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Concert - Bon Iver
Date - 3-11-2022
Salle - Sportpaleis, Anvers
Critique - L.H.
Après plusieurs reports pour cause de pandémie, Bon Iver a pu enfin présenter les titres de son dernier album sur la scène du Sportpaleis d’Anvers. Compte-rendu
Le concert a démarré depuis une petite demi-heure, lorsque Justin Vernon annonce le prochain morceau: « On va jouer une vieille chanson ». Avant de rajouter, non sans ironie : « Quoiqu’à ce stade-ci, elles le sont toutes un peu… ». De fait, même les titres les plus récents de Bon Iver ont désormais déjà trois ans au compteur. Publié début août 2019, I, I, le quatrième album de la formation de Vernon aurait dû être directement suivi d’une volée de concerts. Las, la pandémie est passée par là. Et la tournée d’être reportée à plusieurs reprises. Pour moins que ça, d’autres ont préféré annuler pour passer directement à l’étape suivante. Pas Justin Vernon, qui a souvent présenté I, I comme le 4e et dernier volet d’un cycle, découpé en saisons.
Ce cycle, il l’avait démarré avec For Emma, Forever Ago, son disque hivernal, sorti en 2007. Touché par la grâce, et porté par une histoire marquante – Vernon a composé l’essentiel ses chansons-thérapies seul, dans un chalet perdu au fin fond d’une forêt du Wisconsin -, l’album lui avait directement valu les louanges de la critique et un large succès public. Au point qu’un titre comme Skinny Love deviendra même un classique des télécrochets… Cette reconnaissance soudaine, Vernon aura parfois du mal à l’encaisser. Dès l’album suivant, Bon Iver, en 2011, il passera son temps à brouiller les pistes. Fuyant l’image de barde folk, il n’hésitera pas à glisser des synthés et des drum machines dans sa musique, jusqu’à sonner parfois plus proche de Phil Collins que de Nick Drake. Hérésie suprême : le héros indé, nouvelle figure de proue de l’americana, se permettra même d’utiliser l’autotune, et de collaborer avec le rappeur Kanye West…
Malgré ces différentes pirouettes et autres tentatives de flouter sa démarche – notamment par des titres de morceaux et des paroles de plus en plus cryptiques -, Bon Iver n’a cependant jamais perdu de vue une certaine ligne mélodique, sensible et romanesque. Un goût pour créer des chansons qui, aussi fracturées soient-elles, continuent de cultiver une sorte de chaleur et d’intelligence des sentiments. C’était d’ailleurs encore l’ordre de mission pour son concert belge de jeudi soir. Avec pour défi supplémentaire de le remplir dans une arène comme le Sportpaleis anversois…
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Pour cela, Justin Vernon compte notamment sur une technologie améliorée, censée reproduire un son plus immersif. Mais surtout sur l’effet de groupe. Ils sont cinq à ses côtés : le fidèle Sean Carey (piano, batterie), Jenn Wasner (guitare, synthé), Matt McCaughan (batterie), Andrew Fitzpatrick (synthé, guitare) et Michael Lewis (basse, synthé, saxophone). Sur scène, chacun est encerclé par des tubes de néon. Comme confiné ? Visuellement pourtant, les musiciens font bloc. Six esprits, un seul corps pour démarrer et réaliser le crescendo de Perth, entrée en matière grandiose. L’inédit Heavenly Father suit, auquel succède Towers. Ce n’est qu’avec U (Man Like) que Bon Iver plonge enfin dans son dernier disque. Où I, I prend un nouveau relief sur scène, déployant des détails et surtout fulgurances que l’on n’avait pas toujours perçus – de l’intérêt de défendre un album sur scène…
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Bon Iver a pris le pli de changer quasi chaque soir sa setlist. Là où I, I a pu servir d’ossature principale à certains concerts, à Anvers, il n’est plus qu’un des éléments d’un parcours plus dispersé. En piochant ainsi à parts quasi égales entre chacun des 4 albums, le groupe varie les couleurs. C’est parfois déstabilisant – quand les harmonie vocales et la béatitude folk de Blindsided laissent place, sans transition, à l’intro fracturée de iMi. Mais aussi toujours intrigant – quand tout à coup, un sample étrange vient s’inviter dans la mélodie, qu’une voix autotunée trafique les chœurs, etc.
Parfois on aurait aimé voir davantage ce que la formation avait dans le ventre, quand elle se laisse vraiment complètement aller – sur certaines dates, les compte-rendus dans la presse évoquaient des versions plus expérimentales, tournant quasi à l’impro jazz sur certains titres. Au Sportpaleis, c’est surtout un morceau comme 10 dEAThbREasT qui permet à Bon Iver de faire exploser le carcan en proposant une version rêche et anguleuse. La plupart du temps, le groupe préfère cependant alterner les atmosphères. Un synthé quasi ambient ici (Jelmore), un solo de saxo lunaire là (—- 45 —-) : le groupe se balade et picore, remontant même la scie Skinny Love (pour mieux la foirer, humain après tout). Dans tous les cas, la musique réussit à conserver son mystère, voire son pouvoir consolateur, loin de toute mièvrerie. Qui, aujourd’hui, pourrait véritablement snober cela ?
En rappel, Justin Vernon revient d’abord seul pour empiler les couches vocales de Wolves, avant d’être rejoint par ses camarades pour conclure avec RABi, également le dernier titre de I, I. Le morceau est le prototype-même de mélodie désarmante et apaisée, qui rend Bon Iver encore et toujours aussi troublant. « It’s all fine and we’re all fine anyway », chante Justin Vernon…
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