Critique | Musique

[l’album de la semaine] Moor Mother & Billy Woods – Brass

Moor Mother © Chris Sikich
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Moor Mother et Billy Woods font équipe sur un album de hip-hop aussi réussi qu’engagé, portrait d’une Amérique fracturée.

Musicienne, productrice, poétesse et activiste de Philadelphie (Pennsylvanie), Camae Ayewa est une artiste engagée et une femme occupée. Entre ses disques avec les (free) jazzmen d’Irreversible Entanglements, un album enregistré au festival Le Guess Who? avec la compositrice et flûtiste Nicole Mitchell (Offering) et une création théâtrale et audio (Circuit City) qui parle de logements sociaux et de brutalités policières, celle que les mélomanes appellent Moor Mother a trouvé le temps d’enregistrer un disque avec le rappeur Billy Woods.

Né à Washington D.C. mais aujourd’hui basé à New York, fils d’une prof jamaïcaine de littérature anglaise et d’un marxiste zimbabwéen, Woods avait embauché Ayewa sur le dernier album (Shrines) de son duo Armand Hammer. Elle y partageait le micro avec Earl Sweatshirt et imaginait le couteau d’un Black Panther dans le cou du roi Léopold (Ramesses II)…

Après avoir collaboré sur un titre pour la compilation Adult Swim Singles (collection 2019-2020), Woods et Ayewa font à nouveau équipe mais pour un album cette fois. Furies (le morceau en question), produit par Willie Green avec des instrus de Sons of Kemet, ouvre les hostilités. « They don’t want me to shine cause I remind them of the fight », attaque Moor Mother. L’ambiance est hantée. Les esprits dansent au ralenti. BRASS joue avec les atmosphères pour mieux faire résonner les mots. Wolf Weston, la chanteuse du groupe new-yorkais Saint Mela, apporte un grain soul/R’n’B à The Blues Remembers Everything the Country Forgot. Éloquent.

Hallucinations

Ayewa-Woods. L’association est somme toute logique. Figure singulière, radicale et expérimentale de l’afro-futurisme, Moor Mother n’a cessé, comme son acolyte, de dépeindre l’Amérique tel un empire en déclin qui écrase les plus faibles. Et Brass ne va pas déroger à la règle.

Méditatif et revendicateur, très accessible malgré quelques étrangetés, Brass a le ton acerbe et la prose combat, la noirceur rampante et le poing levé. Brass slalome entre le rap plutôt tendance expé, le jazz, la neo soul et le spoken word. Il a l’humeur changeante mais l’ambiance cohérente. Tandis que The Alchemist, Olof Melander, Child Actor ou encore Preservation se mêlent de la production, les rappeurs John Forté, Navy Blue et Mach Hommy, la chanteuse et productrice Fielded et le leader d’Algiers Franklin James Fisher viennent apporter vocalement leur contribution à cette tuerie de disque. Instantanés aux allures d’hallucinations d’une Amérique déchirée par la violence et l’oppression. Avec le dernier album de Quakers (le projet hip-hop de Geoff Barrow et de Katalyst), Brass est sans nul doute l’un des meilleurs disques de rap de 2020. Il n’est pas trop tard pour vous en convaincre…

Moor Mother & Billy Woods, « BRASS », distribué par Backwoodz Studioz. ****(*)

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
[l'album de la semaine] Moor Mother & Billy Woods - Brass

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content