Les mondes de Jeremy Alonzi, d’Experimental Tropic Blues Band à Kamikazé

“Pour moi, un artiste, c’est un mec qui chante dans sa salle de bain avec son sèche-cheveux. C’est un gars qui s’exprime. Je pense que monter sur une scène et jouer dans un film est à la portée de n’importe qui.” © estelle maes
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Il a gagné Du F. dans le texte avec des handicapés mentaux, composé la musique de Baraki et fait l’amour à Cécile de France sous l’eau. Chanteur et guitariste de l’Experimental Tropic Blues Band, Jeremy Alonzi sera au Roots & Roses avec Kamikazé. Portrait.

Pour cerner Jeremy Alonzi, il faut déjà oublier Spit’n’Split, le faux documentaire sur son vrai groupe, The Experimental Tropic Blues Band. Le Liégeois y joue une tête de con et y malmène constamment, verbalement comme physiquement, son ingénieur du son. Né à Soumagne, le 9 septembre 1978, Jeremy Alonzi est un mec adorable et l’une des personnalités les plus passionnantes de la scène rock belge. Son père, Robert, est un peintre et sculpteur atypique, mais la culture dans les années 80 n’est pas si présente que ça à la maison. “Il était dans son monde. Soit à l’abattoir soit dans son atelier. Et ma mère, elle, était fan de Jean-Jacques Goldman, qu’elle m’a emmené voir en concert. C’est quand même pas top pour introduire un jeune à la musique.” À l’école, Jeremy rencontre un autre Jean-Jacques, Thomsin celui-là. JJ lui donne envie d’acheter une batterie. Il maîtrise le riff de Smells Like Teen Spirit de Nirvana.

Avant les Tropics, il y a Seasick, un groupe de noise biberonné aux mamelles tutélaires de Jesus Lizard et de Shellac. “Monter un groupe procure une émotion incroyable. Quand tu es débutant, que tu te lances avec des amis, c’est comme si tu formais un couple. Il y a une puissance émotionnelle là-dedans ultra violente. Seasick, c’était une appartenance, une religion, un endoctrinement.”

Tropic, ce sera l’alignement de planètes. À Saint-Luc, le jour du saint du même nom, c’est carte blanche. Les élèves font ce qu’ils veulent. “Il y a un mec qui avait conçu un train fantôme. Certains vendaient du space cake. Véridique. Ambulance à l’appui. C’était complètement hallucinant. Moi qui savais à peine jouer de la guitare, j’ai empoigné un vieux banjo et avec David (D’Inverno) qui n’avait jamais touché une batterie, on a donné un concert dans la cour de récré. Les gens devenaient dingues. Il y en avait jusque dans les arbres.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Avec JJ “Boogie Snake” Thomsin pour compléter la triplette, The ETBB va secouer le rock noir-jaune-rouge, jouer dans le film Ex Drummer de Koen Mortier, enregistrer avec Jon Spencer à New York (Liquid Love) ou encore rendre hommage à notre belgitude (The Belgians). “Je voulais faire le contraire de Seasick. Arrêter de compter, éviter les trucs compliqués. On s’exprimait le plus brutalement et le plus simplement possible. On essayait de sortir de son corps. C’était de l’art brut. En tout cas brutal. La musique, c’est découvrir plein de choses sur soi. C’est comme aller chez le psy. C’est de l’ordre du nettoyage.”

La démarche est très punk. Tout sauf carriériste: “Je n’avais pas conscience qu’on pouvait gagner sa vie avec la musique. Mais on a décroché le statut d’artiste. Un statut de chômeur en fait. Tu devais aller chaque année te justifier avec ta liste de concerts comme un con à l’Onem.

Profondément marqué par David Yow, Alonzi a toujours vu la musique sous le prisme de la performance. “Je veux toujours insuffler un truc de cet ordre-là en tout cas. Le premier projet à côté de Tropic, ça a été Colonel Bastard. Je n’ai pas envie que les gens s’emmerdent. C’est peut-être maladroit. Peut-être que je n’y arrive pas, peut-être que ça n’a pas plu à des gens et je m’en excuse, mais ma démarche, c’est une démarche d’amour. C’est pour que les gens s’amusent et moi aussi. Qu’on arrive dans une espèce de lâcher-prise total. Colonel, ça me faisait un bien fou. J’avais besoin de hurler.

Afrique, robot et cinéma…

Le Liégeois aime la nouveauté. Le Liégeois aime les expériences. “Plus que Liège, ce qui m’a marqué moi, ce sont les rencontres. Dans cette ville, j’aurais aussi pour le même prix pu devenir alcoolique ou toxicomane.” Alors Jeremy multiplie les projets. Il enchaîne les concerts, souvent sans même sortir de disques. Avec Ginger Bamboo, il embrasse une culture africaine brute et libre. La fièvre de Fela Kuti, les délires de William Onyeabor. Avec Müholos, il se prend pour un robot. “Ça, c’est un concours de circonstances. Moi, j’ai rien voulu. J’étais chez mon copain disquaire Fabrice Marotta. On fantasmait en prenant l’apéro. Et je lui ai dit: j’aimerais bien venir chez Lost In Sound habillé en robot et faire de la musique rétrofuturiste. J’ai commencé à chercher de vieux sèche-cheveux en métal. J’en ai trouvé un sur Marketplace à La Louvière et la marque, c’était Müholos. Tout s’est emballé mais j’ai arrêté. Je n’y prenais pas de plaisir. J’étais enfermé. J’y voyais rien. Aucune interaction avec le public. C’était pas drôle.”

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Alonzi se marre davantage avec Chevalier Surprise, son groupe de rock’n’roll emmené par deux handicapés mentaux. “J’apprends énormément à leur contact. Juju et Omega sont toujours justes. On est loin de la pose, des vestes en cuir. Il est clair que ma voie est dans l’art brut et l’expression la plus sincère possible. Peu importe que tu sois en short, en djellaba ou en slash.”

Kamikazé, c’est encore une autre histoire. Pour le coup, il voulait se retrouver face à lui-même. “Bob Log m’a toujours fasciné. Je me suis toujours demandé comment il faisait, tout seul dans sa bagnole. J’avais déjà eu des projets d’homme-orchestre avec la grosse caisse, le charley et la guitare. Je voulais aller plus loin.

Ces dernières années, Alonzi s’est mis à fricoter avec le milieu des séries et du cinéma. “À un moment, un producteur m’appelle et il me dit: “Il y a une série belge à petite budget qui va passer à la RTBF. Elle s’appelle Baraki et on a pensé à toi….” J’ai eu 20 épisodes à illustrer en musique. C’est le plus beau cachet que j’ai gagné de ma carrière, mais je n’imaginais pas le travail que ça demandait derrière.

En attendant, Jeremy a connu une expérience un peu malheureuse devant les caméras. “Je me suis retrouvé dans un film (Un monde plus grand) où je joue le mari mort de Cécile de France. C’est un rôle muet. J’ai dû aller à la piscine prendre des cours d’apnée avec des poids dans les poches. J’ai failli crever. Puis, j’ai dû embrasser Cécile de France sous l’eau. Lui toucher les cheveux. Faire semblant de lui faire l’amour alors qu’on ne me l’avait même pas présentée. C’était horrible, mec. Elle m’a dit: “Te tracasse pas, ça va aller. On va juste jouer au papa et à la maman.

En concert au Roots & Roses, les 30/04 et 01/05 à Lessines. Avec Nick Waterhouse, The Datsuns, Leyla McCalla, Pokey LaFarge…

Lire plus de:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content