Critique | Musique

Italia 90 donne tout sur son premier album

4,0 / 5
Les Miserable (planqué dans les branches), Bobby Portrait, J. Dangerous et Georgie McVicar. La fine équipe… © Jake Ollett
4,0 / 5

Album - Living Human Treasure

Artiste - Italia 90

Genre - Post-punk

Label - Brace Yourself Records

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Après sept ans d’existence, les malins et jusqu’au-boutistes Anglais d’Italia 90 dégainent enfin leur premier album. Living Human Treasure vise juste et frappe fort.

On ne peut pas dire qu’un groupe anglais répondant au doux nom d’Italia 90 parte en Belgique avec les faveurs du public. Bologne. Il y a 33 ans. 120e minute. David Platt scelle d’une cruelle reprise de volée les rêves des Diables Rouges. Même Michel Preud’homme en fait encore des cauchemars… On n’est pas rancuniers. Les années ont passé. Et ces quatre-là, des vrais de vrais, étaient à peine nés. De Charleroi à Liège en passant par Bruxelles, du Rockerill au Micro Festival en passant par Bidules, Italia 90 a déjà fait son trou. Pas besoin d’album. Il l’a creusé avec ses belles bretelles à coups de concerts incendiaires. Autant qu’un groupe de rock, Italia 90 ( en concert le 21/04 au Café Central à Bruxelles et le 22/04 au Charlatan à Gand) est une bande de potes et d’anciens colocs. Une poignée de mecs qui se sont rencontrés à l’école et se connaissent quasiment depuis le bac à sable. S’il peut sembler difficile de leur mettre le grappin dessus pour raconter le compte, c’est qu’ils gèrent leur carrière eux-mêmes (sans manager) et que quand ils causent, ils aiment le faire ensemble. Pour compliquer encore un peu les choses, les quatre membres du gang londonien travaillent. Joe “Dangerous” Davis (batterie) bosse pour la télévision et fait des recherches pour des documentaires, généralement historiques. Georgie McVicar (guitare) œuvre dans le monde caritatif sur la transidentité. Bobby Portrait (bassiste) trime pour un éditeur de livres d’art. Quant au chanteur, Les… Miserable, il bosse dans une bibliothèque et fait un master en cinéma. “On a moins de temps pour la musique qu’on le voudrait mais on n’en n’est pas dépendants, explique Joe, qui porte la barbe et le bonnet. On a récemment refusé d’éditer et d’écourter une de nos chansons (Harmony) pour qu’elle passe en radio. Si on n’avait pas eu de boulot et si on comptait sur ce groupe pour gagner de l’argent et payer notre bouffe, on l’aurait peut-être bien accepté. Nos jobs nous offrent en ce sens une réelle liberté.”

Italia 90 ne sort son premier album qu’après sept longues années d’existence. “Ça ne complique pas les choses. Ça les rend plus aisées, avance Les, son chanteur au look de skinhead. Tant que tu ne sors pas d’album, on continue de te considérer comme un jeune groupe. Et tu ne souffres pas des étiquettes, des catégorisations hâtives, des idées préfabriquées. Les gens continuent de te donner ta chance. Si on avait sorti un album en 2016, on parlerait de nous comme de vétérans.

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Fugazi, Unesco et blanchisserie…

Les est le seul à ne pas avoir allumé sa caméra. Il est en vadrouille et nous fait profiter de l’ambiance sonore (cris dans la rue, annonces dans le métro). À ses yeux, chaque membre d’Italia 90 semble appartenir à une décennie différente… Ça tombe bien, son disque est un condensé de la musique populaire des 50 dernières années. Italia 90 est un groupe qui se prête aux malentendus. Considérés comme des Londoniens (ils sont basés dans la capitale), les mecs sont originaires de Lewes, dans le Sussex. Située à un quart d’heure de Brighton, Lewes est l’archétype de la petite ville anglaise rurale et historique. “À l’époque, on écoutait des trucs aussi différents que Jurassic 5, Sum 41 et Metallica, se souvient Georgie. Mais notre amitié ne s’est pas construite sur la musique. C’est en vieillissant qu’elle est devenue de plus en plus importante et s’est mise à accaparer une partie grandissante de nos vies sociales.

Depuis lors, chacun a suivi sa voie. Les parle de dub et de reggae et Georgie reconnaît s’être tourné vers les musiques électroniques. “Je pense que ça s’entend dans mon son de guitare. Les pédales, les manipulations de texture. Ce qui peut sembler inhabituel pour ce que beaucoup qualifient de groupe punk.” “Moi du punk, je n’en ai pas écouté beaucoup ces dernières années, embraie Bobby. Je me suis davantage intéressé à des trucs sophistiqués de bossa nova, de jazz ou même de musique classique. Le fait qu’on ait chacun nos affinités rend nos chansons récentes plus intéressantes.

Quand ils évoquent leur morceau Leisure Activities, les mecs parlent de jungle, de Squarepusher, d’Autechre. (Post-)punk, noise, jazz, new wave, gothique… Football total. Italia 90 est volontaire, physique, jusqu’au-boutiste et n’est en ce sens pas sans rappeler les Irlandais de Gilla Band. “Pas mal de chansons datent. On voulait que le disque raconte notre histoire jusqu’ici. Six ou sept ans en somme”, résume Joe tandis que Les ponctue: “On regarde dans le rétroviseur mais aussi dans la pare-brise avant.

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Living Human Treasure (clin d’œil à la reconnaissance officielle qu’a accordée l’Unesco à des détenteurs de la tradition et à des praticiens talentueux pour assurer la transmission de leurs connaissances et de leur savoir-faire aux jeunes générations) est un disque au discours politique et social. Italia 90 ne joue pas les donneurs de leçon. Pas plus qu’il ne se présente comme le porte-parole des classes laborieuses. Italia 90 ne s’exprime qu’en son nom. Le fiévreux Magdalene parle des Magdalene Laundries, des institutions religieuses irlandaises jadis chargées de punir les femmes considérées comme immorales. Des blanchisseries qui exploitaient les filles dites perdues comme les prostituées ou enceintes hors mariage.

Souvent, le punk et le post-punk ont tendance à prêcher, avance Georgie. Mais j’aime les groupes qui ont une éthique. J’ai récemment regardé un documentaire sur Fugazi. J’ai été impressionné par sa manière de penser et d’agir. Quand des mecs emmerdaient le monde à ses concerts, il les faisait monter sur scène, leur rendait leur fric et les invitait à se casser. Il ne jouait pas là où les tickets auraient été vendus trop chers à ses yeux. Et il a même refusé de se faire interviewer par le Rolling Stone à moins qu’il publie un numéro sans pub d’alcool et de tabac.” “Il est important de juger les groupes et les gens sur ce qu’ils font plus que sur ce qu’ils disent”, conclut Les. For sure…

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