L’album de la semaine: Simian Ghost – The Veil

Simian Ghost © DR
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

POP | Le 3e album du trio suédois, entre dream pop amniotique et ressac océanique à la Brian Wilson, fait preuve d’une impressionnante maîtrise musicale.

Pas de hype graisseuse, d’image criarde ou de gonflette sur Web, on est chez les Scandinaves. Et très loin du grand-guignol mortifère du black metal. Donc ici, on coche davantage de talent pour la fabrication de chansons polissées jusqu’au noeud (gordien) que de pseudo-frasques rock. Ce dernier terme sonne vulgaire vu qu’en 18 titres et 62 minutes, Simian Ghost n’utilise incidemment que le nectar vintage, celui des Beach Boys, sans jamais défigurer sa propre identité béate. Un truc un peu flottant, aux énergies et figures oniriques, mantras vaporisés à l’image d’un pays -la Suède- réputé pour sa socialisation bienveillante et une forme supposée d’équité collective. Derrière cette réputation bisounours -à nuancer, cf. Millenium… -, il y a d’abord Sebastian Arnström, qui compose, arrange et produit l’affaire. Un peu (sur)doué, le jeune mec a eu l’honneur, en 2012, de la première critique pop suédoise dans le vénérable journal The Times depuis Abba. Autant dire, la préhistoire.

Quasi-freudien

En commun avec les quatre de Waterloo, Arnström possède le virus mélodique qui carbonise toute angoisse et violence alors que le contenu des morceaux n’en est pas exempt. Ainsi, A Million Shining Colours et ses dédales harmoniques irradiés de pop solaire ramènent forcément au génie multipistes de Brian Wilson. Un faux calme océanique. Arnström a ainsi déclaré qu’il avait écrit le titre pour « exprimer ce sentiment de déconnection avec la philosophie générale de la culture occidentale, une sorte d’appel naïf ou révolutionnaire si vous voulez. C’est aussi réaliser que vous avez passé la moitié de votre vie à faire de la musique, en mesurer l’insignifiance et l’accepter. » Quasi-freudien donc. Laissez le thérapeute ne rien vous opposer, et vous lui jetterez vos dysfonctionnements à la gueule. Traduction: usez de musiques du grand matin calme pour des paroles possiblement vénéneuses, ou tout au moins mélancoliques, ADN évident de l’ensemble. D’où cette question essentielle: pourquoi Simian Ghost n’est-il pas encore tube mondial en lieu et place des légions de groupes plus ou moins médiocres boostés par la mode feignasse, l’écho baveux de Twitter, la presse anglaise monomaniaque, les blogs persuadés de réinventer l’eau tiède? Vous m’en direz tant. Qu’il évoque Radiohead et cette façon unique de peindre la chanson dans un cumulus d’émotions (August Sun), fasse de la « simple » pop haute couture sur traficotage de sons de rues (Strange Light) ou rappelle le défi à la gravité vocale de Jonsi (Endless Chord), Simian Ghost impressionne par son talent manifeste. Ni plus mais vraiment pas moins.

  • DISTRIBUÉ PAR V2 RECORDS.

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