Snobée par les têtes d’affiche du rap FR, la troisième édition des Flammes a malgré tout rempli ses objectifs, récompensant notamment Shay, Aya Nakamura, SDM, Tiakola ou Theodora.
1. Une cérémonie (presque) comme les autres
On l’avait déjà souligné l’an dernier. Mais cette fois, plus moyen de le contester. Avec leur 3e édition, diffusée mardi soir, les Flammes sont bel et bien devenues l’une des remises de prix les plus importantes de France. Elle arbore en effet tous les attributs du genre : une cérémonie bien trop longue (comme les Césars), organisée à la Seine musicale (comme les Victoires), avec son lot d’effets pompiers et ses nombreux flottements. Et pourtant, malgré ça, la cérémonie « qui célèbre et repositionne les cultures populaires » continue de cultiver ses différences, mettant en avant des artistes – rap, R&B, pop, afro, caribéen, etc – qu’on ne voit que rarement ailleurs. Rien que pour ça, elle justifie son existence.
2. Donnez tout de suite sa couronne à Theodora
A l’automne dernier, pour son tout premier Forest National, Shay invitait sur scène la jeune Theodora pour interpréter son tube Kongolese sous BBL. Hier soir, à la Seine musicale, la Belge a remporté la Flamme 2025 de l’artiste féminine, tandis que la seconde repartait avec celle de la Révélation féminine. Deux récompenses amplement justifiées, tant, d’un côté, la présence scénique de Shay a marqué les esprits avec une série de concerts spectaculaires ; et, de l’autre, la notoriété de Theodora a explosé ces derniers mois. Depuis la parution de sa mixtape Bad Boy Lovestory, la jeune femme d’à peine 21 ans fait en effet vriller toutes les têtes, effectuant un run quasi sans faute. Avec son mélange décomplexé de sonorités (rap, pop, bouyon, amapiano, baile funk, rock, hyperpop, etc) et un charisme épatant, elle a amené un vrai vent de fraîcheur sur les Flammes 2025. Avant de jouer deux titres (Fashion designa et Do u wanna ?), elle dédiera son prix à son grand frère et producteur Jeez Suave, et « à toutes les filles noires un peu bizarres ». La boss lady, vraiment.
3. Les Flammes brillent aussi par… ses absents
Les Flammes sont nées pour donner une visibilité à des artistes qui, malgré leur popularité, ne trouvaient pas toujours la juste reconnaissance du milieu musical. Mais comment faire quand ces mêmes artistes boudent eux-mêmes la cérémonie qui leur est dédiée ? Mardi soir, cela en est devenu presque gênant. Où étaient par exemple les plus grosses stars du genre ? Depuis le début, on sait bien qu’un Booba ne daignera pas se montrer aux Flammes. Et personne ne s’attendait non plus à voir débarquer quelqu’un comme Jul par exemple. Mais comment expliquer que des artistes – pourtant nominés plusieurs fois – se fassent porter pâle ? On pense à Werenoi (excusé pour un bras cassé, vraiment ?), Tiakola (n’ayant même pas délégué quelqu’un pour recevoir la Flamme de l’album nouvelle pop), SCH ou encore SDM (fâché avec la cérémonie depuis le début, il a quand même envoyé une délégation pour recevoir la Flamme de l’album rap).
Déjà récompensée lors des deux premières éditions des Flammes, Aya Nakamura est, elle, bien venue rechercher une (nouvelle) Flamme du rayonnement international. La politesse des reines.
4. De Gaza à Goma
Mardi soir, lors des Flammes 2025, Kery James a encore rappelé cette sentence d’Ärsenik : « qui prétend faire du rap sans prendre position ? ». De l’humoriste Merwane Benlazar (et hop, une pique pour Hanouna) à la cinéaste Mati Diop (taclant le monde du cinéma « qui aime toujours brandir l’étendard de la diversité, mais qui ne se retrouve quasi jamais sur les écrans » – allô Cannes ?), beaucoup ont donc profité de l’occasion pour glisser un mot. Avec au centre de pas mal de discours, comme l’an dernier, la situation au Proche-Orient. La Flamme de l’engagement a ainsi été remise au collectif Not About Us, organisateur d’un grand concert de soutien au peuple palestinien au Zenith de Paris, accompagné sur scène par une représentante d’Urgence Palestine – menacé de dissolution par le gouvernement français.
Autre terrain de guerre : le Congo, et la déclaration désarmante du chanteur Corneille. « En tant que Rwandais, j’aimerais apporter mon soutien le plus sincère à tous ceux qui souffrent en ce moment dans l’est du Congo », a-t-il ainsi glissé, rappelant que Goma est la première ville qui l’a accueillie quand il a fui le génocide. « Il y a des pouvoirs qui veulent nous prêter des combats qui ne nous appartiennent pas. Les Congolais sont mes soeurs et mes frères. »
5. Des Flammes intergénérationnelles
Une mémoire, ça s’entretient. Plus que jamais, les Flammes se démarquent en traçant des ponts entre les générations. Il n’est pas en effet pas seulement question de célébrer les stars du moment, mais aussi ceux qui ont contribué à des musiques longtemps snobées. Après La Fouine l’an dernier, c’est Nessbeal, le « roi sans couronne », qui a bénéficié d’une mise en lumière. Soutenue par une chorale gospel, Amel Bent a elle aussi marqué la soirée. La maman de feu DJ Mehdi est, elle, venue sur scène recevoir pour son fils le prix de la Flamme éternelle, tandis que Rim’K a interprété Tonton du bled avec le jeune Danyl, et les Princes de la ville avec L2B.