Kevin Dochain

Le double jeu dangereux de Live Nation sur la revente de tickets

Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Jusqu’à 3000 euros la place pour Adele. Alors qu’une loi est passée il y a deux ans pour interdire le profit sur la revente de billets de concert, une filiale hollandaise de Live Nation permet une forme de marché noir qui atteint des sommes insensées. Révoltant.

Le 26 novembre dernier, l’annonce de la venue d’Adele chez nous, a fait beaucoup d’heureux. Mais elle a fait également beaucoup de frustrés quand, une poignée de minutes après la mise en vente des tickets, ceux-ci étaient tous partis. D’autant plus que, ce n’est pas nouveau, bon nombre de ces billets étaient achetés par des spéculateurs qui n’ont pas tardé à les remettre en vente sur Internet ou au marché noir.

En 2013, une loi interdisant la revente lucrative de tickets de concerts et d’événements sportifs était pourtant adoptée. Les revendeurs risquaient jusqu’à 60.000 euros d’amende et un an de prison. Certains sites de revente en seconde main, comme Kapaza.be (1), embrayaient alors le pas pour proposer un contrôle qualité qui assurerait un prix de revente égal au prix d’achat. De leur côté, eBay et 2ememain.be déposaient un an plus tard un recours devant la Cour constitutionnelle, estimant que la « loi va à l’encontre de la directive européenne sur l’e-commerce et qu’elle enfreint la liberté de commerce ». On croit rêver, mais le pire est à lire ci-dessous.

Filiale hollandaise

La chaîne VRT repérait récemment que certains petits malins avaient rapidement trouvé l’astuce pour contourner la loi belge, en mettant en vente leurs tickets sur Seatwave, un site dont le siège social est aux Pays-Bas. Les prix de revente des places pour le concert d’Adele, initialement vendues entre 60 et 120 euros, s’y échangent entre 250 et… 2999 euros!

Plus révoltant encore, comme le souligne De Morgen, Seatwave.be appartient à Ticketmaster, soit la plateforme de vente de tickets de Live Nation. Ce même Live Nation qui, il y a quelques années, pestait contre le marché noir, déplorant que « les vrais fans qui n’ont pas été assez rusés pour obtenir leur place sont victimes une seconde fois lorsqu’ils rachètent des tickets sur internet à 4 ou 5 fois leur prix ». De Morgen rappelle d’ailleurs que « Live Nation accusait alors le gouvernement de ne pas agir de manière assez stricte contre ces pratiques ». Ironie mal placée?

Willem-Frederik Schiltz (Open Vld), le papa de la loi de 2013 sur la revente de billets, est évidemment outré par l’existence même de Seatwave. « Ce n’est pas possible, explique-t-il dans De Morgen. Je recommande à quiconque a acheté un ticket de demander de se faire rembourser le surcoût via une simple demande au tribunal. C’est possible à condition que vous connaissiez le nom de celui qui a acheté le ticket en premier lieu. Pas Seatwave, mais donc un tiers. Le nom se retrouve souvent sur les billets. » Le parlementaire cherche d’ailleurs une solution au problème: « Seatwave affirme qu’il n’est pas responsable. Je vais me pencher là-dessus. Il y a une législation européenne qui dit que vous êtes responsable si vous êtes au courant qu’il y a des abus sur votre plateforme. Et cela semble bien être le cas. »

Reste qu’on est persuadés que si de telles plateformes subsistent, c’est qu’il y a une demande de la part d’un certain public. Le même public qui, fier d’avoir décroché son sésame, en poste la photo sur les réseaux sociaux sans en masquer le code barre?

(1) Chez Kapaza, une équipe de 20 personnes relit et vérifie les annonces, mais le boulot est titanesque: en moyenne, ce sont 60.000 annonces qui sont publiées chaque jour sur le site. S’il est « quasiment impossible de tout vérifier », des systèmes d’alerte sont mis en place lorsque de gros événements sont annoncés (festivals, matches de foot, etc.). Un responsable du site nous promettait d’ailleurs qu’après notre appel, il se pencherait plus sérieusement sur le cas Adele. Et nous rappelle également que « cette équipe éditoriale de 20 personnes en place n’est absolument pas une obligation. C’est une envie de notre part pour assurer la qualité du contenu ».

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