Critique | Musique

Manic Street Preachers – Rewind the Film

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ROCK | Les Manic Street Preachers sont au volant d’un onzième disque studio aux palpitations plus tempérées et singulièrement attachantes.

Manic Street Preachers - Rewind the Film

On ne peut pas dire que ce soit notre groupe préféré mais ci et aussi là, le trio gallois de « rock alternatif » ramène des sensations de panache qu’on ne peut ignorer. Notamment des morceaux glorieux électrisant le pathos d’une forme de baroque et décadence seventies, Mott The Hoople par exemple. On pense bien sûr à cette perfection spleen qu’est Motorcycle Emptiness (1992) -l’un des dix morceaux de la décennie- ou à ce segment au titre impossible daté de 1998, If You Tolerate This Your Children Will Be Next. Rajoutez à ce court bouillon un chanteur au prénom châtié rappelant un fameux accidenté de la route -James Dean (Bradfield)- et un bassiste, Richey Edwards, disparu et présumé suicidé en février 1995. Vous obtenez donc un décor préposé à la mythologie, quelque part entre destins hollywoodiens et Angleterre éternellement charbonneuse. Toujours active sur cet album notamment enregistré au fameux Hansa Studio berlinois, là où Bowie fit une paire de chefs-d’oeuvre. L’affaire est cuite à la vapeur, sans cholestérol et aromatisée de parfums qui cherchent l’arrière-nez: comprenez que la grosse artillerie parfois risible des Manic a fait un stage Weight Watchers pour une nouvelle délicatesse qui lui va fort bien.

Motown boeuf à la menthe

Douze chansons et pratiquement autant d’humeurs: peu d’accès aux guitares rageuses -hormis dans 3 Ways To See Despair– et une sonorité brillante, cristalline, irriguée de puissances acoustiques, les cordes n’étant jamais loin. Tout semble juste et inspiré, y compris les mélodies, maniaques oui, abordant les deux thèmes majeurs du disque -enfance et mortalité- sans jamais les brader dans l’outrance. Pour une fois, aussi, les invités ne sont pas seulement là pour augmenter les crédits de pochette mais pour occuper de la place. Leur copine galloise Cate Le Bon, tout comme la jeune Lucy Rose, font impression mais c’est quand même Richard Hawley qui emporte le morceau. Cela se passe sur la plage titulaire, qui débute comme une ballade crépusculaire et se conclut en hymne gaélique triomphant: l’un des moments du disque où James Dean Bradfield -ce nom…- rappelle qu’il est bien l’un des grands chanteurs anglais sur le marché. Si vous achetez la musique au kilo sur le Net, il ne faut manquer ni Show Me The Wonder ni Anthem For A Lost Cause: la première est un délicieux fantasme Motown version boeuf à la menthe, la seconde un semi-tempo arrache-coeur, genre Phil Spector à la mine de Tom Jones, qui donne envie de leur flanquer un dix sur dix. Au moins.

  • Manic Street Preachers, Rewind The Film, distribué par Sony.

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