Quatre ans après le carton d’El Mal Querer, Rosalía revient avec un troisième album, qui élargit sa fusion pop-flamenco, dégoupillant un reggaeton décalé.
Il avait suffi d’un morceau pour dissiper les doutes. En 2018, Malamente démontrait que Rosalía n’était pas que le résultat d’une équation marketing savamment orchestrée –soit un mix pop-flamenco pour été collé-serré-, mais bien un véritable projet artistique. L’album El mal querer avait confirmé ces bonnes intentions. Mieux: il offrait à la jeune Catalane, née en 1992, une reconnaissance globale. Depuis, celle-ci a d’ailleurs multiplié les collaborations -J. Balvin, Travis Scott, James Blake, Billie Eilish, Arca…-, débuté au cinéma chez Almodóvar (Douleur et gloire) et réussi à s’inviter aux Grammys. Rosalía superstar…
Autant dire que la suite était attendue. Heureusement, Rosalía a pris le temps de bien faire les choses… Ce qui frappe d’abord, sur Motomami, c’est sa capacité à mixer les extrêmes, à la fois pop et expérimental, jouant à merveille les montagnes russes. Le single Saoko, par exemple, est lancé par une batterie jazz avant de virer vers un reggaeton métallique. « Fuck el estilo« , « fuck le style », clame celle à qui on a parfois pu reprocher son image trop calculée, jusqu’à en devenir désincarnée. Plus loin, sur Bizcochito, Rosalía confirme son appétence pour les outrances de l’hyperpop, tandis que CUUUUUuuuuuute ramène des sonorités industrielles et La Combi Versace convoque un clavier new wave polaire à la Cocteau Twins.
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On le sait, le succès, a fortiori planétaire, est un accélérateur de particules, aiguisant les émotions. C’est le thème de La Fama, bachata décalée avec The Weeknd. Mais aussi de G3 N15, qui se termine par un message de sa grand-mère (« quel monde compliqué que celui dont tu fais aujourd’hui partie »), ou encore de Diablo, reggaeton complexe et fracturé avec James Blake. En toute fin, Sakura reprend la métaphore de la fleur de cerisier du Japon pour souligner à quel point la vie de popstar peut être éphémère. Le morceau est chanté quasi a cappella, par une Rosalía solitaire, applaudie par un public lointain.
Avec Bulerías, c’est l’un des seuls flamencos de l’album. En Espagne, certains ont d’ailleurs déjà commencé à lui reprocher de s’être éloignée du patrimoine national. Et cela au profit du reggaeton, devenu la nouvelle lingua franca de la pop. D’autres ont tiqué aussi sur les textes, comme celui de Hentai, désormais plus crus et directs -loin en effet de la poésie d’ El mal querer, inspirée d’une nouvelle en occitan du XIIIe siècle. Rosalía pourtant insiste: « que Dieu bénisse aussi bien la chanteuse de flamenco Pastori que la rappeuse Lil Kim », connue pour ses rimes salaces.
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Rosalía se balade donc désormais entre Barcelone et Miami, en Fendi ou Combi Versace; emprunte à l’esthétique kawaii (Chicken Teriyaki), tout en montant, de manière très explicite, une grosse cylindrée (« mi gata en Kawasaki« ), offensive et bien décidée à en profiter, como un G. Mais sans jamais éluder non plus les tiraillements personnels plus profonds. Comme un papillon, « Yo me transformo« , « je me transforme », répète-t-elle en boucle sur Saoko. Mutante et humaine à la fois.
POP. Rosalía, « Motomami », distribué par Sony. ****
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