Le Micro Festival, petit mais costaud

Jean-François Jaspers: “On voulait monter un festival à taille humaine dans un milieu à la démesure un peu permanente. Elle a peut-être atteint ses limites maintenant.” © KAHORI
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Alternative abordable, mélomane et défricheuse au gigantisme capitaliste de l’été, le Micro Festival prouve qu’un autre modèle, plus humain, raisonnable et responsable, est possible. Décodage avant une treizième édition qui promet.

Comment grandir en restant micro? Gérer l’augmentation des coûts et rémunérer correctement les artistes sans saigner le spectateur? “Ce sont des questions qui nous ont bien animés depuis le bilan de la dernière édition. Hyper positif d’un point de vue moral, mais un peu moins d’un point de vue financier, explique Jean-François Jaspers, l’un des grands manitous du Micro Festival à Liège. On ne s’est pas mangé une énorme gamelle en 2022, mais on était un peu dans le rouge.” Le Micro, qui se tiendra cet été du 4 au 6 août, c’est de la découverte high level, deux scènes et 2 500 personnes par jour. “Ce n’était pas tant une question de jauge que de prix qui ont tardivement explosé et n’ont pas été répercutés sur celui des tickets, approfondit son comparse Yannick Grégoire. Le Micro est un festival qui se veut démocratique. On a commencé avec une prévente à 6 euros pour une journée de concerts. Là, on est à 66 euros. On a multiplié par onze en treize ans. Mais on dure désormais trois jours et on partait de cette utopie où rien n’est cher et où personne ne se paie. Or, on est passé de la débrouille, du tout est DIY, tout le monde est bénévole, à un modèle qui veut rester bon marché mais où on essaie de se rémunérer sans se péter la tronche.

Cette année, le pass a augmenté de 15 euros. Les organisateurs ont employé davantage de personnel qualifié et les prix ont beaucoup évolué. “Ce qui est une bonne chose. Ils n’avaient plus bougé depuis dix ans, explique JF Jaspers, pour l’instant le seul employé du festival, à raison de 13 heures par semaine (les autres sont freelance). Je parle de la pige d’un prestataire technique. L’idée est de rémunérer les gens à leur juste valeur.

Que ce soit le personnel ou les artistes d’ailleurs. “On s’est rendu compte pendant le Covid de la précarité de tout le secteur. Éthiquement, à un moment, tu ne peux plus sous-payer. Ça ne sert à rien de rentrer dans le combat de pauvres. Il n’y a donc plus de tout petit cachet. Le budget artistique global avoisine les 50 000 euros, commissions incluses. Le cachet moyen tourne donc autour de 1 000 balles. Et il y a des artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur lesquels tu reçois des compléments. On ne veut pas péter les plombs. On aurait pu amener des noms plus ronflants, mais ce n’est pas l’idée. On n’en a ni l’intérêt ni les moyens. On n’a pas une économie qui le permet et c’est trop risqué. C’est quand même super d’arriver à intéresser 2 500 personnes par jour sur l’idée qu’ils ne connaissent rien mais vont se prendre des claques. Il y a dix ans, j’étais persuadé que ce n’était pas possible à Liège. Même pas en Wallonie.

Améliorer le confort

Le Micro Festival compte deux sources principales de rentrées financières. Il bénéficie d’un soutien public et privé mais il repose surtout entre 85 et 90% sur des fonds propres. “Avant, la billetterie représentait 20% et le bar 80. Maintenant, on est quasi à du 50/50. C’est lié à la hausse du coût des céréales et de la brasserie. On essaie de concilier tout ça avec la dimension éthique, morale, d’accessibilité. On ne veut pas prendre le festivalier pour un portefeuille sur pattes. Tout en sachant que c’est dans l’ADN du Micro que d’être Micro. Et que partir sur des publics plus importants permet de réaliser des économies d’échelle.”

Un travail d’équilibriste. En 2019, l’année où il s’est offert une seconde scène par un concours de circonstances plus que par volonté d’expansion, le Micro a “pris une boîte” comme on dit dans le jargon. “On avait mal anticipé une série de coûts. Ce n’était pas énorme, mais un trou de 20 000 boules, ça met directement le festival en péril.”

Cette année-là, un nouveau public, plus jeune, s’est emparé de l’événement et a complété le modèle. Depuis lors, le Micro accueille 2 500 personnes par jour, dont 1500 pour le week-end. “On ne veut pas de ce moment où ça déborde et ça devient désagréable. Grandir n’est plus possible en termes de taille, de jauge. Mais l’année dernière, on a ajouté un jour complet (le dimanche a remplacé la mise en bouche du jeudi soir). À partir d’un moment, grandir, c’est se stabiliser, se pérenniser, se sécuriser.”

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Le Micro ne veut pas boxer dans une catégorie supérieure. Son modèle s’est d’ailleurs généralisé ces dernières années. On pense aux Celebration Days (dans l’Oise) ou aux Congés Annulés (Luxembourg). “Ça a créé un nouveau réseau, ponctue Yannick Grégoire. Les agents ne vont plus nécessairement tanner le Pukkelpop pour y avoir un concert à 15 heures. Ils peuvent monter de belles tournées dans des événements plus petits où ils joueront parfois devant davantage de monde.” Cette année, le Micro a même fait des offres communes avec son voisin Absolutely Free (Genk). “On pourrait se dire qu’on n’est qu’à 50 kilomètres l’un de l’autre, mais les réalités et les publics sont différents. Autant travailler ensemble et aller vers une mutualisation. C’est comme ça qu’on a chopé Fat Dog. Le paysage des festivals évolue en Belgique aussi. Il y a de moins en moins de place pour les artistes rock émergents.

Quarante-trois artistes en trois jours… Au Micro, on n’aime pas toujours tout mais on a l’occasion d’un peu tout voir. “On offre une chouette visibilité que tu n’as pas toujours dans un festival à six scènes.” Les organisateurs ont négocié avec la Ville de Liège pour terminer une heure plus tard cet été. Ils ont aussi investi dans le son de leur chapiteau. “Ça devrait en améliorer le confort.” En attendant, peut-être, d’organiser une édition hivernale, l’équipe propose depuis l’année dernière des Micro Shows (No Age, Dame Area, The Psychotic Monks…) au Kultura et à la Zone. “On a commencé avec Clipping, explique Yannick Grégoire. Un dimanche soir, à Liège, un cachet assez élevé. C’était pas gagné. Mais on a fait le plein. C’est le genre de chose qui permet aussi de grossir tout en restant petit.” “Ces concerts, termine JF Jaspers, permettent de rester en contact avec la communauté. Que ce soit les artistes ou le public.”

Micro Festival, du 04 au 06/08 à l’Espace 251 Nord (Liège). Avec Deadletter, Keg, Wild Classical Music Ensemble, Choolers Division, Horse Lords…

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