L’Echo trip de Roméo Elvis: « La hargne, je l’ai toujours »

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Nouvel EP (Echo), nouvelle tournée (une AB sold out): Roméo Elvis remet les compteurs à zéro et retrouve le plaisir des choses simples, avant de s’attaquer à son prochain album.

Roméo Elvis est un reptile. Une seule vie mais plusieurs peaux. Jusqu’ici, on lui en a connu au moins eux. Celle du jeune ket traînant ses rimes sur les beats du Motel, juste avant que Bruxelles arrive. Celle, ensuite, du rappeur-rock star frondeur, retourneur de salles et moissonneur-batteur de plaines de festivals. C’était en 2019, à l’époque de Chocolat, premier album (un peu trop) programmé pour scorer. Depuis, Roméo a encore mué. Pour cause. Il y a eu le Covid, mettant un coup d’arrêt à sa marche en avant. Et puis aussi la-fameuse-affaire-dont-le-label-demande-de-ne-pas-parler (mais que l’intéressé évoque de lui-même): une accusation d’agression sexuelle, en 2020, sur Twitter. À l’époque, Roméo Elvis reconnaîtra les faits et présentera des excuses. Mais le buzz est bad, very bad, et le retour de flamme violent.

En 2022, il se relance avec Tout peut arriver, deuxième album moins hargneux que son prédécesseur, mais plus ajusté. Une évolution appréciable et, en ce qui nous concerne, appréciée. Mais qui ne “performera” pas autant que les disques précédents. Soit. Cela n’empêchera pas le showman de terminer l’année sur un point d’orgue, avec une Accor Arena (ex-Bercy), à Paris. Une case en plus de cochée. Et l’impression d’avoir achevé un premier tour de carrousel.

Nouvelles frontières

Comment alors enchaîner quand tous les frissons ont été éprouvés? Que faire quand tout a été fait? “Refaire!” Après Tout peut arriver, il y a donc eu l’EP Les Galeries en mai dernier, annoncé par le single Iggy Pop (l’Iguane, encore un reptile…). Le rappeur bruxellois enchaîne aujourd’hui avec Écho, un EP toujours, de neuf titres. Et une tournée, qui passera en mars par l’Olympia et l’Ancienne Belgique, remplie pour le coup en deux temps trois mouvements. “C’est une vraie fierté! Ce sont des salles par lesquelles je suis déjà passé. Il y a quelques années, je faisais même sold out en un clin d’oeil. Mais entre-temps, j’ai été confronté à ce qu’est une carrière d’artiste, avec ses hauts et ses bas. Je ne vais pas mettre de tabou là-dessus: après le Covid et mes histoires (sic), j’ai annulé deux tournées! Mon monde s’effondrait. J’ai failli tomber en dépression. Et puis, Tout peut arriver a moins bien marché. Du coup, oui, il y a un putain de challenge à faire tout ce qu’on est en train de faire maintenant. Un vraie montagne à regravir.”

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Question tout de même: l’ascension est-elle aussi enivrante que la première fois? Peut-être pas. Mais on la savoure davantage, à en croire l’intéressé. “Disons que je profite plus du paysage, je réalise la puissance du minéral, le vent qui caresse la nuque (sourire). Parce que sur le moment, quand vous êtes pris dans le tourbillon, vous ne vous rendez pas vraiment compte. D’autant que j’avais ma soeur qui cartonnait encore dix fois plus que moi. À la limite, je me disais que j’avais encore de la marge. Au même moment, j’avais mes potes Caballero & JeanJass, qui faisaient leur truc, mais en donnant l’impression que ça ne décollerait jamais vraiment. Or, aujourd’hui, ils vendent plus que moi, remplissent l’Olympia! Donc, oui, il y a une réalité qui te gifle à un moment. Mais si tu arrives à le comprendre et à revenir à l’essentiel, en fait, c’est génial.”

Reconnecté

C’est sans doute aussi une question d’âge. “J’ai 30 ans et je rappe comme un ado”, racontait encore l’intéressé l’an dernier, sur son morceau Labello. Il n’est pourtant plus tout à fait ce jeune chien fou lancé dans l’arène d’un rap game en pleine ébullition. Sur Echo, il peut parler des “perles d’eau” qui s’évaporent sur le gazon (Hier soir), de la couleur du ciel (Orangé, Coloris), ou laisser l’Américain Dreamcastmoe roucouler: “Love don’t come easy/Like a painting” (Tadumal).

Dans Nightshot, il annonce encore: “Mon seul conseil, c’est lis des livres, regarde des films.” Ce qui, visiblement, le nourrit aujourd’hui au moins autant que le rap. “Depuis deux ans, je me suis remis à lire davantage. Pourquoi? Parce que j’ai une femme avec qui je peux échanger là-dessus. Il y a aussi eu le Covid. Ce n’est pas un scoop, mais comme pour beaucoup de gens, ça a changé ma vie radicalement. Culturellement, notamment, je me suis reconnecté. Et puis, je constate quand même que le rap s’abrutit. Quand je dis ça, je sais que je perds des gens, et que je passe pour un boomer. Mais j’assume complètement (sourire). Je ne vais pas citer de noms, mais si on prend le top 10 du rap français, au niveau des textes, c’est de la chiasse!”

Lui-même prend donc soin, entre deux ego trips, de glisser l’une ou l’autre considération sur le chaos du moment. Ce qu’il a déjà fait auparavant. Mais en préférant désormais dépeindre le tableau -dont il ne s’exclut jamais-, plutôt qu’en montant aux barricades.

Entre les jeunes qui ont la dalle et les tontons repus

Aujourd’hui, Roméo Elvis a donc toujours la notoriété, mais plus vraiment la hype. “J’ai conscience que je fais partie du décor. Mais le prime, ce moment mystique où tout s’aligne, je n’y suis plus. Et peut-être que je n’y serai plus jamais.” Mais cela n’a pas l’air de l’angoisser outre mesure. Entouré de “jeunes qui ont la dalle/Et de tontons repus” (Hier soir), il donne l’impression d’avoir trouvé un certain apaisement. Au point de rapper sur Mercure et Jupiter: “Le seum n’est simplement plus à ma portée.”

Transformé, le Roméo? Changé, certes, arborant un nouvel épiderme. Il ne faudrait cependant pas pousser le bouchon du storytelling trop loin. Chassez le naturel, et il revient vite au galop. “La hargne, je l’ai toujours. Mais elle s’est peut-être mise un peu autrement.” D’ailleurs, quand il évoque un futur prochain album, l’idée semble déjà assez claire. “Ça va peut-être encore changer. Mais j’ai envie d’aller dans un truc plus… rock. Je pense à quelqu’un comme Hubert Lenoir, par exemple: le son qu’il a réussi à amener, comment il porte ses couilles et chante le truc! J’ai toujours envie de faire du rap. Mais en acceptant encore plus radicalement mon côté rock star.! » Affaire à suivre donc…●

Roméo Elvis, Echo, distr. Universal. En concert le 29/03, à l’Ancienne Belgique, Bruxelles

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