Le Cercle des Poètes biscornus

Lundi, c’est Dobbi. Et notre chroniqueur-cascadeur Guillermo Guiz partage encore les moments forts de son week-end. Night in, Night out, épisode 29.

Ca commence par une variante. Au cours des vingt-huit semaines précédentes, « Night in, Night out » s’est largement répandue en sortages dégommés, en sortations poudrées, en sortiments sans permis ou en sortinettes amouretto-loseuses. Des pérégrinations artificielles et/ou dangereuses qui, finalement, m’ont quelque peu détourné de l’essentiel: la sortentrie naturelle. Naturelle, mais enrhumée. Sortir enrhumé, c’est comme descendre aux abysses dans une Lada blindée. Enfermé dans ton nez. Hermétique aux fumets habituels de la nuit, cigarette et sueur, cabinet et haleine scientifique. Parfait pour le Fuse. Mais tout ce que tu sens, c’est l’intérieur de ta tête. Un face-to-face privilégié, une quête intérieure, un parfum de cervelet, des yeux qui piquent et des sinus Fukushima. Mouais.

Ca donc, c’était vendredi. Considération: le con répète ses erreurs une fois. L’abruti deux fois. L’imbécile trois fois. Le crétin olympique quatre fois. Et le perdu-dla-life cinq fois. Au-delà de cap, on écrit des chroniques night. Mais vendredi, dans un relent de sagesse issu des tréfonds formolés de mon éducation primitive, j’ai décidé d’être responsable. Et d’attendre, penaud et ensommeillé, l’arrivée triomphale de l’ami Bernard Dobbeleer qui, par-delà d’indéniables qualités humaines et musicales, a le grand mérite de se balader avec un véritable permis de conduire dans le portefeuille. 2h09, très exactement, appel en absence. Faut descendre. Faut descendre à 2h10, un rhume dans le pif, une plaque de Gyproc dans le front et Kevin Costner en Eliot Ness dans l’écran plat. Toi aussi, chantonne un refrain vintage: « Vamos a la discoteca, sangria, sangria, para los dos! »

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DJ respecté, homme de radio, programmateur en chef de Classic 21, journaliste musical au Moustique, co-tête pensante des soirées Strictly Niceness et oenophile émérite, Bernard Dobbeleer figure en tête de pile dans le top 17 des homos sapiens-sapiens que je respecte le plus au monde. Déjà, parce que la poésie lui vient naturellement. « On ne parle pas assez du scrotum », m’accorda-t-il ainsi, mercredi soir au Downtown Club, dans un Marquee médusé par tant de délicatesse. Et ce, même si de jeunes foufous s’enfarinaient discrètement (?) les naseaux à l’arrière de la salle et qu’un mec avait le muscle saillant dans son marcel kaki. A la décharge de Bernard, un autre pilier des nuits bruxelloises suintait également la verve à sécrétion ce soir-là. Carl De Moncharline, pour ne pas le griller, s’était déplacé le bouchon dans les oreilles, comme d’autres habitués des sauvageries beatonneuses rompus aux techniques du protège-tympan. « Avec ces bouchons, j’ai l’impression de manger le cérumen par l’intérieur. » Fin de citation. Heikes/beikes. Cela dit, un bon vomi n’a jamais tué personne et si tu as fini (il te reste un ptit bout de pomme de terre, Simon), on peut retourner à nos aventures.

Donc, vendredi, 2h12. Quantic, DJ et producteur anglais installé en Colombie, a déposé le baluchon en plein Molenbeek. A nous les Brasseries Belle-Vue, ses murs nus, ses briques, son âme industrielle, son cachet, ses foules alternatives, son humidité amazonienne. A nous la première soirée « Club Chaleur », ses sons chaloupés, sa fiesta latina, sa soul from the soul, son funk à l’ancienne et son afro-beat de derrière les poutres apparentes. Grrrrrrr, ça, c’est de la toute bonne perspective de compèt, en forme de vibe grisante et sensuelle. En temps normal, j’aurais déjà le coup de rein à fleur de peau et la tchache à fleur de dents. Sauf que, si t’as la mémoire affutée, on est en plein dans Le Scaphandre et le Papillon, façon remake nocturne: j’ai la partie avant du visage totalement paralysée et je ne communique que par clignements d’yeux. Un clignement = oui. Deux clignements = une vodka-Perrier, merci.

