
Adja, l’artiste à ne pas manquer au festival Jazz à Liège
Du 8 au 11 mai, le festival Jazz à Liège va décliner toutes les nuances de notes bleues. Dont celles de la Bruxelloise Adja, autrice d’un premier album épatant, flirtant entre revendications jazz et envolées soul.
Elle est l’une des nouvelles têtes d’une programmation qui, au-delà de ses stars incontournables, n’en manque pas. Après les Aralunaires (à Arlon, ce 2 mai), et avant le Jazz Middelheim, le Brussels Jazz Weekend ou le Gent Jazz, Adja sera en effet de passage au Jazz à Liège (lire plus bas). La chanteuse viendra y présenter son tout premier album, Golden Retrieve Her. Son agenda de tournée ne ment pas: la matrice de sa musique est bel et bien le jazz. Mais pour mieux dévier vers la soul, le gospel (ou même le rock). «Je me considère comme une chanteuse soul avec un amour pour le jazz. J’ai étudié le jazz pour comprendre la musique, et parce que il me paraissait être le « monde musical » qui résonnait le plus avec ma manière de penser et ma tendance à me poser des questions. Le jazz est une musique curieuse. Mais au fond de mon cœur et de mon âme, je suis un être soul.»
Née en 1993, Adja Fassa a grandi du côté d’Anvers. La musique a toujours compté, mais c’est en secondaires qu’elle commence à prendre plus de place. «Pendant une pause, ma meilleure amie m’a fait écouter Joni Mitchell. J’ai senti que sa manière d’écrire et de chanter était au croisement de la poésie et de ce que je comprenais alors comme étant du jazz.» A l’époque, Adja suit des études artistiques, section théâtre. Aujourd’hui encore, elle utilise ce qu’elle a appris sur les planches pour nourrir sa musique. «Je considère mon processus d’écriture comme une manière de « cuisiner » mes schémas émotionnels et les événements de la vie pour en faire une espèce de concentré. Ce qui fait que cela peut parfois donner l’impression que je chante ou joue une caricature de moi-même. Certains morceaux peuvent creuser tellement loin un sentiment qu’ils deviennent un peu comme la branche d’un arbre. Quand je chante ce genre de titres, cela revient alors à jouer un personnage –même s’il s’agit toujours de moi– dont je dois épurer ou au contraire épaissir les traits. Exactement comme au théâtre…»
Y a moyen, Adja
A l’écoute de Golden Retrieve Her, on découvre en tout cas une personnalité affirmée. Vocalement notamment, Adja trouve un équilibre assez saisissant entre grands effets et velouté plus intime. On devine cependant que cela n’a pas toujours été simple, et que la jeune femme a pu se chercher –au point d’attendre la trentaine pour vraiment éclore musicalement. Avant cela? Il y a donc eu des études de jazz et de théâtre –au Kask à Gand et à la Luca School of Arts de Leuven. Des voyages aussi –6 mois en Inde, à l’âge de 21 ans. Mais surtout, en fil rouge, «j’ai cherché pendant des années la permission d’être moi-même, tout en voulant connecter avec le reste du monde. Ce qui revient souvent à tirer et pousser en même temps…»
Depuis le début de sa carrière musicale, Adja est toutefois plus sereine. «J’essaie que les canaux restent fluides entre mon monde intérieur et le monde extérieur.» Ce qui passe par la méditation ou le yoga. Mais aussi par «l’engagement au quotidien que demande un projet musical: à chercher des meilleures manières de communiquer, avec ses réussites et ses échecs, observer des dynamiques de travail et me remettre moi-même en question sur la manière dont je me comporte avec les autres et ce que signifie être « relié ».»
«Je considère mon processus d’écriture comme une manière de “cuisiner” mes schémas émotionnels et les événements de la vie pour en faire une espèce de concentré.»
Cela se reflète dans un premier album foisonnant, imaginé avec le guitariste Alexis Nootens (son compagnon dans la vie) et enregistré avec une bonne douzaine de musiciens. Une collection de onze titres qui, comme tout bon disque de soul, mélange le charnel et le spirituel -voire l’ésotérique: quatre cartes de tarot ont été glissées dans l’édition vinyle–, cherchant à s’élever tout en gardant les pieds sur terre. Produit par l’Anglais Adam Scrimshire et l’indispensable Koen Gisen, Golden Retrieve Her se présente ainsi comme une réflexion sur «l’impact de notre société capitaliste sur nos moments les plus intimes», insiste le texte de présentation. Et, rajoute Adja, sur ce que cette «course en avant requiert d’énergie, de temps, d’attention, de patience.»
L’interlude The Sound of a Mother évoque par exemple «la figure sociale dont on attend le plus de choses, surtout la mère célibataire», tandis que Package Delivered by Tomorrow raconte les errances contemporaines d’un livreur. Une manière de démontrer au passage que, même proposé sous une forme relativement classique, le jazz n’est pas bloqué dans des schémas et peut aussi servir à raconter le présent. Y compris celui d’une ville aussi agitée (voire chaotique) que Bruxelles, où Adja est aujourd’hui basée. Se raccroche-t-elle d’ailleurs à la scène locale, le fameux Brussels Sound (dont plusieurs représentants –Echt!, Ciao Kennedy, etc.– sont signés sur le même label qu’elle, Sdban)? «Je connais personnellement certains de ces groupes; d’autres uniquement via leur musique. Mais ce que je trouve chouette à Bruxelles, c’est qu’au-delà de cette sous-culture très forte autour d’un jazz plus électronique, il y a aussi un autre trait de personnalité très fort de la ville qui consiste en simplement « faire ce que vous avez envie ». Ici, je me sens libre. Et en ce sens, oui, j’appartiens à cette scène bruxelloise.»
Adja, Golden Retrieve Her, distribué par Sdban.4/5
Le 2 mai aux Aralunaires (Arlon), le 8 mai au festival Jazz à Liège, le 9 mai à l’AB (Bruxelles), etc.Jazz à Liège, festival sans œillères
Depuis plus de 30 ans, le festival Jazz à Liège met les petits plats dans les grands pour fêter une musique qui, de René Thomas à Jacques Pelzer, a marqué les pavés de la Principauté. Au fil des années, les sponsors changent, mais l’esprit reste: cultivé, mais pas borné. Cette dernière décennie, l’affiche a même eu tendance à s’ouvrir de plus en plus aux genres voisins. Programmé du 8 au 11 mai, le festival se dispersera ainsi entre différents endroits de la ville (Reflektor, Forum, Trocadero, etc.) pour accueillir aussi bien la formidable chanteuse pakistanaise Arooj Aftab que le pianiste brésilien Amaro Freitas, le Londonien Joe Armon-Jones comme l’habitué de la maison Erik Truffaz, la harpiste Sophye Soliveau, DJ Lefto ou encore Dominique A et Thomas Dutronc.
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