Mi-femme, mi-robot: St. Vincent hypnotise l’AB

Annie Clark, alias St. Vincent, dans le clip de Digital Witness. © DR
Lisa Burek
Lisa Burek Stagiaire

St. Vincent n’est pas qu’une chevelure blanche aux pommettes saillantes. Elle est aussi Annie Clark. Androïde, bizarre, fascinante. Et ce lundi 17 février, cette extraterrestre était à l’Ancienne Belgique.

La création est un processus. Parfois soudain, éclatant. Parfois long, endurant. Et ce processus modèle en profondeur certains artistes. Vous savez, ceux qui traversent les tempêtes et les no man’s land avec comme seul bagage l’intime conviction de leur création. Annie Clark, ou St. Vincent, fait sans doute partie de ceux-là.

Belle dans ses gestes, envoutante dans son regard, elle intrigue encore plus qu’elle n’attire. Et pour qui sont ces serpents qui sifflent sur sa tête? Médusa arrive sur scène: choc électrique et visuel, le public se pétrifie. Annie Clark incarne ses compositions. Le corps s’exprime par cette danse contemporaine, robotique, désarticulée. Car la jeune femme, sur scène, n’est plus humaine. Gynoïde obsédante, elle se courbe, s’étire, se courbe encore. Sa peau est lisse, blanche, presque dépigmentée. Ses cheveux gris-blancs en pagaille sur sa tête lui donnent des airs de Cruella. Le machiavélisme est angélique. Autour d’elle, les musiciens se font plus discrets. La bassiste et le claviériste sont tout de noir vêtus. De l’autre côté, le batteur joue la bonne conscience en chemise blanche. Clair-obscur réfléchi. Le podium central se fait le juge de cette étrange bande d’artistes venus d’un autre monde.

Machine infernale

Si ses précédents albums jouissent d’un accueil salvateur et remarqué (Love This Giant en collaboration avec David Byrne ou l’élégant et acéré Stranger Mercy, entre autres), son dernier album attendu pour ce 24 février prochain fait plus de sceptiques. On le dit plus « pop », moins authentique, moins original. A l’écoute, les deux titres déjà disponibles dévoilent un côté très « tubes » que les fans de longue date trouveront surjoué. L’avis est justifié. Digital Witness ou Prince Johnny frustrent: le potentiel est caché par cette chevelure laiteuse et relègue la musique au second plan. Mais on pardonne vite à la belle qui sait nous plonger au coeur de sa folie. Le pantin a coupé ses fils et nous manipule à son tour. Qui regarde qui, à votre avis?

Annie Clark
Annie Clark© DR

Le spectacle s’enchaîne avec l’impatience frétillante de découvrir un nouvel album et l’ivresse bien connue d’entendre ses titres favoris. Rattlesnake ouvre le bal, Digital Witness le suit: le dernier album homonyme de St. Vincent joue sur nos émotions. On s’égare un peu sur ce nouveau terrain. L’inconnu fait peur. L’inconnu magnétise. Annie Clark le rendra hypnotisant. Et le voyage continue dans les contrées déjà explorées. La chanteuse refait ses classiques, une valeur sûre. Surgeon crache cette fameuse guitare saturée. Cheerleader étale sa fausse douceur. La peau succombe aux frissons.

C’est un peu ça, St. Vincent, de l’élégance dans l’étrangeté, de l’attraction dans la répulsion. Et on halète de ces bonds désaxés. La batterie rugit soudainement, et puis se tait. Les sons électroniques déchirent la salle pour s’éteindre en un clin d’oeil. Le contraste est délectable mais peut agacer. L’impulsivité est soudaine, inattendue, édifiante, effrayante. Le public est balloté. Mais, à vrai dire, accepter de voir St. Vincent c’est aussi passer un subtil marché.

Tu nous as fait mal, Annie Annie Annie, mais tu nous as surtout envoyé au ciel.

  • Le nouvel album est à présent en écoute intégrale ici
  • Setlist du concert: Rattlesnake / Digital Witness / Cruel / Birth in Reverse / Regret / Laughing With a Mouth of Blood / I Prefer Your Love / Every Tear Disappears / Surgeon / Cheerleader / Prince Johnny / Black Rainbow / Marrow / Huey Newton / Bring Me Your Loves / Northern Lights / Krokodil
  • Rappel: The Bed / Your Lips Are Red

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