Ne dites plus Nuits sonores mais Abrupt: comment le festival électro bruxellois se réinvente

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Fini les Nuits Sonores! Lancé en 2017, à Bruxelles, le festival de musique électronique laisse place à Abrupt. Au programme, quatre jours de musiques, de débats et d’expérimentations. Explication avec son grand manitou, Dorian Meeùs.

Un festival, ça naît, ça vit, ça grandit. Et parfois, aussi, ça mute. Du 9 au 13 octobre aura lieu la toute première édition du festival Abrupt. Au programme, répartis entre sept lieux différents de Bruxelles, des live électroniques, des DJ sets, des expérimentations, des conférences, des workshop, etc. Un peu comme les Nuits sonores, qui avaient lieu traditionnellement au même moment? Exactement. Pour cause, Abrupt en est le descendant direct, comme une prolongation du festival lancé dans la capitale en 2017.

Pour rappel, cette année-là, l’événement lyonnais -devenu un incontournable du circuit des festivals de musiques électroniques- posait ses platines à Bruxelles. Après quelques tâtonnements, les Nuits sonores à la mode bruxelloises ont fini par trouver leurs marques. Notamment en s’appuyant toujours plus sur la branche locale d’Arty Farty (la structure organisatrice du festival français). Avec Abrupt, celle-ci prend définitivement son envol. Dorian Meeùs, directeur général et artistique de l’asbl belge, explique: « C’était une très belle aventure -on a quand même fait six éditions ensemble. C’est juste qu’à un moment donné, on avait besoin d’ancrer de manière beaucoup plus profonde les racines d’un festival bruxellois. »

Ce virage passe par un désengagement des grands frères français – »Il a pu y avoir de la déception de leur part, mais ils comprennent la démarche ». Et donc aussi par un changement de nom. « Parce que Nuits sonores reste tout de même un terme francophone, qui ne parlait pas forcément aux néerlandophones. Et puis même par rapport au public français qui connaissait le festival à Lyon, et qui venait découvrir sa déclinaison bruxelloise, il y avait souvent une certaine déception. Parce qu’on fonctionne très différemment. Une partie des Nuit sonores françaises s’étend par exemple sur des grandes salles, avec des grosses productions. Ce n’est pas vraiment le cas dans la version belge. Et puis, pour être honnête, cela devenait parfois fatigant de devoir réexpliquer chaque année -que ce soit aux partenaires institutionnels ou même aux artistes-, que le festival n’était pas le bras armé d’un gros groupe français qui avait l’intention de « coloniser » Bruxelles. Mais bien un événement local, co-produit en l’occurrence à 100% par l’asbl et Bozar. »

L’accent sur le live

Même si elle parlait au-delà des frontières, il fallait donc laisser tomber l’ancienne marque. Et en inventer une autre. Ce qui n’est jamais une mince affaire. « On a beaucoup galéré et brainstormé« , avoue Dorian Meeùs. Pour s’arrêter finalement sur Abrupt. Un terme qui a déjà l’avantage de se retrouver tel quel dans au moins trois langues –français, néerlandais, anglais. « Et puis, pour qui veut l’entendre, on y trouve également les lettres BRU de Bruxelles. C’est anecdotique, mais pour un festival qui veut s’enraciner dans la ville, cela rajoutait du sens. » Enfin, il y a évidemment la signification première du terme, avec tout ce qu’il peut connoter de soudain, mais aussi éventuellement de raide et d’escarpé. « On trouvait en effet que le mot traduisait à la fois cette idée d’inattendu, et puis les prises de risque que l’on compte proposer avec le festival, où l’on mise quand même très fort sur les musiques non conventionnelles, l’émergence, l’expérimentation, etc. »

Le changement n’est donc pas que de façade. Certes, les habitués des Nuits sonores bruxelloises ne seront pas complètement déboussolés. Ils retrouveront par exemple les talks et autres conférences, toujours organisés par l’European Lab. Mais Abrupt compte bien appuyer sur certaines nouveautés. « Là où on avait par exemple une dominante des DJ sets, on veut proposer aujourd’hui au moins 50% de concert. Ce qui peut inclure les lives électroniques. Mais au-delà des outils analogiques ou modulaires, il y aura souvent aussi un instrument qui vient soit du « classique » -comme le piano, le violoncelle, l’orgue d’église, etc– ou d’un univers plus rock –comme la guitare électrique. » C’est par exemple le concert de Maxime Denuc à la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule; ou celui de la productrice Laurel Halo, qui troquera les machines pour le piano.

Avec Abrupt, Arty Farty Brussels compte bien également développer la dimension de création visuelle du festival, insiste encore Dorian Meeùs. Pas tout à fait étonnant de la part de celui qui avait créé à l’époque les Garages numériques, avec Le Motel. Un festival autour des arts visuels et des cultures numériques dont on retrouvera donc en partie l’esprit dans le programme d’Abrupt.

Enfin, si Abrupt continuera de circuler dans la ville –de l’AB au Bota, de Bozar aux anciennes casernes d’Ixelles, etc-, il plantera son QG à Reset. Ancien siège bancaire destiné à abriter, dans le futur, les bureaux de la police, le tiers-lieu sera en quelque sorte le centre névralgique d’un festival qui se veut aventureux. « On est tous passionnés de cultures alternatives, de musiques expérimentales, et de performances audiovisuelles. Mais sans tomber dans l’entre-soi. On reste animé par cette envie et cette mission, presque d’intérêt public: comment un festival comme Abrupt peut se rendre utile dans une ville comme Bruxelles »? Quel rôle peut-il y jouer? » Réponse dès le 9 octobre prochain.

Abrupt festival, du 9 au 13/10, à Bruxelles. www.abrupt.brussels

Les bons plans d’Abrupt

Entre clubbing audacieux et expérimentations électroniques, Abrupt a décidé de ne pas choisir. Exemples avec trois rendez-vous clés d’une affiche prometteuse, qui se déploiera de Bozar à Reset, en passant par le C12, le Bota, etc.

Kode9

Label défricheur, pionnier de la mouvance dubstep, Hyperdub fête ses 20 ans. L’occasion d’une soirée spéciale avec son patron, Kode9, qui sera présent à la fois à Bozar, et à Reset, où il sera rejoint notamment par Actress en duo/b2b avec Skee Mask, Alia, Erykah, etc.


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Laurel Halo

A Reset, la productrice expérimentale américaine viendra présenter Atlas, son album le plus récent. Une évasion ambient minimaliste qu’elle interprétera au piano, en compagnie de la violoncelliste Leila Bordeuil. Juste avant, Radio Hito, le projet de Y.-My Zen Nguyen, basée à Bruxelles, complètera le programme planant du soir.


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Marcel Dettmann

Qui a dit qu’Abrupt n’était réservé qu’aux expériences les plus cérébrales ? Le samedi, de 14 à 22h, il s’allie avec le C12 pour investir le USquare, ancien entrepôt des casernes d’Ixelles. Au programme, une big fiesta électro avec Marcel Dettmann, Dasha Rush, Herton et Phanom.


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