Les Ardentes J3 : Ici, c’est Paris

Ninho © Olivier Donnet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Samedi, aux Ardentes, c’était PNL ou rien. Spoiler alert : c’était rien.

Le rap a toujours été une question de territoire. Après Bruxelles, représentée en force vendredi (Damso, Hamza, YG Pablo, Yanso, Frenetik), c’était au tour de Paris de monter sur Liège, samedi. A la fois dans le public (le nombre de maillot Mbappé) et sur scène. De ce côté-ci du périph, la mélodie mi-sucrée, mi-mellow, a la cote. Que ce soit avec Tiakola, le carton du moment, directement envoyé sur la scène principale (où il reçoit son disque d’or) ; Maes, qui avait dû entendre que tous ses collègues étaient aux Ardentes, et s’est invité en dernière minute ; ou même, dans une version plus r’n’b alternative, Squidji, dont le concert a prouvé à quel point son album Ocytocine, sorti l’an dernier, reste toujours aussi frais à la réécoute.

Sur le coup de 21h, il y avait évidemment aussi le roi Ninho (reprenant le créneau laissé libre par l’annulation en dernière minute de l’Américain Roddy Rich). Sur scène, entre une devanture de night shop et un kebab, il est venu rappeler que le boss du stream, c’est bien lui : rares sont ceux qui ont réussi à résumer à ce point l’époque, combinant technique à l’ancienne et toplines accrocheuses.

Les vraies têtes d’affiche de la journée restaient malgré tout PNL. Parce que rares sur scène, la venue des deux frères était même l’un des événements du festival. On se rappelle de leur première apparition en terre liégeoise, en 2016. Se traînant paresseusement d’un côté à l’autre de la scène, Ademo et N.O.S. avaient tout fait pour cliver les opinions : génies de l’esthétique du vide d’un côté, imposture destinée à ne tenir que six mois pour les autres. Rarement, un groupe n’avait autant divisé.

Six ans plus tard, PNL est pourtant toujours là. « Le prends pas mal/Mais j’ai pas d’amour/Le public je m’en fous/je sais qu’il me lâchera », prévoyait le duo sur Le M. Tout faux. Non seulement le phénomène PNL a duré. Mais avec son rap de crevard sous éther et sa com’ culottée, il est devenu culte, enchaînant trois albums devenus des classiques. Est-ce que ce succès a vraiment changé la donne ? Oui et non. « Je suis dans ma bulle », rappe Ademo sur Le monde ou rien. Et, même au sommet du rap FR, PNL reste sur sa planète, à part. Aux Ardentes, ils se permettent ainsi d’arriver avec trois quarts d’heure de retard sur l’horaire prévu. On est prêt à pardonner puisque les morceaux emblématiques s’enchaînent : Deux frères, Onizuka, Blanka… Le BPM, lui, ne dépasse toutefois que rarement les 80 BPM. Même en tête d’affiche d’un festival à 50 000 personnes, il ne faut pas compter sur PNL pour lancer une zumba… Ou même faire des roues : pour principal jeu de scène, les deux frangins se contentent toujours de rallumer leur pétard. Dans leur monde, Ademo et N.O.S ralentissement même encore un peu avec le western lunaire d’A l’ammoniaque, vrai grand moment du concert. L’un des seuls aussi. A ce stade-ci, la moitié de la setlist a déjà été évacuée.

Après 45 minutes, la messe est en effet déjà dite, sans jamais que le concert n’ait vraiment décollé. Il y a eu communion, certes, des visuels et des lights calibrées, tout ça. Mais pour le reste, PNL est resté aussi passionnant qu’un épisode de Derrick tourné au ralenti. Auparavant, cette posture, presque punk dans sa radicalité, a souvent été fascinante. Aussi parce qu’elle reflétait, comme peu l’avait fait avant eux, l’atonie de la vie banlieusarde, ces journées et ces nuits sans fin, à traîner sa misère sociale, entre les barres de la cité. Samedi soir, cependant, ce récit a tourné court. Avant Au DD, bâclé, même Le Monde ou rien est passé à côté de son sujet. En 2015, il était cet hymne halluciné, à la fois vicieux et surréaliste (« je suis qu’un glaçon sous string ficelle »). Sept ans plus tard, Ademo et N.O.S., visiblement apaisés, en font une ballade presque souriante. Le comble.     

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