Critique | Musique

L’album de la semaine: Waxahatchee – Ivy Tripp

Waxahatchee © Michael Rubenstein
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ROCK | Nouvelle coqueluche du rock indie US décliné au féminin, Waxahatchee sort un troisième album au pouvoir de séduction instantané.

Waxahatchee est le nom du projet indie-folk-rock de Katie Crutchfield. C’est aussi une petite saignée du fleuve Coosa sur les terres de l’Alabama. L’endroit paradisiaque est situé à une heure de Birmingham, là où Crutchfield est née et a grandi. Comme quoi, on peut se cacher derrière un groupe, qui n’est en gros que le sien, et en dire déjà beaucoup sur soi. Et sur la musique que l’on rumine: à quoi elle peut ressembler, pourquoi on la fait, ce qui la motive, ce qui la nourrit -par exemple, une certaine mélancolie, la nostalgie de ces moments passés gamin au bord de l’eau, en famille, dans la chaleur estivale du Sud.

Cela fait un moment maintenant que Katie Crutchfield (1989) a dévié vers le rock, fascinée notamment par la fulgurance du punk et l’éthique do it yourself. Depuis ses quatorze ans, souvent avec sa soeur jumelle (les groupes The Ackleys, P.S. Eliot), elle a ainsi sorti une flopée d’albums, de singles, de cassettes… Avec Waxahatchee, la jeune femme a développé son propre véhicule pour raconter ses errements les plus intimes. Les deux premiers disques publiés sous ce nom ont ainsi marqué les esprits. Cerulean Salt, en particulier, s’est retrouvé dans plusieurs classements de la fin d’année 2013, auréolé d’un toujours très vendeur « best new music » sur Pitchfork (une cote de 8,4/10). Petit à petit, Katie Crutchfield est ainsi devenue l’une des coqueluches de la scène indé US, sa « Lena Dunham » pour reprendre la formule un poil lapidaire du Guardian…

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Une vie de chien

La mission du nouveau Ivy Tripp est donc claire: faire le « break ». Continuer à convaincre de nouveaux amateurs, et éventuellement passer dans la division supérieure. Pour preuve, Waxahatchee est aujourd’hui signé sur le label Merge, enseigne toujours « indé », mais dont le catalogue propose notamment les disques de gros calibres comme Arcade Fire… Un pas en avant donc. Si Ivy Tripp marque en effet une étape, qu’il diffère de ses deux prédécesseurs, notamment en élargissant la palette, il ne renie jamais pour autant ses fondamentaux. Comme cette conviction qu’il n’y a pas plus déchirant qu’un piano-voix (Half Moon), ou d’exutoire plus jouissif qu’une mélodie pop fracassée contre des guitares électriques. Comme on le faisait dans les années 90? Précisément. Un titre comme Under a Rock renvoie forcément vers les disques de Liz Phair ou Neutral Milk Hotel. Juste avant, Ivy Tripp a démarré de manière beaucoup plus spectrale: porté par un bourdonnement et un orgue macabre, Breathless ouvre le disque par une lente marche funèbre. Dans la foulée, il démontre que le lien que Waxahatchee trace vers les nineties n’est pas que musical, qu’il tient aussi dans un même état d’esprit, vaguement désenchanté. Sur le morceau <, Crutchfield chante: « You’re less than me, I’m nothing »… Il s’agit évidemment moins ici d’une nostalgie que d’une certaine tradition américaine. Une manière d’envisager l’idiome rock comme une musique à hauteur de sentiment, avec tout ce que cela peut avoir de violent, sincère et cru. Comme avec Summer of Love: Crutchfield le chante dans la rue, seule avec sa guitare. Plus loin, on entend seulement un chien qui aboie. Ne laissez pas passer la caravane.

DISTRIBUÉ PAR WICHITA/PIAS.

EN CONCERT LE 31/05, AU DOK, GAND.

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