Le trio rock Bar Italia, en concert au Bota dimanche: « L’Italie est l’un des pires pays pour la musique en Europe »

De gauche à droite: Sam Fenton, Jezmi Fehmi et Nina Cristante. Bar Italia lève enfin le voile… © Steve Gullick
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Échappé du label de Dean Blunt, Bar Italia publie son deuxième album chez Matador en six mois. Le trio sera en concert au Botanique ce dimanche 26 novembre.

Jusqu’ici, ils s’étaient terrés dans le silence. Discrets, muets, énigmatiques. Mystérieux voire carrément secrets, Nina Cristante, Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton s’étaient contentés de laisser leurs chansons parler. Même leur premier album sorti en mai sur le label Matador après deux parutions sur World Music, celui du tout aussi peu loquace Dean Blunt, n’y avait quasiment rien changé. Bar Italia faisait profil bas. On a assez de musique maintenant pour donner des interviews, sourit Jezmi Fehmi dans un hôtel design à deux pas de la rue Dansaert. Avant, ça nous semblait cupide. Intéressé. Prétentieux. Voire déplacé.” “Désormais, on peut parler de musique plus que de qui on est. Ce qui n’est pas très intéressant, enchaîne la chanteuse Nina Cristante. En tout cas, avec davantage de sons, il y a moins de conversation à ce sujet.”

Les Bar Italia ont l’air méfiants. Il faudra briser la glace et un peu leur tirer les vers du nez. Au célèbre “C’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule” d’Audiard, Bar Italia serait plutôt du genre à rétorquer: “Ce n’est pas parce qu’on a des choses à raconter qu’il faut tout dévoiler. Jusqu’au printemps dernier, ils n’avaient laissé filtrer ni nom, ni photos. Pas la moindre info. “On est proche de Dean et on partage avec lui une certaine éthique, reprend Jezmi Fehmi. Mais on parle de contextes fondamentalementdifférents. On est encore jeunes dans le monde de la musique. On n’avait pas grand-chose à offrir et à raconter jusqu’à présent. Notre histoire est assez ennuyeuse. On n’a pas particulièrement les mêmes goûts. Et on ne s’est pas rencontrés dans un club de maths.”

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Jezmi et Sam ont fait connaissance lors d’une mauvaise scène ouverte en 2018. Ils ont commencé à collaborer, croisé la musique de Coil et celle des Sugababes avant d’emménager ensemble dans un appartement. La voisine du dessus n’était autre que Nina Cristante, alors la petite amie de Dean Blunt. Si Jezmi et Sam sont originaires de Londres, Nina y est arrivée à 18 ans en provenance de Rome, pour les études. Je suppose que la musique italienne m’a quelque part marquée parce qu’elle m’a bercée mais je suis le genre de personne qui bouge, qui avance et qui ne regarde pas dans le rétroviseur. D’ailleurs, je ne faisais pas de musique en Italie. J’y ai juste pris des cours de piano.” Jez intervient: “J’ai envie de dire que l’Italie est l’un des pires pays pour la musique en Europe. Pour moi personnellement en tout cas.”

En Angleterre, Nina Cristante s’y est mise avec Dean Blunt. Il a produit certaines de ses chansons. Sorti son album, un EP, des singles. Le projet s’appelle sobrement Nina. Elle a aussi composé de la musique pour ses vidéos de fitness sous l’alias Zao Dha Diet, un projet qui mêle bien-être et nutrition. “Tout a commencé pour Bar Italia quand on s’est montré nos clips et qu’on a écouté nos musiques respectives (Jezmi et Sam ont un groupe intitulé Double Virgo). à l’époque, je cherchais des gens qui savaient jouer d’un instrument. Parce que je ne venais pas de ce monde-là. Le mien tournait autour du travail sur ordinateur et des boucles.”

L’art et la manière

Les membres de Bar Italia entretiennent le flou sur leur âge. N’apprécient guère citer des références et énumérer leurs influences. Jezmi se contente d’épingler Joni Mitchell et le Velvet Underground: “Les gens peuvent penser que c’est la seule musique que je connais. La plupart font des mixtapes que personne n’écoute. Parce que ça a l’air cool et donne l’impression qu’ils sont intelligents. Ce qu’ils ne sont pas.”

L’histoire d’un groupe né pendant le confinement, ou presque, sort forcément de l’ordinaire. Bar Italia n’a pas débuté en donnant des concerts. Il a commencé par faire de la musique et l’enregistrer. “Généralement, tu démarres par des petits clubs. Et tu te construis. Mais en 2020, des concerts, il n’y en avait pas des masses…” Alors, les Anglais ont enchaîné les disques. Sur les deux premiers, Quarrel (2020) et Bedhead (2021), pratiquement tous les morceaux duraient moins de deux minutes. Ceux de The Twits, leurs meilleurs à ce jour, tirent davantage en longueur. Renvoient aux années 80 et 90. Rappellent entre autres Slowdive, The Cure et Sonic Youth. Cocasse. Ils sortent comme Kim Gordon d’écoles d’art et ont d’ailleurs exposé le 27 octobre à Londres certains de leurs dessins réalisés pendant l’écriture de l’album et inspirés par son monde. Jez intervient: “Kim Gordon se sent comme une artiste visuelle qui fait de la musique. Nous, je pense qu’on est des musiciens pop qui dessinent. Sa musique est définitivement plus arty que la nôtre.”“Ce sont deux formes d’expression totalement différentes, poursuit Nina. Ne serait-ce qu’à travers leurs temporalités et le rapport au public. Je pense qu’elles n’expriment pas la même partie de toi et de ton âme.”

The Twits (Les Crétins) a été enregistré dans les îles Baléares, entre les montagnes et la mer, dans deux maisons de Majorque. “Au début, on a cherché un studio déjà équipé, avoue Sam. Mais on n’arrivait pas à trouver quoi que ce soit. En tout cas rien d’abordable. On s’est rendu compte qu’on serait plus à l’aise et plus libres avec notre matos et notre propre agenda. On aime travailler la nuit et suivre le flow sans devoir s’inquiéter de l’état de nos finances.”

The Twits est plus dense et plus intense que son récent prédécesseur. Des intentions? “L’album précédent était bon. On en voulait juste un meilleur.” “Il n’y a pas vraiment de concept derrière ce qu’on fait, termine Nina. Ça ne veut pas dire qu’on ne prend pas les choses sérieusement. C’est juste qu’on travaille plus instinctivement. Il y a probablement un sujet qui se dégage du disque. Mais ce n’est pas intentionnel. Ce n’est pas conscient. On n’est pas très conceptuels dans notre manière de penser la musique. J’aime d’ailleurs quand les auditeurs viennent partager leurs interprétations.

Bar Italia, The Twits ****. Distribué par Matador.

Le 25/11 au Trix (Anvers) et le 26/11 au Botanique.

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