J’aime bien ce genre de soirées t’c. Peut-être pour cet instantané, rare, évocateur, symbolique. Sur les flancs du dancefloor, à la portée de tous, une poignée de vestes s’agrippent négligemment aux porte-manteaux. Comme dans un salon. Ca paraît anodin, dit comme ça. Mais la confiance règne. Et c’est symptomatique d’un état d’esprit où l’amour du son, de la danse et de la communion rassemble les noceurs pour faire patienter le quotidien. Certes, la sono craint sa race, et on dirait que seul le bassiste des chansons a pu entrer dans les baffles: les autres, soirée privée, ça ne va pas être possible. Mais dans l’ensemble, ça bouge à la bien. Tiens, là-bas, une métisse de dingue, le feu sur la peau, la tignasse en ananas: « Il n’y a quand même qu’un seul sujet dans la vie. Le reste n’est que littérature », entonne devant cette beauté tiède le copain Bernard Dobbeleer, qui n’aura de cesse, tout au long de la soirée, d’éveiller mon cerveau aux joies de la finesse intellectuelle, aux plaisirs de l’humour à froid et aux citations de Desproges. En voilà une, au passage, juste par gourmandise: « Il ne faut pas désespérer des imbéciles. Avec un peu d’entraînement, on peut arriver à en faire des militaires. »

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Tiens, là-bas, une autre jeune damoiselle, la boucle érigée en art, fine et gracieuse, délicieuse. Préparer le speech, pré-tchatcher l’approche, faire passer l’accent rhume pour une langue étrangère (lapon ?) et sortir au culot les deux pas de merengue appris dans une vie antérieure. Marteau pi-coeur dans la poitrine. Damned, encore raté. Une espèce d’éphèbe à collier de barbe débarque et met tout le monde d’accord, chapeau et volupté dans le geste, salsa au bassin, trois petits pas et la damoiselle rayonne, il n’a même pas besoin de faire le beau, elle succombe. Mets-moi un bon jump de Lokeren ici, tu vas voir qui c’est qui emballe… La métisse au chignon, de son côté, s’est également trouvé un partenaire à sa mesure, black, flamboyant, leur danse est un acte érotique à part entière, les jambes se croisent et s’entremêlent, Bernard et moi, on ressemble à Bart De Wever devant un McDo, à Michel Daerden devant un Petrus 84, à Charles Michel devant ses GI Joe’s et la langue pendante, le cerveau limbique en émoi, le slip frétillant, nous rendons les armes, perclus d’admiration pour ces experts des ondes sexuelles, pour ces charmeurs de phéromones, pour ces Eros du string. Bah, nous reste toujours la vodka.

La vodka et la fin de soirée qui, comme tous les vendredis dignes de ce nom, passe tôt ou tard par le Bois de la Cambre. Où Grauzone chantonne son classique Eisbaer (j’ai toujours cru que le mec disait Iceberg) dans un Wood à la pente déclinante. Finies les métisses affriolantes et la salsa collé-chaleur. Ici, un surprenant jouvenceau. Là, une jeune femme coiffée comme Edith Piaf et habillée comme Arletty. « On dirait ces femmes, dans les films de guerre, qui attendent leur mari partis au front », glissai-je fébrilement à Bernard, qui rétorqua, cultivé: « Un peu la version Verdun de Pénélope. » Ou quand « Night in, Night out » prend de la hauteur. Pour redescendre aussitôt, les vapeurs liquoreuses convoquant chez deux véritables amoureux des femmes, au raffinement pourtant prouvé de longue date, de bien anderlechtoises réflexions. « Bon, on est arrivé un peu tard, on a que les filles en soldes », poursuivis-je. « En soldes? C’est carrément les fins de séries. » Bernard Dobbeleer peut aussi être cruel. Et attentif: « Tiens, ce garçon là-bas développe une technique de drague étonnante. C’est la deuxième fille qu’il brûle avec sa cigarette en dix minutes. » Puis, aussi, il peut être cru, à l’heure de juger la potentialité d’une confrontation intime et charnelle avec l’une des donzelles fin de série: « Pour reprendre l’expression de mon ami Kwak, celle-là, même avec ta bite je n’y toucherais pas. » Et on ose moquer les mecs en marcels? Education minimum! Rideau.

Guillermo Guiz

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