Philippe Katerine
L’édito de Philippe Katerine: Je suis belge
L’inclassable dandy surréaliste a accepté de jouer les prolongations pour un numéro spécial de Focus, proposant des sujets, se penchant sur le dernier Kanye West ou commentant avec espièglerie et lucidité l’actu. Voici son édito.
Vers 1992, c’est à Liège que j’ai fait mes premiers concerts seul à la guitare, à l’invitation de Michel Zumkir de Minimum vital. Liège, Bruxelles, Namur. « C’est vous qu’on voit sur tous les murs à Namur?! », m’avait hurlé une femme dans le train pour… Namur. J’avais rougi écarlate, j’étais tellement timide à mes 24 ans.
Trois ans plus tard, au lendemain d’un concert en groupe au Botanique, un journal avait titré: « Philippe Katerine? Il aurait mérité d’être belge ». Ça m’avait conforté dans l’idée d’une certaine libération personnelle.
Plus tard, j’ai rencontré Les Vedettes pour qui j’ai composé des chansons. Les Vedettes, un groupe de filles belges plus ou moins majorettes, bruyantes, vivifiantes, charmantes, enthousiasmantes!
Ces enregistrements m’avaient procuré bien des joies, c’était un fantasme réalisé de les voir chanter et danser comme une armée devenue folle. C’était du côté de l’année 2008. Et je me sentais enfin Belge.
Aujourd’hui votre magazine m’offre l’occasion de vous proposer des sujets. Et c’est vrai que mon réflexe, c’est de regarder la Belgique avec tous ces noms comme autant d’énigmes: Paul Nougé, Plastic Bertrand, Marka, Walter Van Beirendonck, Jacques Lizène… Pour moi c’est exotique encore ces noms, même si je suis belge.
Philippe Katerine? Il aurait mérité d’être belge.
Ne vous fiez pas à l’apparence de Philippe Katerine. Derrière la coiffure piquée à Garcimore et la bouille moelleuse empruntée à Jacques Villeret se cache un redoutable agitateur. Le genre à vous transformer un thé dansant de province en rave torride à coups de refrains burlesques montés sur ressorts acoustiques -essayez juste d’écouter Louxor j’adore sans remuer du popotin… Le genre aussi à rafler la vedette dans les films qu’il saupoudre d’une douce folie libertaire -et un César pour Le Grand Bain, un! Le genre encore à donner une leçon de rythme, de flow et de punchlines à des cadors du rap game lors d’un sauna radiophonique devenu culte -mots-clés sur Google: « Katerine » + « Planète rap ». Le genre enfin à vous mijoter un dixième album cathédrale, intime et collectif, politique et absurde, scato et élégant, fiévreux et dansant. Confessions n’est pas loin de l’hymne décomplexé et rédempteur d’une époque prise entre les feux de l’euphorie et de la déprime. Alors forcément, quand cet inclassable dandy surréaliste a accepté de jouer les prolongations pour ce numéro spécial, proposant des sujets, se penchant sur le dernier Kanye West ou commentant avec espièglerie et lucidité l’actu, on était sûr de ne pas s’embêter. C’est un peu comme si Dalí venait manger à la maison.
L.R.
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