Les cinq artistes que l’on retient du Guess Who? Festival
En perpétuelle réinvention, le festival Le Guess Who? a été profondément marqué cette année par l’Afrique, la spiritualité et les traditions. Démonstration en cinq exemples.
Sophie Nzayisenga (Rwanda)
Sophie Nzayisenga (Rwanda)
Elle a commencé à en jouer à 6 ans et à 9 participait déjà à des concours nationaux. Fille de Thomas Kirusi, l’un des virtuoses en la matière, Sophie Nzayisenga est l’une des rares femmes à pratiquer l’inanga, aussi baptisée cithare des grands lacs. Instrument de musique primitif en forme de bouclier, cette espèce de harpe ovale était autrefois jouée à la cour pour divertir le roi (ses grands-parents avaient l’habitude de se produire pour la monarchie rwandaise). Si ses caractéristiques musicales rapprochent l’inanga d’une guitare moderne, Sophie Nzayisenga a envoûté avec son incroyable voix et ses solos sur une planche de snowboard. Son album Queen of Inanga, Music from Rwanda, sorti en 2021 sur un label moldave, en offre un vibrant aperçu. Indéniablement notre coup de cœur du festival.
Nihiloxica (Ouganda)
Nihiloxica (Ouganda)
Né à Kampala de la rencontre de deux musiciens britanniques et de quatre percussionnistes ougandais, Nihiloxica (une contraction de “nihilisme” et “toxique”) épingle les politiques migratoires hostiles et les atteintes à la liberté de mouvement en prônant la libération électronique des corps. Niholixica fait converser les musiques synthétiques et la tradition dans un grand foutoir jouissif et percussif qui donne à voir les musiques à danser. Chaotique et carré, primal et tribal, urbain et roots, Nihiloxica, qui a sorti son deuxième album fin septembre chez les Bruxellois de Crammed, a plongé les spectateurs en état de transe et transformé la Ronda (une salle de 2 000 personnes) en boîte de nuit. Quelque part entre la cérémonie nocturne indigène autour du feu et l’after dans un sous-sol suintant de club anglais… Vous aussi battez le tambour. L’heure est à l’afro-techno.
Backxwash (Zambie)
Backxwash (Zambie)
Née à Lusaka dans une famille religieuse, Ashanti Mutinta s’est envolée à 17 ans pour le Canada afin de poursuivre des études universitaires en informatique et sans doute déjà, secrètement, ses rêves musicaux. Nouveau visage, transgenre, d’un rap qui décape (pensez Death Grips, Ho88o8 et compagnie), Mutinta considère Backxwash comme un alter ego engagé, autodestructeur et revendicateur. Si son premier album, God Has Nothing to Do with This Leave Him Out of It, paru en 2020 n’était diffusé qu’en téléchargement gratuit sur sa page Bandcamp (les réseaux officiels avaient boudé le disque en raison du flou légal entourant ses samples), cela ne l’avait pas empêchée de remporter le prestigieux prix Polaris. Trois ans et deux disques plus tard, Backxwash retourne des salles seule en scène avec un flow tonitruant qui rappe la religion, la colonialisme, l’anxiété, la sorcellerie et la quête d’identité. Impressionnant.
Faiz Ali Faiz (Pakistan)
Faiz Ali Faiz (Pakistan)
Né en 1962 à Sharaqpur, Faiz Ali Faiz incarne à 60 piges le renouveau de la musique indo-pakistanaise. Faiz a entamé sa carrière à l’âge de 16 ans et est aujourd’hui l’une des voix emblématiques du qawwali, l’une des manifestations les plus spectaculaires du concert spirituel sufi. Les Qawwals, littéralement “ceux qui récitent et portent la parole sacrée”, parlent de noces pour qualifier des cérémonies musicales dont le but ultime est l’union spirituelle des fidèles avec Dieu. Accompagné par un percussionniste, deux joueurs d’harmonium et un chœur masculin renversant qui rythme ses réponses de vigoureux claquements de mains (tous sont assis en tailleur), Faiz emmène dans une danse spirituelle tantôt douce tantôt fiévreuse avec ses chants d’amour mystiques, poétiques et pacifistes. Trippant.
Le Cri du Caire (Égypte)
Le Cri du Caire (Égypte)
Sacré aux Victoires du jazz 2023 dans la catégorie meilleur album de musiques du monde, Le Cri du Caire porte en lui la souffrance et les espoirs d’une jeunesse qui a fait bourgeonner le Printemps arabe. Une musique qui défie le fondamentalisme des Frères musulmans et la politique répressive de l’armée égyptienne. Chanteur, compositeur, poète et acteur militant, Abdullah Miniawy a fait entendre sa voix dans les rues et les clubs du Caire en marge des mouvements révolutionnaires avant de s’installer en Europe où il a multiplié les projets. Accompagné du saxophoniste britannique Peter Corser et du violoncelliste allemand Karsten Hochapfel, Miniawy a créé un univers mystique, poétique et politique qui oscille entre jazz, spoken word et volutes orientales. La voix hypnotique et céleste de l’underground égyptien…
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