’aider à en faire quelque chose de cool, et éviter le côté souvent cheesy de ce genre d’exercice.” Le duo fonctionne parfaitement. Au point que Norah Jones se voit bien prolonger l’alchimie. “On s’est tellement amusés que j’avais envie d’enchaîner de nouvelles sessions. Et voir ce que ça pouvait donner sans cahier des charges précis à remplir.

Lâcher prise

La méthode de travail est on ne peut plus sporadique et spontanée. “On se voyait peut-être une fois par semaine, juste à deux, pendant 3-4 heures. Et on lançait des idées en l’air, jusqu’à ce que l’une d’entre elles reste collée au plafond (rires). Sur certains morceaux, un band est venu compléter. Mais pour l’essentiel, “c’est juste Leon à la batterie, et moi au piano ou à la guitare”.

© National

Dans la présentation de l’album, Norah Jones explique que les mélodies lui sont souvent venues au milieu de la nuit, “dans cet état un peu flottant entre l’éveil et le rêve. Mais ne comptez pas sur elle pour tirer sur le fil du storytelling. L’idée à retenir est de s’autoriser à lâcher prise, et ne pas “surréfléchir”. Ce qui n’est pas complètement anodin de la part d’une artiste qui a souvent donné l’impression de vouloir tout contrôler. Vous pouvez bosser comme une malade, répéter les morceaux autant de fois que vous voulez, si la magie n’est pas là, ça ne sert pas à grand-chose.” Où la musique, comme le rêve, devient donc une sorte d’échappatoire. Une fuite? “Oui, mais qui peut donner aussi des clés pour interpréter la réalité.

Norah Jones chante d’ailleurs malgré tout I’m Awake. Éveillée donc, mais pas forcément “woke”. Du moins pas frontalement: en pleine électorale étasunienne, elle reste prudente. Sur le morceau en question, elle se demande même: “How do you know what’s real?”. “Vous, vous savez?”, taquine-t-elle, pas prête à se laisser enfermer dans une case. Même si on pourra difficilement la soupçonner de sympathies trumpistes.

Norah et la marque Jones

Au fond, comme son premier album (…), Visions offre une sorte de répit dans un moment particulièrement compliqué. Un disque sans prétention, mais pas sans qualités. À l’autre bout de la connexion Zoom, le mot qui revient le plus souvent dans la bouche de Norah Jones est le mot “fun”. Sur All This Time et On My Way, on entend même le chant des oiseaux. “Sur le premier morceau, ce sont des vrais qu’on a captés, alors qu’on travaillait dans le studio de Leon. Mais sur le second, c’est le son d’un jeu vidéo, avec lequel ma fille jouait pendant que j’enregistrais ma voix. On l’a gardé!

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Pour le clip de Staring at the Wall, le premier single, Norah Jones s’est encore contentée d’images de sessions studio, avec Leon Michels. À un moment, on la voit même danser. Danser est un grand mot. Disons que je bouge mon corps… Dans les commentaires YouTube, les internautes en tout cas apprécient. L’un salue la capacité de la chanteuse à varier les genres, tout en gardant son identité. “Rien ne me fait plus plaisir que d’entendre ça.” Un autre se réjouit de la voir “less restrained”, moins retenue.C’est ce qui arrive quand vous prenez de l’âge. Vous devenez plus libre. Si vous avez de la chance…

Norah Jones, Visions ***1/2, distribué par Blue Note.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content