Critique | Musique

Matthew Halsall et The Gondwana Orchestra

Matthew Halsall et sa trompette reviennent avec l'album Into Forever © Simon Hunt
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

L’album Into Forever du trompettiste anglais Matthew Halsall et de son orchestre imaginatif attire un Orient imaginaire dans ses splendeurs à cordes.

Ce qui est chic avec la musique, c’est sa vocation à l’infini. On ne parle pas seulement du nombre illimité de styles cartographiés sur la mappemonde sonore, celle qui amène la découverte d’un musicien anglais jusqu’ici inconnu à nos oreilles. Mais aussi des formes mouvantes, sources d’histoires nouvelles qui rincent sans cesse le marché. Le présent disque vise un compositeur-trompettiste de Manchester, auteur d’une poignée d’albums où il décalait, entre autres, l’image (post-)industrielle de sa ville dans ce qui a été qualifié de « chef-d’oeuvre méditatif » par la presse anglaise (l’album Fletcher Moss Park). Loin du suppositoire new age, la musique de Halsall fait davantage le lien avec les litanies rêveuses et métaphysiques des années 60, celles d’Alice et John Coltrane. Voire des moments où Pharoah Sanders baissait la garde free dans un désir de plénitude. Plus près de nous, les références se nomment Max Richter -électro-classicisme allemand- ou The Cinematic Orchestra pour les collègues anglais.

Nid d’hirondelles

La bonne idée de Halsall est d’avoir invité sur quatre plages du disque la vocaliste Josephine Oniyama, Anglaise aux racines africaines. Sa belle voix s’inscrit dans les compositions avec le prototype d’élégance sensuelle que Massive Attack pratiquait si bien dans les années 90. Un chant au bord de la pamoison mais qui n’en fait pas non plus toute une histoire. Une façon de se fondre dans les violons majestueux et un piano aux dents blanches, truc soyeux qui prend aussi son indépendance. Si 75 % des arrangements de cordes actuels du domaine « pop » louchent vers l’école Debussy/Fauré -Britten dans les cas ambitieux-, le plaisir de Halsall est d’y ajouter un coup de boussole vers l’Asie. Avec des accords pentatoniques ou en tout cas idéaux pour la soupe au nid d’hirondelles (As I Walk, Longshan Temple). Mais la flûte et le koto (instrument japonais à cordes pincées) ne se contentent pas de faire de la figuration: ils élargissent le champ lexical de la musique, comme son imaginaire. Dans The Land of, moment le plus ambitieux du disque, il faut entendre comment les cordes déjà dopées par la flûte se font pousser au cul par la batterie étourdissante de Luke Flowers, musicien emprunté au Cinematic Orchestra. Halsall, à deux reprises seulement à la trompette lead, réussit à faire ce que l’on nommait autre fois « fusion »: sous couvert de synthèse ouvertement mondiale se dévoilent une fraîcheur tonique et un courage d’oublier les frontières, ce qui manque nettement au vrai monde actuel. Et ce n’est pas qu’une vue de l’esprit.

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