Les Rolling Stones s’exposent une dernière fois à Groningen

Le groupe photographié par Helmut Newton. © HELMUT NEWTON
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Alors que Mick Jagger vient de fêter ses 80 ans, l’exposition Unzipped consacrée aux Rolling Stones termine son parcours, avec une ultime étape aux Pays-Bas. Jusqu’en janvier prochain, le Groninger Museum célébre le mythe rock (à défaut de le décrypter). Let’s spend the night (at the museum) together…

Le 26 juillet dernier, Mick Jagger fêtait ses 80 ans. Pas mal pour celui qui continue d’incarner une certaine idée du rock, musique créée par et pour la jeunesse. Épatant même, quand on connaît le parcours à tout le moins chaotique de son groupe, les Rolling Stones … La mythologie rock’n’roll a rapidement lancé son fameux “club des 27” – l’âge que n’ont pas dépassé Brian Jones, Janis Joplin, Jimi Hendrix, Jim Morrison, etc. Il faudrait cependant également désormais penser à ouvrir le “cercle des 80”, tout aussi “select”. En font déjà partie Bob Dylan, Paul McCartney, Ringo Starr, Brian Wilson, très prochainement rejoints par Roger Waters (en septembre), Keith Richards (en décembre), Roger Daltrey (l’an prochain), etc.

La reconstitution de la piaule des Stones, l'appartement d'Edith Grove.
La reconstitution de la piaule des Stones, l’appartement d’Edith Grove. © PETER TAHL

Sir Michael Philip Jagger reste en tout cas en pleine forme. Comme ont pu s’en apercevoir encore l’an passé les spectateurs du stade Roi Baudouin, lors de la dernière tournée des Stones (le Sixty Tour). L’occasion de constater que les vieux briscards anglais ne lâchent toujours rien. Le groupe a d’ailleurs annoncé la parution d’un nouvel album d’ici la fin de l’année… Cerise sur le gâteau, la grande exposition qui lui est consacrée a redémarré à Groningen, aux Pays-Bas.

Mythe certifié

Intitulée The Rolling Stones – Unzipped, elle a été inaugurée en 2016 à Londres, a tourné un peu partout dans le monde (Sydney, New York, Tokyo, etc.), avant de revenir en Europe. Elle avait déjà fait un premier stop au Groninger Museum. C’était en 2020. Le temps d’ouvrir un petit mois et puis de devoir refermer ses portes pour cause de Covid. Trois ans plus tard, Unzipped revient donc au même endroit pour une ultime “séance”, programmée jusqu’au 21 janvier prochain.

En face de la gare, le Groninger Museum est inratable. Posé sur le canal, il est découpé en trois pavillons -la tour jaune d’Alessandro Mendini, le cylindre signé Philippe Starck, le bloc du bureau Coop Himmelb(l)au. Une manière de refléter l’éclectisme d’une institution où les collections d’arts anciens et contemporains cohabitent avec des thématiques plus “pop”. Juste avant les Stones, le Groninger Museum a ainsi consacré une expo au collectif design Hipgnosis (responsable de pochettes d’albums aussi mythiques que le Dark Side of the Moon de Pink Floyd), et proposé une rétrospective Gianni Versace. Il a également accueilli David Bowie Is (en 2016, au moment de la mort de l’icône rock). À l’époque, l’exposition itinérante, aussi touffue que passionnante, avait marqué les esprits. Y compris, devine-t-on, ceux du management des Stones…

La Gibson signée Keith Richards.
La Gibson signée Keith Richards. © dr

Vestiaire fourni

À Groningen, Unzipped s’étale ainsi sur trois étages. Que peut-on y voir? Notamment une “reproduction” du fameux appartement d’Edith Grove, la piaule bordélique de Chelsea, où Jagger, Richards et Brian Jones ont jeté les bases de ce qui deviendra le “plus grand groupe de rock’n’roll du monde”. Plus loin, une salle rassemble différentes guitares (celle peinte par Richards en 1967, en attendant le prononcé de sa peine, après sa condamnation pour détention de stupéfiants) et autres instruments divers (harmonica, basse, etc.); ainsi que des carnets de notes de Jagger ou Richards, disposés telles des reliques sacrées.

Un espace s’arrête également sur le “vestiaire” des Stones. Celui de Jagger, étant particulièrement fourni –de la tenue “Omega” portée à Altamont au collant fluo gym tonic des années 80… La pièce suivante s’attarde encore sur l’aspect graphique des Stones -des pochettes aux clips en passant par les films documentaires célèbres (celui de Godard, pour n’en citer qu’un). “Pour un musée comme le nôtre, explique son directeur Andreas Blühm, c’est important que l’exposition, toute musicale soit-elle, reste assez visuelle, et qu’elle puisse élargir le regard au-delà de la musique.

Visuelle, Unzipped l’est assurément. Réussit-elle à déborder de son sujet? L’itinéraire des Stones n’est pas celui d’un Bowie. À l’art total envisagé par ce dernier, correspond la musique d’un groupe qui, au fil des années, ne s’est finalement jamais trop éloigné de ses racines blues-rock, cédant rarement aux grands concepts.

© National

De manière assez emblématique, le circuit de l’exposition démarre et termine d’ailleurs avec des images de concert: celles du premier passage, chaotique, des Stones, aux Pays-Bas, en 1966, d’un côté; et le giga concert donné à La Havane, en 2016, devant quelque 500 000 personnes, de l’autre. Dans la première salle, a été également posé le kit de batterie de Charlie Watts. Entre-temps, l’installation est devenue un hommage au batteur emblématique, décédé en août 2021. Comme quoi, les Stones ne sont pas complètement imperméables au temps qui passe…

Débraillé mais pas exhibi

Ni aux époques? Au moment où même la mythologie sixties est réévaluée -comme a pu encore le démontrer le traitement médiatique autour de la disparition de Jane Birkin-, celle des Stones semble étrangement glisser entre les mailles du filet. En 2021, le groupe avait pourtant bien décidé de ne plus jouer un morceau comme Brown Sugar, classique dont les paroles allusives mêlant viol et esclavage sont devenues embarrassantes. De ces “scrupules”, l’expo n’en parle guère. Logique: elle a été conçue juste avant que n’émergent le mouvement #MeToo et la révolte Black Lives Matter. Mais depuis son inauguration en 2016, son récit n’a pas non plus vraiment évolué… à un détail près. Intitulée au départ Exhibitionism, l’exposition a finalement été rebaptisée entre-temps Unzipped. Référence à la pochette à braguette de Sticky Fingers, signée Warhol, toujours tendancieuse, mais moins problématique…

Pour le reste, le parcours rend hommage (rapidement) aux musiciens noirs, légendes du blues, qui ont inspiré les Stones. Mais il ne présente quasiment aucune femme. Hormis la choriste Lisa Fischer, incluse dans le mur dédié aux plus fidèles lieutenants scéniques du groupe (et l’une ou l’autre tenue d’Anita Pallenberg piquées par son ex, Keith Richards), les Stones, tels que racontés par Unzipped, restent d’abord et avant tout une histoire de mecs.

Soit. Cela n’empêche un parcours riche et fascinant. Même s’il s’occupe souvent moins de creuser l’impact socio-politico-culturel des Stones, que d’aligner les memorabilia. Une énième manière, au fond, de confirmer la formule maison: it’s only rock’n’roll… (but I like it).

The Rolling Stones – Unzipped, Groninger Museum (Pays-Bas), jusqu’au 21/01/2024. www.groningermuseum.nl

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